Terrifier 3 – Damien Leone

Les fêtes de Noël approchent. Dans un charmant pavillon de banlieue, le sapin de Noël brille de toutes ses guirlandes lumineuses. Les parents dorment paisiblement, tandis que les enfants, la tête remplie de rêves de lutins, de traîneaux débordant de cadeaux, de rennes et du Père Noël, peinent à trouver le sommeil. L’attente est fébrile, des bruits mystérieux se font entendre dans le salon. Autour de l’arbre, une silhouette s’agite… Le Père Noël ? Pas tout à fait. Il s’agit d’Art (David Howard Thornton), un clown muet et psychopathe, prêt à semer l’horreur dans ce cadre idyllique…

Terrifier 3 est une excellente surprise dans le domaine de l’horreur. Il n’est pas nécessaire d’avoir vu les deux premiers volets pour apprécier pleinement ce nouvel épisode, riche en scènes gore. Petit rappel : en 2016, un petit film indépendant fait irruption sur les écrans (et en digital) : Terrifier. Son réalisateur, Damien Leone, y développe son court métrage de 2013, The 9th Circle (une petite référence s’y cache dans ce troisième volet). Armé d’un profond amour pour les slashers des années 80, Damien Leone crée un personnage de clown fou, Art, destiné à devenir une figure iconique dans un genre qui manque cruellement de nouveaux personnages transgressifs. Terrifier 1, réalisé avec un micro-budget, se distingue par son inventivité et son enthousiasme contagieux, qui compensent largement les imperfections du film. L’histoire est simple : deux jeunes femmes, après une soirée, sont suivies par Art le Clown dans une pizzeria. Ce qui s’ensuit reprend les ingrédients classiques du film d’horreur, tout en offrant une belle inventivité dans les scènes de meurtres.

Les bases du personnage d’Art le Clown sont posées : il est une sorte de combinaison du Joker et de Jack Torrance (The Shining), deux personnages incarnés par Jack Nicholson, à qui la série rend d’ailleurs hommage dans un plan du troisième volet (Art le Clown apparaissant à travers une porte fracassée à coups de hache). L’interprétation de David Howard Thornton apporte énormément à ce boogeyman grâce à son jeu purement gestuel, proche de la pantomime, et à l’expressivité de son visage sous le maquillage blanc.

Terrifier 2 reprend là où le premier film s’était arrêté : Art le Clown est « ressuscité » par un médecin légiste. Le scénario de Damien Leone est plus élaboré que dans le film précédent, et les scènes de violence, plus longues et encore plus sanglantes, frôlent l’outrance. L’action se déroule à Halloween et suit Sienna, une adolescente en deuil de son père, ainsi que sa mère et son jeune frère. Le film « souffre » d’une durée légèrement excessive (2h18), avec des passages parfois trop longs sur le mal-être adolescent et leur quotidien. Cependant, Terrifier 2 installe véritablement Art le Clown dans le paysage du cinéma d’horreur et confirme Damien Leone comme un réalisateur à l’univers singulier. Toujours à la recherche de nouvelles formules, les studios s’intéressent à son concept et lui proposent d’entrer dans le circuit classique, avec tout ce que cela implique en termes de réajustements et d’aseptisation. Leone refuse, préférant continuer la saga Art le Clown en indépendant, sans contrainte. Le succès des deux premiers films lui permet de réunir un budget plus conséquent pour un troisième film plus ambitieux.

Cinq ans après le traumatisme du massacre d’Halloween, Sienna (Lauren LaVera) et Jonathan (Elliott Fullam) se sont installés chez leur oncle. Ils tentent, tant bien que mal, de se reconstruire au sein d’une famille traditionnelle. Jonathan est pensionnaire à l’université, tandis que Sienna reprend enfin une vie normale. Mais l’infâme Art le Clown n’en a pas fini avec eux. Surexcité par les fêtes de Noël, il se déchaîne à nouveau. Sur son parcours macabre, jonché de cadavres, il est accompagné par Victoria (Samantha Scaffidi), un assemblage de chair devenu à la fois son alliée et son amante. Ensemble, ce couple infernal se fascine de la violence qu’ils déploient pour tuer. Jamais à court d’idées, ils utilisent tout ce qui leur tombe sous la main – tronçonneuses, marteaux, morceaux de verre, etc. – pour massacrer leurs victimes. Démembrements en tout genre, entrailles éparpillées, phallus tranchés en deux, murs éclaboussés de sang, et sols inondés d’hémoglobine… rien ne les arrête dans leur folie (à deux) meurtrière.

