Une barque à la dérive dans l’immensité de l’océan. Recroquevillée à l’intérieur, Rose (Brooke Adams), le visage brûlé par le soleil et le vent salé, est en état de choc. Un petit rafiot de pêcheurs l’accoste. Rose encore dans l’angoisse de ce qu’elle vient de vivre se remémore son effroyable aventure…
Le Commando des morts-vivants est entré dans l’histoire du cinéma fantastique grâce à sa longévité tout à fait surprenante. Le film sort en France en 1979 dans l’indifférence critique générale, mais connaît un vrai succès en salles. Ce petit film d’horreur fait la fortune de son distributeur de l’époque, Impex films. L’affiche, – sans cesse reprise depuis -, est remarquable, elle suscite le désir par une promesse inédite de zombies nazis ! L’idée de génie de son jeune réalisateur, Ken Wiederhorn et de son scénariste John Harrison, est de réactiver dans un coin de l’Atlantique un commando de nazis zombies, – ce n’est pas en soi une nouveauté -, dans une trame proche de l’île du Dr. Moreau.
Le cinéma étant avant tout de l’image, Wiederhorn réussit, le plus difficile, des images fortes, des nazis morts-vivants, – avec un look si particulier -, marchant au fond de la mer ou surgissant hors de l’eau. Ses plans de toute beauté s’inscriront durablement dans la mémoire des spectateurs. Ce rapport au danger issu de la mer, remonte à temps antédiluvien dans la mémoire des hommes. Du Kraken aux Dents de la mer, en passant par Moby Dick et par les récits des explorateurs, la mer par son immensité, ses reflets changent et ses animaux fantastiques à toujours fasciné. La mer et les morts-vivants nazis, là, résident la clé pour comprendre la longévité du film.
En bon film d’exploitation, à tout petit budget, Le Commando des morts-vivants a deux têtes d’affiche connues et reconnues par le public, John Carradine et Peter Cushing. John Carradine, inlassablement, traîne sa longue silhouette sèche dans des kilomètres de pellicule de série B en Z. Il est une légende, acteur de l’âge d’or du western américain, personnage récurrent des John Ford. Carradine a alterné chefs-d’œuvre et nanars tout au long d’une carrière qui compte plus de 300 films. Il débute sur scène en 1927 à 21 ans. Grand connaisseur de Shakespeare : « si vous lisez tous Shakespeare, vous pouvez tous jouer ». Son apparence le prédestine au film fantastique, il refuse dans un premier temps les deux premières versions de Dracula et Frankenstein, rôles qui feront la légende de Bela Lugosi et de Boris Karloff, acteurs avec qui Carradine jouera à plusieurs reprises. Ce qui ne l’empêchera pas de reprendre ses personnages incontournables du genre dans des petites productions pour les Drive-in. Sa dernière apparition au cinéma est dans une (lointaine) adaptation d’Edgar Allan Poe, L’emmuré vivant (Bured Alive, 1989), petite production horrifique tournée en Afrique du Sud, par le Français Gérard Kikoine, où se croise Robert Vaughn, Donald Pleasence et la légende américaine du X, Ginger Lynn. Jusqu’à son dernier souffle, John Carradine a joué. Trois de ses enfants, David, Keith et Robert ont suivi son chemin sur les plateaux de cinéma.
Peter Cushing, admirable acteur, l’un des plus grands acteurs de films d’horreur du cinéma anglais, pièce essentielle et maîtresse, – avec Christopher Lee -, des productions Hammer et Amicus. Il est un visage familier et chéri de tous les amoureux du cinéma fantastique. Il donne à ses personnages une consistance si forte qu’il peut tout se permettre, entre autres ses longues tirades scientifiques, souvent totalement délirantes, avec incarner avec une telle force de conviction, que chaque spectateur y adhère religieusement. Cushing crédibilise le film le plus improbable par sa seule présence. Dans Le Commando des morts-vivants, il n’a que quelques scènes (quelques jours de tournage), où comme toujours, il fait le taf. Nazi, échoué sur l’île, le visage balafré, Cushing incarne le grand ordonnateur des zombies nazis. Ken Wiederhorn, quelque peu novice dans la réalisation concède lors d’une interview que l’acteur, l’a aidé à plusieurs reprises pour le placement de la caméra.
