Nord-ouest du Texas, aux dernières heures de la guerre de Sécession, un détachement de la cavalerie yankee transportant plusieurs caisses de lingots d’or d’une valeur d’un million de dollars est attaqué par les Confédérés. L’embuscade est menée par Joe Barlow (Dan Duryea) qui réussit à s’emparer de l’or. A la fin de la guerre, une caisse vide est retrouvée près de Phantom Hill en territoire Comanche. Capturé après le raid, Joe Barlow est le seul à savoir où se trouve le butin. Il accepte de le rendre contre sa grâce pour le meurtre d’un marshall avant-guerre. L’armée ne pouvant entrer dans la réserve, le capitaine Martin (Robert Fuller) est chargé de ramener l’or avec un groupe d’hommes en tant que civils…
L’un des derniers films sortis sur les écrans d’Earl Bellamy est Horizons en flamme (City on Fire) en 1977. Ce film catastrophe produit par Irwin Allen (La Tour infernale) était destiné à la télévision américaine, mais en Europe, l’intérêt des spectateurs pour le genre était toujours vivace. On peut considérer Sans foi ni loi de la même manière. Produit par Universal, le film arrive sur les écrans américains en 1966, à une époque où ce type de western « Old Fashioned » est sur le déclin. La télévision américaine diffuse massivement des westerns et finance à tour de bras des séries mettant en scène des héros de l’Ouest. Devant une telle avalanche, les spectateurs américains se désintéressent du genre. Pourtant, la demande est encore bien réelle hors des Etats-Unis, brèche dans laquelle s’engouffrent nombreux producteurs et réalisateurs européens, Sergio Leone en tête. Le talentueux réalisateur italien révolutionne le genre en combinant mythologie, humour noir, réalisme et violence. La même année que Sans foi ni loi, Leone sort sur les écrans Et pour quelques dollars de plus… et entérine cette nouvelle approche du western. Les amateurs crient au sacrilège mais les spectateurs en redemandent.
C’est loin d’Almería qu’Earl Bellamy réalise Sans foi ni loi. Son film arrive à la fin du western classique américain. Son scénario est la dernière œuvre portée à l’écran de Frank S. Nugent. Ce brillantissime scénariste avait œuvré pour John Ford lui concoctant plusieurs chefs-d’œuvre : Le Massacre de Fort Apache, Le fils du désert, La Charge héroïque, Le Convoi des braves, La prisonnière du désert, Les deux cavaliers, pour nous en tenir seulement au western. On retrouve ses grandes qualités scénaristiques dans cette histoire : une structure dramatique simple, un déroulement linéaire, conflit entre deux hommes au sein d’un groupe et la notion de territoire/frontière. C’est particulièrement efficace. Earl Bellamy n’arrive certes pas à la cheville de John Ford mais s’en sort avec les honneurs, c’est le film d’un honnête artisan. Bellamy fait partie de ces réalisateurs formés au rude tournage de seconde équipe et ce qui compte avant tout pour lui c’est le plan utile qui va s’intégrer au montage et servir pleinement au déroulement de l’histoire. Chez Bellamy, pas de fioriture, c’est droit à l’essentiel, l’action prime sur la psychologie.
Dans cette histoire d’hommes, l’apparition de Memphis, l’unique personnage féminin, est curieusement l’un des meilleurs moments du film. Assise dans la rue, sur une valise en sa robe de soie verte, une ombrelle à la main, sous un soleil écrasant, elle en impose immédiatement. On pense instamment à Brigitte Bardot, tant l’actrice Jocelyn Lane rappelle l’actrice de Et Dieu créa la femme, même air mutin, attitude gentiment provocante et tenue sexy. En même temps, rien d’étonnant à cela, Jocelyn Lane était surnommé la « Bardot British ». Elle apporte une touche d’érotisme et de modernité des plus agréables. Avec son personnage, on sent que l’on commence à s’éloigner des cannons du classicisme westernien. Les autres personnages de l’expédition sont parfaitement croqués; au fur et à mesure de leur progression en territoire Comanche ils dévoilent leurs passés. Evidemment, ils ne sont pas tout blancs, plutôt des traumatisés et c’est tant mieux. Ils n’en deviennent que plus attachants et on finit par regretter qu’ils soient sacrifiés sur l’autel de l’affrontement entre le capitaine Martin et le méchant Joe Barlow. Il en va ainsi de Krausman, véritable psychopathe dont l’unique but est de tuer et de scalper des indiens en mémoire de sa femme et de son fils. C’est un personnage intéressant à qui Claude Akins prête ses traits, une vraie gueule de cinéma, un solide second rôle de bon nombre de séries B tous genres confondus. Tout comme le Dr. Hanneford (Linden Chiles), traumatisé par les horreurs de la guerre de Sécession et le frère d’un soldat tué à l’attaque du convoi. Sans Foi ni loi nous offre une belle galerie de crapules.
Tourné en grande partie en décors naturels aux Etats-Unis, Sans foi ni loi apporte à l’époque une sorte d’air frais sur les écrans avec son classicisme, à mettre aussi à son crédit une excellente utilisation du format large et une très belle photographie en technicolor. Earl Bellamy réalise avec conviction ses scènes d’action : l’attaque du convoi, des bagarres viriles, l’attaque des Indiens, etc. Sans foi ni loi, western vif et plaisant, s’inscrit dans la tradition des spectacles populaires qui faisaient le bonheur des mythiques salles de quartier.
Fernand Garcia
Sans foi ni loi est édité par Sidonis / Calysta dans la collection Western de Légende, la référence du genre, et comme toujours le film est proposé dans une très belle copie HD. En complément, une unique présentation du film par Patrick Brion. Comme à son habitude, il revient sur les westerns de l’année 1966. Il évoque la carrière d’Earl Bellamy, le souvenir de Dan Dureya et le décolleté (quoi de plus naturel) de Jocelyn Lane. Brion avoue un faible pour le classicisme de Sans Foi ni loi (9 minutes).
Sans foi ni loi (Incident at Phantom Hill) un film d’Earl Bellamy avec Robert Fuller, Jocelyn Lane, Dan Duryea, Tom Simcox, Claude Akins, Noah Beery, Linden Chiles. Scénario : Frank S. Nugent & Ken Pettus d’après une histoire de Harry Tatelman. Directeur de la photographie : William Margulies. Décors : Alexander Golitzen & Howard Johnson. Montage : Gene Milford. Musique : Hans J. Salter. Producteur : Harry Tatelman. Production : Universal Pictures. Etats-Unis. 1966. 84 minutes. Technicolor. Techniscope. Format image : 2.35 :1. 16/9e compatible 4/3. Son Dolby Digital mono. 2.0. VF et VOSTF. Tous Publics.