Trois maçons polonais et leur contremaître, Nowak, viennent à Londres travailler au noir. Nowak, autoritaire, est le seul à parler anglais. Lorsqu’il prend connaissance du coup d’Etat en Pologne, il tait la nouvelle à ses compatriotes…
« Le 12 décembre 1981. La loi martiale a été instaurée en Pologne et j’étais très inquiet. Rentrer ? C’était terrible, ils tiraient sur des gens… Au bout de quelques jours mon émotion surmontée, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose, un film, un scénario… » Jerzy Skolimowski.
Prenant pour toile de fond la loi martiale décrétée par Jaruzelski en Pologne en 1980 face à la montée du nouveau syndicat Solidarnosc, le coup d’état militaire du 12 décembre 1981 a déclenché la rage de créer du cinéaste qui a écrit, réalisé et monté Travail au noir (Moonlighting) en moins de cinq mois.
Tourné à l’arraché en seulement quelques semaines en raison de l’urgence de son propos mais aussi des engagements sur un autre projet du comédien Jeremy Irons (La Maitresse du Lieutenant Français (1981), Un Amour de Swann (1984), Mission (1986), Faux-Semblants (1988), Kafka (1991), Une Journée en enfer (1995), Beauté volée (1996), Inland Empire (2006),…), l’acteur principal du film qui livre ici une de ses meilleures prestations, Travail au noir, après une scène d’ouverture à l’aéroport de Londres, se déroule dans un espace restreint se limitant à une maison, un petit quartier résidentiel et son supermarché.
A Londres, coupés de leurs proches et de leur pays par l’éloignement et la barrière de la langue, Nowak, seul à parler anglais, et les trois ouvriers qui l’accompagnent font la découverte brutale du monde occidental et observe une société où prime l’individualisme, la méfiance et où la concurrence est partout omniprésente.
Souhaitant répondre au traumatisme du coup d’état, avec la remarquable métaphore de la douleur du pays et de ses exilés que ce petit monde reproduit par les actions et les méthodes que le personnage de Nowak le contremaître commet et emploie envers les maçons qui l’accompagnent et à qui il cache la vérité des évènements ainsi que la réalité de leur situation, Jerzy Skolimowski nous offre à la fois une fable tragi-comique, un brûlot politique et une brillante et alarmante réflexion sur l’absurdité du monde contemporain.
Travail au noir est le film le plus connu, le plus récompensé et le plus grand succès public de Jerzy Skolimowski. Toujours tristement d’actualité, ce dernier n’a pas pris une ride. Une pépite.
Présenté au Festival de Cannes en mai 1982, Travail au noir a remporté le Prix du Scénario.
Steve Le Nedelec
Travail au noir (Moonlighting) un film de Jerzy Skolimowski avec Jeremy Irons, Eugene Lipinski, Jiri Stanislav, Eugeniusz Haczkiewicz, Edward Arthur, Denis Holmes, Renu Setna, Catherine Harding, Jenny Seagrove, Ian McCulloch, Jerzy Skolimowski… Scénario : Jerzy Skolimowski. Directeur de la photographie : Tony Pierce-Roberts. Décors : Tony Woollard. Costumes : Jane Robinson. Montage : Barrie Vince. Musique : Stanley Myers. Musique électronique : Hans Zimmer. Producteurs : Mark Shivas, Jerzy Skolimowski et Michael White. Production : Michael White Productions. Distribution (France) : Malavida (Ressortie le 20 mars 2019). 1982. 97 minutes. Couleur. Format image : 1.85 :1. Mono. DCP. Tous Publics. Restauration 2K par Goldcrest pour MK2. Prix du Scénario, Festival de Cannes, 1982.
Jerzy Skolimowski – Invité d’honneur – Toute la mémoire du monde – 7ème édition – Festival International du Film Restauré – Du 13 au 17 mars 2019 à La Cinémathèque Française et « Hors les murs ».