Le titre original, Un poliziotto Scomodo a un double sens qui pourrait donner un policier gênant ou un policier mal à l’aise, bien plus proche de la réalité du film qu’Un Flic explosif. Le commissaire Olmi (Maurizio Merli), puisque c’est lui le flic, est un homme honnête mais tourmenté jusqu’à l’obsessionnel. Il n’hésite pas à utiliser des méthodes non-conventionnelles pour résoudre une affaire. Adepte des interrogatoires musclés, il n’hésite pas à faire usage de la force. Le commissaire Olmi est en poste à Rome. Un double meurtre le met sur la piste d’un puissant notable, Degan, directeur des douanes de Fiumicino, par suite des aveux de son fils. Olmi est persuadé de tenir Degan, malgré son manque de preuves. Mais Degan à le bras long et l’argent nécessaire, le juge rechigne à le poursuivre. Olmi s’obstine et il échappe de peu à une tentative d’assassinat. A force de fouiller, Olmi découvre que la corruption gangrène jusqu’au sein du palais de justice. Impuissant, il plonge dans un état de dépression. Sur les nerfs, il commet une bavure. Olmi est muté à Civitanova, loin de Rome.
L’éloignement du commissaire de la capitale pour une petite ville de province. On s’attend à une suite à la poursuite de l’enquête jusqu’à la chute de Degan et la révélation au grand jour de la corruption, eh bien non ! Et c’est dans cette cassure qu’Un Flic explosif gagne une étonnante force. Après une demi-heure, Stelvio Massi débute une autre histoire, comme si, rien n’était plus possible. Constat noir sur une époque. La deuxième partie est une autre histoire, celle d’un trafic d’armes. Il n’y aura pas de retour en arrière, la première partie sonne le tocsin du « triomphe » du mal. La deuxième partie la rédemption du commissaire Olmi par le terrassement des forces du mal.
Cette articulation scénariste est intéressante tant elle surprend, de même que la construction psychologique du commissaire Olmi constitue un terrain à approfondir que Stelvio Massi abandonne au fil de la deuxième partie pour se focaliser sur l’action. Un flic explosif oscille entre pamphlet politique et le polar d’action. Il est un digne représentant du poliziottesco, un genre né dans les Années de plomb et que l’on peut définir comme neo-polar urbain et violent. Un genre qui se nourrit principalement de l’actualité, faits-divers, scandale politique. Le décor urbain contemporain se métamorphose en un nouvel Far-West. Le flic est le nouveau shérif, dent pour dent, œil pour œil, face à la violence et à la corruption. L’acte fondateur du poliziottesco est Société Anonyme anti-crime (La polizia ringrazia) signé par Steno sous son vrai patronyme, Stefano Vanzina. Le succès en 1972 du film engendre immédiatement un nouveau genre du cinéma populaire plus en phase avec le quotidien délétère des Italiens.
Il arrive à point nommé, le western est en perte de vitesse et s’enfonce dans la dégénérescence du genre avec la parodie. Ainsi, nombre d’artisans, réalisateurs, scénaristes, acteurs, techniciens, du western et du giallo vont se reconvertir dans le poliziottesco. C’est un genre à la croisée des chemins, absorbant toute sorte d’influence, cinéma politique italien, film d’action, horreur, érotique, Clint Eastwood (L’Inspecteur Harry), Charles Bronson (Un justicier dans la ville). Politiquement, c’est un sentiment d’anarchie qui domine avec des « emprunts » autant à droite qu’à gauche. D’une certaine manière, ils sont le reflet d’une époque. Les poliziotteschi sont alors méprisés par le critique, perçu comme fascisants, populistes, se vautrant dans l’apologie d’une justice expéditive. Déconsidéré par la critique, il faudra des années pour que le poliziottesco soit reconnu à sa juste valeur. Si tous les films ne sont pas du même niveau, ce qui est normal, il y a de véritables perles voire des chefs-d’œuvre parmi les poliziotteschi. Ses films influenceront le polar européen jusqu’en France où l’on trouve des traces jusque dans les policiers avec Belmondo qui à son tour influencera avec Peur sur la ville (1975) d’Henry Verneuil, Un flic explosif entre autres dans l’intervention du commissaire Olmi lors de la prise d’otages finale.
