A l’instar de Monica Vitti, Alida Valli, Silvana Mangano ou encore, bien évidemment, de Claudia Cardinale et Sophia Loren, Stefania Sandrelli est une icône. La dernière icône internationale du cinéma italien. Star dès l’adolescence, Stefania Sandrelli n’a jamais cessé de tourner. Elle a joué aux côtés des plus grands acteurs, de Marcello Mastroianni à Robert De Niro en passant par Jean-Louis Trintignant, Vittorio Gassman, Gérard Depardieu, Yves Montand, Philippe Noiret, Burt Lancaster ou encore Dustin Hoffman, et a été dirigée par les plus grands cinéastes, comme Pietro Germi, Ettore Scola, Mario Monicelli ou encore Bernardo Bertolucci. A l’occasion de la restauration de 1900 (Novecento, 1974), l’incontournable et grandiose fresque de Bernardo Bertolucci, Stefania Sandrelli était la prestigieuse invitée d’honneur de la dernière édition du festival Toute la mémoire du monde.
Née le 5 juin 1946 à Viareggio (Italie), Stefania Sandrelli se destine d’abord à la danse et apprend à jouer de l’accordéon. Alors qu’elle n’est âgée que de quatorze ans, elle remporte le concours de beauté Miss Cinema de sa ville natale puis fait la couverture du journal Le Ore qui la font remarquer de plusieurs producteurs et du réalisateur Pietro Germi qui va l’auditionner. C’est sans avoir suivi de formation particulière qu’elle débute sa carrière de comédienne en 1961 avec Gioventu di notte (Jeunesse de nuit) de Mario Sequi dans le rôle de Claudia, ainsi qu’aux côtés d’Ugo Tognazzi dans Il federale de Luciano Salce dans le rôle de Lisa, suivi la même année d’un rôle, Angela, dans le chef-d’œuvre de la comédie italienne, Divorce à l’italienne (Divorzio all’italiana, 1961 photo ci-dessous) de Pietro Germi avec Marcello Mastroianni. Avec un naturel troublant, du haut de ses quinze ans, son interprétation du personnage d’Angela imprimera à l’écran son érotisme solaire et insolent, et, incarnant alors l’exemple italien le plus éclatant, propulsera tout de suite sa carrière. Elle tournera quatre films avec Germi qui marquera sa carrière et lui offrira le rôle principal de Séduite et Abandonnée (Sedotta e Abbandonata) en 1963.
Dès lors, elle ne cesse de se partager entre la France et l’Italie et tourne avec Jean-Pierre Mocky (Les Vierges, 1962), Jean-Pierre Melville (L’Ainé des Ferchaux, 1963) et Jean Becker (Tendre Voyou, 1966) avant d’être à nouveau en tête d’affiche du chef-d’œuvre d’Antonio Pietrangeli, Je la connaissais bien (Io la conoscevo bene, 1965) dont la danse de son personnage Adriana valorisera son extraordinaire vitalité et deviendra l’une de ses interprétations les plus mémorables.
Déjà comptant parmi les actrices italiennes les plus importantes, sollicitée par les cinéastes les plus renommés, dans les années 1970, Stefania Sandrelli tourne en Italie avec Ettore Scola, Bernardo Bertolucci, Pietro Germi ou encore avec Luigi Comencini, et en France avec Claude Chabrol (Les Magiciens, 1975), Alain Corneau (Police Python 357, 1976) mais aussi Nadine et Jean-Louis Trintignant (Le Voyage de Noces, 1975 et Le Maître-nageur, 1978).
Dans les années 1980, elle collabore avec Tinto Brass, Mario Monicelli, Ettore Scola, Giovanni Soldati (Plaisirs de Femmes – L’attenzione, 1985 et La sposa americana, 1986), Sergio Corbucci (Bello mio bellezza mia, 1982), Aldo Lado (La Désobéissance – La disubbidienza, 1981), Carlo Vanzina, Roberto Benigni (Le Petit Diable – Il Piccolo diavolo, 1988) ou encore Pierre Granier-Deferre (Noyade interdite, 1987). Après avoir été la reine de la comédie de mœurs en interprétant des rôles de jeunes femmes séduisantes et après avoir fait scandale en jouant nue et en montrant toute sa sensualité dans le film érotique La Clef (La Chiave, 1983) de Tinto Brass qui sera un autre cinéaste important dans sa carrière, à partir de la fin des années 1980 et jusqu’à aujourd’hui, Stefania Sandrelli va jouer souvent le rôle de mères et sera la protagoniste de plusieurs séries télévisées à succès où elle construira avec charme et ironie des personnages de qualité.