Si John Carradine et Peter Cushing n’ont que quelques scènes, il n’en va pas de même pour Brooke Adams. Excellente pioche pour Wiederhorn qui la caste directe, le jour où elle se présente en maillot de bain pour le rôle. Brooke Adams tient le film sur ses épaules par son indéniable présence et sa beauté. Elle a déjà une sacrée expérience des tournages ayant débuté enfant sur le petit écran. Adams gravit les échelons de figuration en petit rôle. Le Commando des morts-vivants est son premier grand rôle en vedette. Mais la révélation viendra avec Les Moissons du ciel (Days of Heaven, 1978) de Terrence Malick. Elle est excellente dans les films d’horreur et fantastique : L’invasion des profanateurs (Invasion of the Body Snatchers, 1978) de Philip Kaufman et Dead Zone (1983) de David Cronenberg. Silhouette dans La grande attaque du train d’or (The First Great Train Robbery, 1978) de Michael Crichton, elle retrouve Sean Connery, cette fois-ci en covedette dans le méconnu Cuba (1979) de Richard Lester. Moins de titres notables par la suite à l’exception de Gas, Food, Lodging (1992) film indépendant d’Allison Anders. Brooke Adams avait un véritable potentiel de star qui s’est volatilisé dans pléthore de productions TV.
Ken Wiederhorn travaillait au service documentaire de CBS quand un camarade de l’Université de Columbia en section cinéma, Reuben Trane, lui propose la réalisation d’un film d’horreur. Trane venait de convaincre des investisseurs de se lancer dans le cinéma, leur seule exigence étant de réaliser un film d’horreur. Le genre a permis à de petits budgets comme La nuit des morts-vivants (Night of the Living Dead, 1968) ou Massacre à la tronçonneuse (The Texas Chain Saw Massacre, 1974) d’engranger de confortables recettes. Wiederhorn n’est pas un fervent du genre, son ambition personnelle est de réaliser des documentaires, mais l’idée de passer à la réalisation a vite fait de la convaincre d’accepter la proposition. Ken Wiederhorn s’embarque pour la Floride, où il retrouve Trane à la production et à la caméra, pour l’univers poisseux et horrifique du Commando des morts-vivants.
Le Commando des morts-vivants, manque cruellement de moyen, une part du budget est investie dans les cachets de ses deux stars : John Carradine et Peter Cushing. Wiederhorn renonce aux effets gores, pour se concentrer sur l’atmosphère du film. Il maintient les 85 minutes dans un climat d’angoisse grâce à ses sidérants plans de nazis et à la musique de Richard Einhorn. Tourné en super 16 en 1975, le film connaît une post-production chaotique et ne sort sur les écrans américains qu’en 1977. Le commando des morts-vivants n’échappe pas à la polémique, des associations l’attaquent, sans l’avoir vu évidemment, pour son apologie du nazisme !
Ken Wiederhorn finit par quitter le service documentaire reportage de CBS, pour une petite carrière de réalisateur d’où se distingue Eyes of a Stranger, excellent thriller, et le parodique Le Retour des morts-vivants 2 (Return of the Living Dead part II, 1988). Ken Wiederhorn a longtemps été attaché à Body Double que devait simplement produire Brian De Palma, est finalement débarqué par le studio au profit de l’auteur de Phantom of the Paradise. Peut-être que le drame de Ken Wiederhorn est d’être, pour l’éternité cinématographique, attaché à ses quelques plans de nazis zombies ! Le Commando des morts-vivants n’en finira jamais de remonter à la surface et ce n’est déjà pas si mal dans une carrière.
Fernand Garcia
Shock Waves / Le Commando des morts-vivants une édition combo (Blu-ray + DVD) d’Eléphant Classics Films où l’on retrouve le grain d’origine dans un très bon report HD. En complément : Le film par Caroline Vié, grande connaisseuse du cinéma fantastique, revient sur la genèse et la réalisation du Commando des morts-vivants ou « le système D porté à son meilleur » (12 minutes). La réjouissante bande annonce américaine de Shock Waves « Vous venez d’entrez dans le tréfonds de l’horreur » (3 mn env. avec sous-titres français) et pour finir les autres bandes annonces des films dans la collection : En plein cauchemar, Massacre au dortoir, Videodrome, Le village des damnés, La sentinelle des maudits, La nurse, La ferme de la terreur et d’Enfer mécanique.
Shock Waves / Le commando des morts-vivants (Shock Waves) un film de Ken Wiederhorn avec Peter Cushing, Brooke Adams, John Carradine, Fred Buch, Jack Davidson, Luke Halpin, D.J. Sidney, Don Stout… Scénario : John Harrison et Ken Wiederhorn (et Ken Pare, non crédité). Directeur de la photographie : Reuben Trane. Direction artistique : Jessica Sack. Costumes : Jacqueline Saint Anne. FX maquillage : Alan Ormsby. Musique : Richard Einhorn. Montage : Norman Gay. Producteur : Reuben Trane. Production : Zopix Company. Etats-Unis. 1975-77. Couleur. Caméra Arriflex 16 – Super 16 gonflé en 35 mm. Format image : 1,85 :1. 16/9e Full HD. Son : Version originale avec ou sans sous-titres Français, Anglais, Espagnols et Italiens et en Version française. DTS-HD Dual Mono 2.0. (Blu-ray) ou Dolby Audio Dual Mono 2.0. (en DVD). Interdit aux moins de 12 ans (en son temps).