La section Restaurations et Incunables, propose une sélection de raretés incontournables et de restaurations menées récemment en France et dans le monde. Un programme éclectique par nature qui, des classiques aux trésors cachés, comprend des projections de grands films absents des écrans depuis longtemps et des ciné-concerts. Cette section qui réunit aussi bien des classiques hollywoodiens, des films d’auteurs, des films muets, des films expérimentaux ou encore des films documentaires, met principalement en valeur le travail des archives, des ayants droit et des laboratoires.
Manolesco, prince des sleepings (Manolescu – der könig der hochstapler) de Victor Tourjansky – Allemagne – 1929 – 111 mn – Avec. Ivan Mosjoukine, Brigitte Helm, Heinrich George.
Un séducteur parisien tombe amoureux d’une femme de la haute société. Il se met à voler pour payer leur vie de luxe, jusqu’à ce que son passé le rattrape.
Manolesco est un célèbre brigand de la Belle Époque dont les mémoires ont inspiré pas moins de trois films entre 1920 et 1933. Dans ce film, la rencontre entre le charisme d’Ivan Mosjoukine et la prestance de Brigitte Helm dégage est incroyablement magnétique. Production UFA, le film aurait dû être aussi soignée dans sa technique, grâce à l’habile mise en scène de Victor Tourjanski, que dans son esthétique avec l’image de l’immense chef opérateur Carl Hoffmann. Mais c’est un sentiment général de déclin qui teintera ce projet fait d’exils malheureux, de carrières descendantes et d’un mode de production sur le déclin. Manolesco, prince des sleepings reste malgré cela, un film poignant et mélancolique, à redécouvrir.
Restauration en 2018 par la Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung, numérisation en 4K à L’Immagine ritrovata, à partir de deux négatifs d’origine, et de fragments de copies de postproduction. Avec le soutien du Beauftragte der Bundesregierung für Kultur und Medien et du Freunde und Förderer des deutschen Filmerbes e.V. Séance présentée avec accompagnement musical par la classe d’improvisation de Jean-François Zygel.
Mauvais Sang de Leos Carax – France – 1986 – 125 mn – Avec Denis Lavant, Juliette Binoche, Michel Piccoli.
La population parisienne est frappée par un virus tuant ceux qui font l’amour sans s’aimer. Le jeune Alex rejoint une bande de gangsters qui tentent de voler un puissant antidote, mais tombe amoureux d’Anna, la maîtresse de son associé criminel.
De tous les films de Leos Carax, Mauvais Sang est probablement celui qui a le plus prêté à confusion en raison de son esthétique singulière. Rythmé par des temps morts, Mauvais Sang surprend aussi bien par ses longs moments de silences que par la diffraction que le cinéaste opère entre l’image et le son. Sous ses allures de polar, le film est un poème d’amour fou au temps du sida, qui œuvre pour un retour du romantisme. Alex (Denis Lavant), jeune voyou, croise la route de vieux gangsters en bout de course qui l’embarquent dans un coup : voler la souche d’un virus qui infecte les amants qui font l’amour sans aucun sentiment. Alex passe la nuit précédente avec Anna (Juliette Binoche), la maitresse de son recruteur. Quand les fantômes de la maladie et de l’empêchement relancent l’idée de l’absolu de l’amour, l’idée de l’amour absolu, par-dessus tout.
Restauration supervisée par Caroline Champetier, par Théo Films et la Cinémathèque française, avec l’aide de la Cinémathèque suisse, la Cinémathèque de Toulouse, l’Institut audiovisuel de Monaco ainsi que le soutien du CNC et de la maison CHANEL. Numérisation en 4K à partir des négatifs originaux au laboratoire Éclair Classics, en 2022. Restauration numérique réalisée par les laboratoires Éclair Classics et Amazing Digital Studios. Étalonnage réalisé par Frédéric Savoir chez Amazing Digital Studios. Séance présentée par Caroline Champetier. En présence de Leos Carax et Kiyoshi Kurosawa. La projection de Mauvais Sang sera suivie d’un « Dialogue avec Leos Carax et Kiyoshi Kurosawa ».
Messidor de Alain Tanner – Suisse-France – 1978 – 120 mn – Avec Clémentine Amouroux, Catherine Rétoré, Franziskus Abgottspon.
Deux jeunes auto-stoppeuses issues de milieux très différents partent sur les routes de Suisse pour échapper à leurs vies insatisfaisantes. Elles s’emparent du pistolet d’un officier, et sont bientôt recherchées par la police.
Film magnifique, Messidor s’ouvre sur des vues aériennes des routes et du relief suisses. Alain Tanner réajuste pour ce film le postulat de base d’un scénario abandonné par Maurice Pialat, Meurtrières, sur la dérive criminelle de deux jeunes femmes, tiré d’un fait divers. Jeanne (Clémentine Amouroux), étudiante en histoire, et Marie (Catherine Rétoré), jeune vendeuse, se retrouvent à faire du stop dans les parages de Lausanne. Elles roulent, marchent et dorment à la belle étoile. Sans argent, l’errance, la précarité et la faim les guettent, puis, avec elles, arrivent la marginalisation et la violence. Leur périple fait apparaître un visage peu élogieux de la Suisse et de ses habitants. De manière insidieuse et inconsciente, choisir la liberté est devenu un acte radical et antisocial. Quand bien même toute révolution serait devenue impossible, « Messidor », mois du calendrier révolutionnaire, est le faux nom que les jeunes filles déclarent lors de leurs contrôles d’identité.