Depuis les années 1990 on a pu la voir notamment à l’affiche de Jambon, Jambon (Jamón Jamón, 1992) et Volavérunt (1999) de Bigas Luna, Juste un baiser (L’Ultimo bacio, 2001) de Gabriele Muccino, ou encore Un film parlé (Um Filme Falado, 2002) de Manoel de Oliveira.
Fait suffisamment rare dans la carrière d’un(e) comédien(ne), il est intéressant de noter que, pendant des années, comme Claudia Cardinale, Stefania Sandrelli a été doublée, laissant étrangement inconnue du public sa voix particulière pourtant si constitutive de son charme et de sa personne.
Comme on a pu le voir avec le cinéaste Pietro Germi avec qui elle a tourné quatre films : Divorce à l’italienne (Divorzio all’italiana, 1961), Séduite et Abandonnée (Sedotta e Abbandonata, 1963), Beaucoup trop pour un homme seul (L’Immorale, 1967) et Alfredo, Alfredo (1972), tout au long de sa carrière, Stefania Sandrelli restera fidèle à de nombreux cinéastes. En effet, celle-ci a tourné pas moins de cinq films avec Ettore Scola : Nous nous sommes tant aimés (C’eravamo Tanto Amati, 1974), La Terrasse (La Terrazza, 1980), La Famille (La Famiglia, 1987), Le Dîner (La cena, 1998) et Gente di Roma (2003) ; trois avec Mario Monicelli : Brancaleone s’en va-t’aux croisades (Brancaleone alle Crociate, 1970), Pourvu que ce soit une fille (Speriamo che sia femmina, 1986) et Il Male Oscuro (1990), plus un téléfilm en 1989 intitulé La moglie ingenua e il marito malato ; trois également avec Luigi Comencini : Un vrai crime d’amour (Delitto d’amore, 1974), La fiancée de l’évêque (Quelle strane occasioni, – segment L’Ascensore, 1976) et Le Grand Embouteillage (L’Ingorgo, 1978) ; et encore trois avec Francesca Archibugi : Mignon est partie (Mignon è partita, 1988), Con gli occhi chiusi (1994) et Question de cœur (Questione di cuore, 2009), plus un téléfilm en 2004 intitulé Renzo e Lucia.
Bien qu’il ne lui ait jamais donné de premiers rôles, Bernardo Bertolucci a offert par quatre reprises à Stefania Sandrelli des personnages qui sont restés gravés dans la mémoire collective : Clara dans Partner (1968), Giulia, l’épouse bourgeoise du professeur Clerici dans Le Conformiste (Il conformista, 1970 photo ci-dessus); Anita, l’épouse socialiste d’Olmo dans 1900 (Novecento, 1974) et enfin, Noemi dans Beauté Volée (Stealing Beauty, 1996).
Considérée comme l’une des plus grandes et des meilleures actrices italiennes qui, durant sa carrière, a brillamment su incarner des personnages, interpréter des rôles diamétralement opposés mais aussi, s’imposer avec naturel dans tous les genres du cinéma, Stefania Sandrelli obtient en 2005 un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière. C’est en 2009 que la sensuelle, douce et sensible comédienne fera ses débuts comme metteur en scène avec Christine, Cristina, un film dédié à l’écrivaine, poétesse et philosophe française Christine de Pizan.
C’est donc sur l’ensemble de sa riche carrière et de ses nombreuses collaborations avec les plus grands réalisateurs du cinéma italien comme Germi, Scola, Monicelli, Comencini ou encore Bertolucci qu’est revenue Stefania Sandrelli lors de la Master Class qui s’est déroulée à l’issue de la projection de Nous nous sommes tant aimés (1974) d’Ettore Scola.
Steve Le Nedelec
Les Films présentés par Stefania Sandrelli – Toute la Mémoire du Monde
Séduite et Abandonnée – Je la connaissais bien – Le Conformiste – 1900 – Nous nous sommes tant aimés – La Clef et Christine, Cristina…