Reno Davis (George Peppard), écrivain américain, mène une vie de bohème à Paris. Boxeur occasionnel, il n’a plus la forme pour tenir plus d’un round sur le ring. De retour d’un combat avec un ami de misère, on tire sur leur voiture. Reno n’a pas trop de mal à mettre la main sur le snipper, il s’agit d’un en enfant de huit ans, Paul (Barnaby Shaw). Dans le château des Villemont, Reno fait la connaissance de la mère de Paul, Anne de Villemont (Inger Stevens), une séduisante veuve…
Un cri dans la nuit est un film inégal au scénario particulièrement alambiqué qui tient en partie debout grâce au savoir-faire de John Guillermin. L’histoire embarque un écrivain à la « Ernest Hemingway » dans une histoire de complot paramilitaire. Le film se déroule en France dans l’après-guerre d’Algérie, jamais cité nommément, mais il suffit d’ouvrir les yeux pour le voir. Un film de famille se déroulement sur leurs « terres » de l’autre côté de la Méditerranée, un tag « Tixier » (sur lequel insiste particulièrement Guillermin) sur le mur de l’hôtel particulier de la famille De Villemont. Guillermin (d’origine française) prend fermement position contre les mouvements néofascistes. Petit rappel Wikipédia : Jean-Louis Tixier-Vignancour c’est une carrière au sein des mouvements royalistes et d’extrême droite. Secrétaire adjoint à l’information du gouvernement de Vichy de 1940 à 1941. Il obtient la Francisque en novembre 1940. Responsable de l’information, il censure plusieurs films dont La Grande Illusion de Jean Renoir. A la Libération, Tixier est frappé d’indignité nationale pour dix ans. En 1960, il participe à la fondation du Front national pour l’Algérie française. En tant qu’avocat, il défend plusieurs responsables de l’OAS (Organisation armée secrète) dont son chef, le général Raoul Salan (du putsch des généraux en 1961). En 1965, il est candidat à l’élection présidentielle (il arrive en quatrième position) contre le général De Gaulle auquel il reproche l’ « abandon » de l’Algérie.
Les De Villemont vieille famille française avec une longue lignée de généraux et d’ex-colons qui s’imaginent dépossédées. Le contexte particulier à la Guerre d’Algérie étant peut-être obscur pour le public américain, le scénario présente un personnage de Texan, lui-même inféodé à une révolution mondiale fasciste. Ainsi, des mercenaires sur le sol américain prêt à établir un nouvel ordre basé sur des valeurs traditionnelles et moral en débarrassant le pays des gauchistes, hippies et autres progressiste. La greffe entre les nostalgiques français et ses relais Américains, ne prend pas. A force de superposer des couches scénaristiques dans un certain flou, ce qui aurait pu être de l’ordre politique dans Un cri dans l’ombre, disparaît totalement. Dans cette structure, Guillermin ne trouve jamais le ton juste, il navigue entre le thriller, le film d’espionnage et le spectacle à la James Bond. Juste qu’au titre original House of Cards, le jeu de tarot du générique, qui reste pour le moins obscur. Dans le roman de Stanley Ellin, les noms étaient décodés par une connaissance de Rino, tireuse de tarot. Elément absent du film.
Guillermin réussit de très bonnes séquences dont un début formidable avec une série de plans en semi-immersion dans la Seine face à Notre-Dame de Paris. Par contre, il expédie ses scènes de bagarre et d’action, il sera plus en forme l’année suivante avec Le pont de Remagen (The Bridge at Remagen, 1969) et bien plus efficace dans le corps-à-corps avec Shaft contre les trafiquants d’hommes (Shaft in Africa, 1972). Il rate sa séquence finale dans le Colisée de Rome et termine sur un regroupement familial dans le sillage d’Un homme, une femme (1966). De Claude Lelouch, il reprend le compositeur, Francis Lai. Un cri dans l’ombre est son troisième et dernier film d’affilée avec George Peppard en trois ans après Le Crépuscule des Aigles (The Blue Max, 1966), le meilleur, et le Syndicat du meurtre (P.J., 1968).
Le très cool (à l’écran) George Peppard est au milieu des années 60, une star sur laquelle les studios peuvent montait un film. Il se spécialiste dans les personnages d’action sympathiques dans de grosses productions : La Conquête de l’Ouest (How the West Was Won, 1962), Les Vainqueurs (The Victors, 1963), Opération Crossbow (1965) ou Tobrouk, commando pour l’enfer (Tobruk, 1967). A début des années 70 son étoile pâlie un peu et il se tourne, avec succès, vers la télévision avec en point d’orgue : L’agence tous risques (1983-87). Peppard avait la réputation d’avoir assez mauvais caractère sur le plateau.
Guillermin ajoute un zeste de piquant avec un érotisme léger, mais qui détermine le caractère de deux personnages. Jeanne-Marie (qu’incarne Perrette Pradier), s’offre au plus offrant, comme une mercenaire. Et surtout Anne de Villemont (Inger Stevens), visage marqué par un dérèglement psychologique et un corps à la sensualité presque provocante, souligné et magnifié par les magnifiques robes d’Edith Head. Dans le rôle, Inger Stevens est excellente. Actrice suédo-américaine, Stevens est un visage connu des téléspectateurs américains en enchaînant les séries dans les années 50/60. Au cinéma, elle apporte un peu plus que la plastique à ses personnages : Police sur la ville (Madigan, 1968) de Don Siegel avec Richard Widmark, Pendez-les hauts et court (Hang’Em High, 1968) de Ted Post avec Clint Eastwood. Ingrid Stevens se suicide en 1970 à l’âge de 35 ans. Orson Welles fait l’une de ses multiples apparitions à la « Harry Lime » dans cette production Universal, tourné en partie à Paris et pour la majorité des intérieurs à Cinécittà. La séquence finale au Colisée a-t-elle donné l’idée à Bruce Lee de son combat avec Chuck Norris dans La Fureur du dragon ?
Fernand Garcia
Un cri dans l’ombre, une édition Éléphant Films disponible en DVD et Blu-ray avec en complément de programme : From Paris With Love, une présentation du film parnotre critique helvète préféré, Julien Comoli (19 minutes). Enfin, la bande-annonce d’époque du film et des autres films dans la collection : Héros, L’Empire du Grec, Les Feux de l’enfer, Les Yeux bandés.
Un cri dans l’ombre (House of Cards) un film de John Guillermin avec George Peppard, Inger Stevens, Orson Welles, Keith Mitchell, Perrette Pradier, Ralph Michael, Geneviève Cluny, Patience Collier, William Job, Maxine Audley, Jacques Roux, Barnaby Shaw, Renzo Palmer, Rosemary Dexter… Scénario : James P. Bonner, Irving Ravetch & Harriet Frank Jr. d’après le roman de Stanley Ellin. Directeur de la photographie : Piero Portalupi. Décors : Alexander Golitzen, Aurelio Crugnola et Frank Arrigo. Costumes : Edith Head. Montage : J. Terry Williams. Musique : Francis Lai. Producteur : Richard Berg. Production : Universal Pictures – Westward Films. Etats-Unis. 1968. 105 minutes. Technicolor. Techniscope. Format : 2,35 :1. Son : Version originale avec ou sans sous-titres et Version française. Tous Publics.