Stelvio Massi est l’un des plus importants réalisateurs de poliziottesco. Après une carrière de directeur de la photographie alternant westerns et gailli avec Tonino Valerii, Sergio Grieco et Guiliano Carnimeo, principalement. Massi débute à la réalisation avec Cinq femmes pour l’assassin (Cinque donne per l’assassino) un giallo en 1974. Il s’engouffre rapidement dans le poliziottesco dirigeant plus d’une dizaine de films entre 1974 et 1980. Il est l’un des plus actifs et talentueux dans le genre avec Fernando Di Leo, Umberto Lenzi et Enzo G . Castellari. Entre 1977 et 1980, il réalise six films avec Maurizio Merli. La deuxième partie d’Un Flic explosif se déroule à Civitanova dans la région des Marches en Italie centrale, la ville de naissance de Stelvio Massi. Sa mise en scène est le plus souvent en mouvement combinant fréquemment les mouvements d’appareils avec des zooms. Stelvio Massi est un réalisateur au style nerveux et dynamique. Il est avant tout l’artisan d’un cinéma efficace, même si sous le vernis de l’action, il n’est pas interdit d’y discerner des préoccupations politiques. Stelvio Massi était communiste.
Figurant dans Le Guépard (Il Gattopardo, 1963) de Luchino Visconti, Maurizio Merli devient populaire en incarnant Garibaldi dans la mini-série La jeunesse de Garibaldi (1974). L’énorme succès de Rome violente (Roma violenta, 1975) de Marino Girolami marque son entrée dans le poliziottesco. Il en devient l’une des figures emblématiques avec Tomas Milian. Commissaire violent dans une série de films qui marque durablement les spectateurs des salles de quartier. La disparition des poliziotteschi et l’effondrement du cinéma italien sonnent la mise en semi- retraite de Maurizio Merli. Il est décédé prématurément d’un infarctus du myocarde en 1989 à 49 ans. Souvent critiqué pour son jeu monolithique, Merli n’en reste pas moins un acteur physiquement investi dans ses personnages, exécutant lui-même les cascades et poussant au maximum le réalisme des scènes de bagarre.
Un flic explosif est un bel exemple de poliziottesco sous la houlette de Stelvio Massi, soutenu par une formidable musique de Stelvio Cipriani. A redécouvrir.
Fernand Garcia
Un flic explosif, une édition (combo Blu-ray + DVD) en version intégrale d’Artus Films, Master 2K restauré, avec en suppléments : Une présentation du film par Curd Ridel, sur la carrière de Stelvio Massi et de ses différents acteurs (21 minutes). Entretien avec Danilo Massi, fils et assistant de Stelvio Massi. Une évocation d’un cinéaste et d’une époque cinématographiquement absolument passionnante et bien sûr Un flic explosif dont il est à l’origine (41 minutes). Diaporama d’affiches et photos. Film-annonce original.
Un flic explosif (Un poliziotto Scomodo) un film de Stelvio Massi avec Maurizio Merli, Olga Karlatos, Massimo Serato, Mario Feliciani, Mimmo Palmara, Attilio Duse, Mirella Frumenti, Alice Gherardi… Scénario : Gino Capone, Teodoro Agrimi (Teodoro Carrà) d’après une histoire de Danilo Massi. Directeur de la photographie : Sergio Rubini. Décors : Franco Calabrese. Costumes : Andrea Zani. Montage : Mauro Bonanni. Musique : Stelvio Cipriani. Production : PAC. Italie. 1978. 100 minutes. Format image : 1,85 :1. Son : Version originale avec sous-titres français et Version française. Tous Publics.