Terrifier 3 n’hésite pas à franchir les limites de la transgression. En saccageant l’esprit de Noël, en brisant des tabous sacrés, notamment religieux, et en mettant en scène la mort d’enfants. Damien Leone pousse les frontières de l’horreur toujours un peu plus loin. Il va même jusqu’à choquer davantage avec une surprenante scène de masturbation de Victoria, à la fois troublante, dérangeante et sanglante.

Damien Leone n’abuse pas du hors-champ ; tout (ou presque) est montré à l’écran. L’excès, l’outrance, et les litres d’hémoglobine provoquent un effet à la fois repoussant et dégoûtant, mais également comique, tant cela frôle le grotesque. Le film s’inscrit dans la grande tradition du grand-guignol. La musique accentue cet aspect burlesque, tandis que l’interprétation époustouflante d’Art le Clown transforme les meurtres en véritables scènes de bouffonnerie.

Sur le plan esthétique, Damien Leone retrouve l’ambiance visuelle des slashers classiques avec un grain d’image poisseux, rappelant le 16 mm de Massacre à la tronçonneuse (The Texas Chain Saw Massacre, Tobe Hooper, 1974). La force de Terrifier 3 réside dans son utilisation d’effets spéciaux classiques plutôt que numériques. Les corps mutilés et martyrisés sont recréés à l’ancienne, avec du latex qui donne une impression plus tangible et réaliste que les modélisations numériques.

Damien Leone donne un petit rôle à Tom Savini, l’un des plus grands maîtres des maquillages FX, collaborateur de George A. Romero notamment sur Zombie (Dawn of the Dead, 1978), mais aussi sur des films cultes comme Maniac (1980) de William Lustig ou Vendredi 13 (Friday the 13th, 1980) de Sean S. Cunningham, manière d’ancrer Terrifier 3 dans cette tradition du cinéma d’horreur en marge des standards hollywoodiens.

Ce troisième opus consacre définitivement l’entrée d’Art le Clown au panthéon du cinéma fantastique et horrifique, aux côtés de figures légendaires comme Frankenstein, Dracula, la Momie, le Loup-Garou, Leatherface (Massacre à la tronçonneuse), Jason Voorhees (Vendredi 13) et Freddy Krueger, entre autres. Un entourage merveilleusement monstrueux. Bienvenue au royaume du chaos !

Fernand Garcia

Terrifier 3, un film de Damien Leone avec Lauren LaVera, David Howard Thornton, Antonella Rose, Elliott Fullam, Samantha Scaffidi, Margareth Anne Florence, Bryce Johnson, Alexa Blair, Krsy Fox, Tom Savini, Jason Patric, Alex Ross, Kailey Hyman… Scénario, montage : Damien Leone. Image : George Steuber. Décors et costumes : Olga Turka. Superviseur FX : Jason Baker. FX pyrotechnique : Bohdan Bushell. FX : Antonio Grassano. FX maquillage : Brian McGuire, Sophie Mehallick, Ambria Pierson, Johny Rivera, Mandy Simpson, Tofer Wescott. Musique : Paul Wiley. Producteur : Phil Falcone. Production : Dark Age Cinema – Bloody Disgusting – Fuzz on the Lens Productions – The Coven. Distribution (France) : Shadows Films, ESC Editions et Factoris Films (sortie France, le 9 octobre 2024). Etats-Unis. 2024. 2h05. Couleur. Panavision anamorphique. Arri Alexa 35. Format image : 2,39:1. Son : 5.1. Interdit aux mineurs de moins de 18 ans.