Comme chaque dimanche, Yuzo et Masako se retrouvent à la gare de Tokyo pour passer un dimanche ensemble. Ils ont quelques yens en poche…
Un merveilleux dimanche est une perle inédite d’Akira Kurosawa qui sort enfin en France. Cette journée d’un couple pauvre dans le Japon de l’après-guerre est d’une richesse et d’une humanité qui fait honneur au cinéma. Yuzo et Masako sont jeunes et amoureux. Ils se promènent dans la ville et se rêvent un avenir en commun. Mais rien n’est simple dans le chaos de l’après-guerre et de l’occupation américaine. Chacun cherche à s’en « sortir » par tous les moyens.
En une journée de la vie du couple de Yuzo et Masako, Kurosawa dresse le portrait d’une jeunesse, qui tente de garder espoir en l’avenir, et d’un pays en ruine. Dès le premier plan, Kurosawa donne le ton: le propos n’est pas vain et vide, mais politique. Yozo tente d’allumer une cigarette, Masako d’un geste rapide la fait tomber. Yozo est ennuyé mais ne la ramasse pas. Scène anodine – elle ne veut pas qu’il fume quoi de plus normal, mais la scène ne prendra tout son sens qu’à la toute fin. Seul, Yozo sort de sa poche une autre cigarette, il hésite, la jette et l’écrase, c’est une cigarette américaine.
Kurosawa passe de l’intime au collectif avec une incroyable élégance. Le jeune couple aimerait vivre ensemble, et c’est dans un appartement-témoin qu’ils vivent un instant d’intimité et de rêve. Mais la réalité débarque aussitôt par le biais d’un couple de circonstance: lui, il a de l’argent, et elle se vend grossièrement pour survivre. Yozo se consume de désir. Il aimerait lui faire l’amour, mais ils ne peuvent aller nulle part pour un moment d’intimité. Et c’est une longue balade dans Tokyo sans but en marchant au hasard. Ils tentent de louer un appartement minable, mais leurs pauvres moyens n’y suffisent pas. Ils sont pauvres, et la pauvreté s’étale partout autour d’eux. Leurs vêtements les condamnent au regard de ceux qui possèdent. Leur relation en pâtit, la haine de la misère, ils la retournent contre eux. Ils se séparent… mais l’amour les réunit à nouveau…
La nuit tombe, et sur la scène: amphithéâtre perdu au milieu des ruines d’un monde mort. Yuzo dirige un orchestre fantôme pour La Symphonie inachevée de Schubert. Instant magique où, face à une nature déchaînée, le couple résiste… Prodigieuse mise en scène et incroyable sens du montage de Kurosawa. Répétition de mouvements, de scènes, Kurosawa force le symbolique à devenir réel, physique… L’espoir renaît au sein du chaos… et c’est toute la force de vivre des gens humbles qui reprend vie… Un merveilleux dimanche est l’ébauche d’un nouveau départ.
Fernand Garcia
Un Merveilleux dimanche (Subarashiki nichiyobi) un film d’Akira Kurosawa avec Isao Numasaki, Chieko Nakakita, Atsushi Watanabe, Zekô Nakamura, Ichirô Namiki, Toppa Utsumi, Ichirô Sugai, Tokuji Kobayashi… Scénario : Akira Kurosawa et Keinosuke Uekusa. Directeur de la photographie : Asakazu Nakai. Décors : Kazuo Kubo. Musique : Tadashi Hattori. Producteur : Sôjirô Motoki. Production : Toho Company. Distribution (France) : Carlotta Films (Inédit en France, sortie : le 25 janvier 2017). Japon. 1947. 108 mn. Noir et blanc. Format image : 1.37 :1. 35 mm. DCP. Image restaurée.