« Sache que le verre se brise
Ô sinistre, attends la hantise !
Et à passer sous une échelle
Ta chance pourrait se faire la belle !
Vendredi, le treize a sonné
Tiens-toi loin de tout escalier ! »
Sir Joshua Peachtree (une pure invention)
Pas de doute le Vendredi 13 juin va s’avérer une date fatidique pour le professeur George Kingsley (Stanley Ridges). Son histoire débute par une exécution. Le Dr Sovac (Boris Karloff), un éminent scientifique, est conduit à la chaise électrique. Tout est en place dans une pièce de la centrale électrique pour l’accueillir. Depuis son arrestation et le procès qui a suivi, le Dr Sovac est reste muré dans le silence. A quelques pas de la chaise, il donne à un journaliste présent, son carnet secret. Il y relate son incroyable expérience… Tout avait bien débuté pour le professeur Kingsley, son cours de littérature à l’Université s’était déroulé comme d’habitude. La journée promettait d’être belle avant que l’irréparable se produise. Pris en pleine rue dans une course-poursuite règlement de comptes entre gangsters, Kingsley est violemment heurté par la voiture de Red Cannon (Stanley Ridges), un truand de la pire espèce. Les deux hommes gravement blessés sont conduits dans l’hôpital du Dr. Sovac…
Vendredi 13 avance à la vitesse d’une rotative de presse. Ses enchaînements, ponctués par les pages du Dr Sovac, claquent comme des Unes. Cette histoire abracadabrante est un sympathique démarquage du Docteur Jekyll et Mister Hyde de Robert Louis Stevenson par Curt Siodmak (et Eric Taylor). Le film est mené d’une main sûre par un Arthur Lubin en grande forme. Pas de temps, toujours à l’essentiel, pas le temps de s’appesantir. Le Dr Sovac va procéder à une expérimentation limite : coupler au cerveau du bon professeur Kingsley celui de l’épouvantable Red Cannon. Le Dr. Sovac a un but, récupérer le gros paquet de dollars que Red Cannon a caché. Mais les anciens collègues de Red Cannon sont à ses trousses, dont l’infâme Eric Marnay (Béla Lugosi). La seule possibilité pour le Dr Sovac de mettre la main sur le pactole est de faire revivre Red Cannon dans le corps du professeur Kingsley.
Vendredi 13 est une fusion du film criminel et du film d’horreur. Boris Karloff et Béla Lugosi sont en haut de l’affiche, mais le rôle de Lugosi est réduit au minimum, son personnage est secondaire. Karloff est impeccable, mais c’est Stanley Ridges qui tire à lui la couverture dans le double rôle du vieux professeur Kingsley et du gangster Red Cannon.
Vendredi 13 est écrit par Curt Siodmak, frère du cinéaste Robert Siodmak. Il est l’un des grands scénaristes de films d’épouvante hollywoodien des années 40/50, né le 10 août 1902 à Dresde (Allemagne). Siodmak est doué pour l’écriture, ses premiers écrits d’anticipation paraissent en 1926. Il écrit de la littérature populaire mêlant criminologie et science-fiction. A l’arrivée au pouvoir d’Hitler, il s’exile d’abord en France, où il imagine l’argument de La crise est finie que réalise son frère Robert avec Danielle Darrieux et Albert Préjean. Malgré ce succès, il quitte Paris en 1934 pour Londres. Court passage où, à l’expiration de son visa, il doit partir pour la Belgique. Période troublée qui contraint Curt Siodmak à l’errance. Le grand producteur anglais, Michael Balcon, le rappelle à Londres. En 1937, l’approche d’une guerre imminente décide Siodmak à tenter l’aventure d’Hollywood. Il n’est pas un inconnu aux Etats-Unis, Hugo Gernsback (le prix Hugo est un hommage à ce grand éditeur) a publié ses récits dans Amazing Stories. Il entre tout d’abord au pool de scénaristes de la Paramount, avant d’intégrer les studios d’Universal où laissera libre cours à sa créativité.
Siodmak entremêle dans ses scripts préoccupations et angoisses liées à l’époque. Tous ses monstres, auxquels il donne vie, sont les enfants perdus de la guerre, de la souffrance et de la solitude. Chez Curt Siodmak, la science-fiction aboutit à un sentiment effroyable de terreur. Dans Vendredi 13, on trouve les prémices de sa grande œuvre littéraire, Le Cerveau du nabab (Donovan’s Brain) dont les adaptations cinématographiques officielles ou non ne se comptent plus. Curt Siodmak est décédé en 2000 à l’âge de 98 ans. Depuis sa disparition, Siodmak est au crédit de 4 films. Son cerveau aurait-il été transplanté dans un autre corps ?!?
Vendredi 13 est un film à l’intersection du fantastique et du polar, avec ce sens de la concision et de l’efficacité de la série B propre au film des années 40
Fernand Garcia
Vendredi 13 une édition combo Eléphant Films avec en supplément : Docteur Jekyll et Mister Gangster, présentation de Vendredi 13 par Nicolas Stanzick : « Vendredi 13 est un film typique du mélange des genres » (16 minutes). Une belle galerie de photos teintés et noir et blanc du film, la bande-annonce d’époque de Vendredi 13 (1,47 minute) et un florilège des bandes-annonces de la collection : Le Corbeau, Double assassinat dans la rue Morgue, L’île du Docteur Moreau, Night Monster, Le Chat noir, Le château de la terreur et L’homme aux mille visages. Un livret sous la houlette d’Alain Petit, présente le film et s’accompagne d’une très belle iconographie (20 pages)
Vendredi 13 (Black Friday) un film d’Arthur Lubin avec Boris Karloff, Béla Lugosi, Stanley Ridges, Anne Nagel, Anne Gwynne, Virginia Brissac, Edmund MacDonald, Paul Fix… Scénario : Curt Siodmak et Eric Taylor. Directeur de la photographie : Elwood Bredell. Décors : Jack Otterson. Montage : Philip Cahn. Production : Universal Pictures. Etats-Unis. 1940. 70 minutes. Noir et blanc. Format image : 1.33 :1. Full HD. Son : DTS-HD Dual Mono 2.0. Version originale avec sous-titres français. Tous Publics.