Mexique 1863. Louis (Malik Zidi), photographe, un cheval, une mule avec son matériel photo, une carte, est à la recherche du 2ème régiment d’infanterie de Marine. Il a du mal à supporter le climat dur et froid, la grêle et la pluie qui frappe et se déverse sur ses montagnes à la végétation luxuriante et dense. Louis avance péniblement. Dans ses journées grises et moites, parfois une trace, un squelette d’animal, une veste d’uniforme, sale et déchiré. Au loin, résonne le bruit des canons, la guerre lui échappe, mais Louis avance vers la bataille…
Vers la bataille est le premier long-métrage d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux. Il s’éloigne des chemins traditionnels du jeune cinéma français, du naturalisme et du sociétal. Son voyage est d’un autre ordre, vers des contrés lointaines, vers une histoire dont nous ne parlons plus. 1862 – 1867, l’expédition militaire française au Mexique reste un événement central dans l’histoire du pays. Pour avoir une vague idée de ce conflit, il faut se tourner vers le film historique : Juarez (1939) de William Dieterle et surtout le western : Vera Cruz (1954) de Robert Aldrich, Major Dundee (1965) de Sam Peckinpah, Sierra Torride (1970) de Don Siegel, où le conflit est en toile de fond.
Le film d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux raconte une double aventure humaine, Louis, père, perdu dans une guerre si loin et si proche et d’un pauvre péon Pinto. Louis, Don Quichotte en quête de la réalité, brutale, violente et qui laisse les hommes morts sur le bas-côté de l’histoire. Laisser un témoignage, des clichés du chaos, de la folie des hommes, mais tout est rapidement faussé. Louis est là pour apporter son lot de gloires à des généraux, ce qu’il refuse. D’autres, moins talentueux, en lien avec l’armée, n’hésitent pas à reconstituer des images pour la postérité, des fakes. Louis patiemment écrit à sa femme Camille. Il note ses impressions, décrit ses rencontres, les soldats perdus, les rebelles mexicains, l’immensité de ce territoire. La peur qui le taraude. Son crayon est le lien invisible avec l’autre. Le film de guerre est souvent un cinéma de fantôme.
Pinto, Sancho Panza de ses terres de désolation, entreprend de suivre Louis. Il le conduit vers les tirs, traversant des espaces inhospitaliers. Pinto le sauve des pièges de l’homme autant que de la nature. Il découvre l’art de la photographie. Là où Louis saisit la mort, Pinto capte la vie.
Vers la bataille, rejoint les grandes œuvres de guerre avec sa dimension atmosphérique, de la présence des lieux, autant espace protecteur que danger permanent. Le souffle du vent, la pluie qui pénètre les corps, le feu déchirant les nuits froides, Aurélien Vernhes-Lermusiaux nous place au cœur d’un monde lointain. Il y a du Raoul Walsh revu par Werner Herzog dans sa mise en scène. L’épique à hauteur d’homme avec un temps de retard, Louis arrive toujours après. Vision atmosphérique,forte et puissante, Vers la bataille, Apocalyse Now en modèle réduit, est une belle réussite, un premier film d’un cinéaste à suivre.
Fernand Garcia
Vers la bataille une édition ESC distributions avec en supplément : Les vies de Lenny Wilson, court-métrage d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux (25 minutes). Extraits de séquences non montés (5 minutes), et une série de photos de tournage en Colombie.
Vers la bataille un film d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux avec Malik Zidi, Leynar Gomez, Thomas Chabrol, Olivier Chantreau, Sébastien Chassagne… Scénario : Olivier Demangel et Aurélien Vernhes-Lermusiaux. Image : David Chambille. Décors : Jaime Lune. Costumes : Catherine Rodriguez. Son : Jocelyn Robert, Julien Roig & Emmanuel Croset. Montage : Thomas Glaser. Musique : Stuart A. Staples. Producteur : Julien Naveau. Production : Noodles Production – Imaginaria Cine – Le Studio Orlando – Groupe TSF – Pixel Street – Rezo Productions. Distribution (France) : Rezo Films (sortie en salle le 26 mai 2021). France – Colombie. 2019. 89 minutes. Couleur. Format image : 1,85 :1. Son 5.1 et Stéréo. Première mondiale, compétition officielle – Festival de Tokyo, 2019. Prix Louis Delluc du premier film, 2021. Tous Publics.