Les balles sifflent et criblent une petite cabane perdue dans un paysage désolé. A l’intérieur, un noir et sa femme enceinte Apache. Il est accusé par Frank Tanner (Jon Cypher), le plus important et riche propriétaire et éleveur de la région, d’assassinat. Autour de la cabane, toute une faune de curieux, de spectateurs de tout âge, et d’hommes de main de Tanner. Bob Valdez (Burt Lancaster), shérif adjoint, arrive sur les lieux comme unique représentant de la loi. Il décide d’aller voir l’homme retranché dans la cabane…
Valdez est une histoire de rédemption surprenante et captivante jusqu’à un dénouement des plus étonnants. Valdez, métis mexicain, est un personnage simple et complexe à la fois. Il aurait pu être de ces saints qui parcourent l’œuvre de Luis Buñuel. Valdez est du côté de la loi, du progrès, de la civilisation émancipatrice. Dans ce but, il a combattu, dans le 7e de cavalerie, les Apaches. Mais les retombés de la civilisation ont créé des canyons d’injustices, la loi du plus fort règne. Valdez est outré par la facilité avec laquelle un homme est accusé sans la moindre preuve, juste un témoignage celui de Tanner et une rumeur de désertion. Il ne peut arrêter un jeune dingue de la gâchette qui tire sur la femme Apache, – pour lui faire peur -. La femme poursuit son chemin un seau d’eau à la main, dignement sans s’affoler. Attitude droite et fière qui en dit long sur les brimades qu’elle a dû supporter durant sa vie. Personnage magnifique, qui ne dit pas un mot de tout le film.
Valdez, en légitime défense, tue, sans en avoir l’intention, l’homme dans la cabane. Il n’est pas un déserteur et Tanner reconnaît qu’il n’est pas le tueur. Valdez pour se racheter décide de faire une collecte de deux cents dollars pour la femme. Les notables de la ville, un peu contraint par Valdez, acceptent de mettre au pot, à condition que Tanner les suivent, moitié-moitié. Tanner refuse. C’est le début d’un véritable chemin de croix de Valdez. Il n’a été qu’un pion dans l’asservissement des peuples autochtones. Il doit porter sa croix (littéralement) pour se libérer. Dans son uniforme de la cavalerie, il demande réparation. Dans une superbe scène, Valdez demande à l’un des hommes de Tanner de le prévenir que : « Valdez arrive ». Mais Valdez n’est rien, ne représente rien et l’homme revient sur ses pas pour le tuer. Mal lui en prend. Il y a une dimension quasi mystique dans l’action de Valdez, plus rien ne l’arrête. La morale est de son côté, des marginaux, des gens qui ne sont rien.
Valdez s’insère dans la carrière de Burt Lancaster entre L’homme de la loi (Lawman) de Michael Winner et Fureur Apache (Ulzana’s Raid) de Robert Aldrich. Trois formidables westerns à classer parmi les meilleurs des années 70. Tôt engagé sur Valdez, Burt Lancaster se destiner au rôle de Tanner avant d’opter pour celui de Valdez, à l’origine pour Marlon Brando. Roland Kibbee, collaborateur de longue date de Burt Lancaster, réadapte le script de David Rayfiel, pour la personnalité de l’acteur. Le film devait être réalisé par Sidney Pollack (Rayfield est son scénariste de prédilection). Pollack qui avait déjà dirigé Lancaster dans Les Chasseurs de scalps (The Scalphunters, 1968) et Un château en enfer (Castle Keep, 1969), quitte le projet et c’est, un metteur en scène et auteur dramatique, Edwin Sherin qui est choisi pour la réalisation. A 41 ans, Valdez est son premier film. Sa mise en scène est sans fioritures, Sherin reste proche de ses personnages et filme à hauteur d’homme. Il est aidé par l’excellente photographie de Gábor Pogány.
Le film développe deux personnages féminins intéressants et forts, l’indienne et la femme blanche, Gay Erin. Elle est le pendant de l’indienne, veuve aussi (d’une manière bien différente), elle traîne un mystère. Est-elle la maîtresse de Tanner, par intérêt ou bien forcée ? Ou les deux à la fois ? Rien ne lèvera le voile, la transparence de sa robe (quand Valdez l’enlève) n’est qu’un leurre. Gay Erin est incarnée par Susan Clack, actrice d’origine canadienne. Elle débute très jeune sur les planches, avant d’être sous contrat avec Universal. Actrice subtile, grande aux yeux bleus, à la présence affirmée, Susan Clark arrive à trouver sa place dans des films d’« hommes » : Police sur la ville (Madigan, 1968) et Un shérif à New York (Coogan’s Bluff, 1968) de Don Siegel, Willie Boy (Tell Them Willie Boy is Here, 1969) d’Abraham Polonsky, entre autres. Elle donne ainsi la réplique à des stars Robert Redford, Rock Hudson, Gene Hackman, Charlton Heston, Dean Martin, Clint Eastwood, Richard Widmark, etc. Susan Clark a surtout une longue carrière à la télévision américaine, où elle a incarné dans des téléfilms des personnages qui ont su émouvoir les téléspectateurs, jusqu’à une meurtrière confrontée à l’inspecteur Colombo (Peter Falk) dans Attente (Lady Is Waiting, 1975). Elle recroise Burt Lancaster pour l’excellent Le flic se rebiffe (The Midnight Man) polar que coréalise l’acteur avec Roland Kibbee en 1973.
Valdez est pour Burt Lancaster comme un prolongement de L’homme de la loi. La rectitude du Marshall Maddox (L’homme de la loi) et celle de Valdez, sont les deux faces d’un dollar, si proche et si lointain. La dimension morale des deux personnages rend ses films (faux frère) passionnants. Tous deux abordent une question morale avec une acuité coupante et dérangeante.
Valdez, film méconnu, est un grand western.
Fernand Garcia
Valdez une édition Sidonis Calysta dans la collection Western de légende. Très riche édition avec pas moins de quatre présentations et un documentaire. Bertrand Tavernier (24 minutes). Le réalisateur et ex-critique Yves Boisset (10 minutes). Patrick Brion (9 minutes) enfin Jean-François Giré (12 minutes). Un très beau livret (richement illustré) sur Burt Lancaster par Jean-Claude Missiaen, attaché de presse et ami de l’acteur (36 pages).
Valdez (Valdez Is Coming) un film d’Edwin Sherin avec Burt Lancaster, Susan Clark, Frank Silvera, Jon Cypher, Richard Jordan, Barton Heyman, Hector Elizondo, Phil Brown… scénario : Roland Kibbee et David Rayfiel d’après le roman d’Elmore Leonard. Directeur de la photographie : Gábor Pogány. Direction artistique : José Maria Tapiador. Costumes : Lewis Brown. Montage : James T. Heckert et George R. Rohrs. Musique : Charles Gross. Producteur exécutif : Roland Kibbee, Burt Lancaster. Producteur associé : Sam Manners. Producteur : Ira Steiner. Production : Norlan Productions – Ira Steiner Productions – United Artists Corporation. Etats-Unis. 1971. 90 minutes. DeLuxe. Format image : 1.85 :1. Version originale avec ou sans sous-titres français et Version française. DTS-HD. 2.0. Tous Publics.