Plein de fraîcheur et d’inventivité, le nouveau film de Woody Allen To Rome With Love, est peut-être le plus inspiré de ses trois films tournés dans les capitales européennes (Vicky Christina Barcelona, Midnight in Paris).
Oh l’Italie, la terre abondante des plus grands maestros, dotée de la grâce divine ! On sent la touche de Fellini quand Woody essaie de raconter le bouillonnement de la vie quotidienne dans la ville romaine. Ou quand il emprunte l’histoire du Le Cheik blanc (Fellini, 1952) pour en faire une histoire dans son style complètement vaudevillesque : un couple de jeunes provinciaux catholiques modèles, fraîchement mariés, débarquent à Rome afin de s’y installer. Alors que sa femme Milly déambule perdue dans la ville en cherchant un salon de coiffure, le jeune Antonio doit la présenter à sa famille issue du milieu cul bénit avec leurs manières snobinardes. C’est là qu’on trouve la délicieuse Penélope Cruz, qui joue une prostituée essayant de sortir Antonio de cet imbroglio. Ou si on suit une autre histoire, celle d’un certain Leopoldo Pisanello, simple travailleur, qui du jour au lendemain devient célèbre et se retrouve harcelé par une foule de journalistes pour une raison X. Ou encore une comédienne, très vouée à l’architecture, à l’art et à la littérature, qui d’un coup accepte un rôle quelconque dans un film hollywoodien.
Parmi ce régiment de personnages, il n’y a qu’un seul personnage qui échappe au cynisme woodesque, c’est celui d’Alec Baldwin. Il joue ici l’alter ego de Jack (Jesse Eisenberg), un personnage assez récurrent des films de Woody Allen, le jeune premier amoureux qui ne sait pas choisir entre deux femmes : le confort de l’amour auprès de sa fiancée ou la passion et le mystère que réserve la belle inconnue. Alec Baldwin, qui est sensé représenter un illustre architecte, est en réalité invisible comme un fantôme. Il procure des conseils ou regarde ses souvenirs avec nostalgie et avec une certaine ironie, comme si Woody Allen, à travers les yeux de ce personnage, posait lui-même son regard sur le monde.
Avec ce mode de récit peu traditionnel, le réalisateur réussi un pari pas facile : dessiner un portrait tortueux d’une imposante capitale afin de raconter les maux de notre époque.
Rita Bukauskaite