Restauration par Florian Leupin pour filmo-Verein CH. Film, en collaboration avec DNA Films SA, l’Association Alain Tanner et la Cinémathèque suisse, aux laboratoires Color Grade, Masé Studios et Cinegrell. Séance présentée par Caroline Fournier et Catherine Rétoré.
Le Miroir de la sorcière (El Espejo de la bruja) de Chano Urueta – Mexique – 1960 – 75 mn – Avec Rosita Arenas, Armando Calvo, Isabela Corona, Dina de Marco, Carlos Nieto.
Sara est employée domestique chez un docteur fou, enclin au féminicide. Elle est aussi une sorcière, qui communique avec des esprits tout-puissants et rêve de venger la mort de sa filleule, l’ancienne femme de son employeur.
Chefs-d’œuvre de l’âge d’or du fantastique gothique mexicain réalisé en 1960 par le prolifique Chano Urueta, Le Miroir de la sorcière reprend aussi bien le motif de la sorcière que ceux du fantôme, de la créature de Frankenstein ou encore du film de Georges Franju, Les Yeux sans visage. Elégante et visuellement puissante, la mise en scène de Chano Urueta est une chorégraphie macabre dont l’esthétique surpasse le mouvement expressionniste. Restauration en 2K par Alameda Films.
Le Nabab d’Albert Capellani – France – 1913 – 55 mn – Avec Pierre Larquey, Léon Bernard, Jean Dax.
Le forgeron Bernard Jeansoulet fait vivre, grâce à son travail, son frère Louis et sa mère. Louis trouve un emploi à Paris, où il se laisse griser par l’atmosphère capiteuse, et se retrouve en prison. Désemparé, Bernard décide de quitter le pays.
Réalisé entre ses deux œuvres majestueuses, Les Misérables et Germinal, Le Nabab est un film plus modeste qui n’a été montré qu’une seule fois en 2013 à la Cinémathèque française. Sa nouvelle restauration par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé à partir du négatif original du film permet de redécouvrir cette adaptation du roman social d’Alphonse Daudet. Engagé en 1905, Albert Capellani est un des réalisateurs les plus importants de Pathé. Réalisateur d’œuvres réalistes, Capellani tourne principalement en extérieurs et demande également à ses acteurs de tendre vers un jeu plus naturel. Comme dans le roman, le film et son scénario signé Jean-José Frappa, insistent sur la description des milieux sociaux dans lesquels évoluent les personnages. Afin de souligner l’opposition qui existe entre la ville et la campagne, les décors magnifiques du film défilent à l’écran et nous montrent parfaitement, d’un côté, la taillerie de pierres, les champs ou encore le port de pêche, et de l’autre, les lieux d’attractions parisiens, les salles de bals et restaurants, le Moulin-Rouge ou le Grand Palais.
Restauration en 2021 par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, avec le soutien du CNC. Séance présentée avec accompagnement musical par Bruno Angelini, Catherine Delaunay et Vincent Courtois.
Vues au pochoir : villes d’Europe années 1920 en Pathécolor – Anonyme – France – 1930 – 16 mn.
Comme des cartes postales animées, les films montrent plusieurs paysages pittoresques aux couleurs magnifiques, invitant au voyage dans différents sites d’Europe.
Travaux numériques 4K réalisés au laboratoire Hiventy pour restituer fidèlement les couleurs d’origine. La Cinémathèque française a mené en 2022 la restauration de sept vues coloriées au pochoir selon le procédé Pathécolor, à partir de copies nitrate conservées dans ses collections. Séance présentée avec accompagnement musical par Bruno Angelini, Catherine Delaunay et Vincent Courtois.
Naissance de Vénus d’Alexandre Alexeïeff – France – 1936 – 1 mn.
Publicité de la crème Simon. Restauration numérique effectuée par le CNC à partir d’une copie unique originale nitrate.
Une nuit sur le mont Chauve d’Alexandre Alexeïeff – France – 1933 – 8 mn.
Au temps des tsars, magiciennes et enchanteurs se réunissent pendant le solstice d’été sur le mont Chauve, près de Kiev.
Restauration numérique image et son effectuée par le CNC à partir d’une copie originale nitrate conservées et mis à disposition par le BFI et complétée par une copie originale nitrate conservée par le CNC.
Deux amies d’Alexandre Alexeïeff – France – 1936 – 1 mn.
Publicité de la crème Simon. Restauration numérique effectuée par le CNC à partir d’une copie unique originale nitrate.
Huilor, de l’or d’Alexandre Alexeïeff et Claire Parker – France – 1937 – 5 mn.
Publicité de l’huile d’arachide de Rufisque conditionnée à la grande huilerie bordelaise pour la marque Huilor. Restauration numérique effectuée par le CNC à partir des négatifs nitrate originaux, image et son conservés et mis à disposition par le BFI.
Histoire sans paroles de Bob Zoubowitch – France – 1934 – 10 mn.
Le Japon, représenté par un soldat, s’approche d’un Chinois et lui coupe un pan de sa tunique symbolisant la Mandchourie. Le Chinois court se plaindre à la Société des Nations. Mais celle-ci n’est qu’un décor en carton-pâte.
L’Idée de Berthold Bartosch – France – 1932 – 25 mn.
Sous un ciel étoilé, un homme pense. La silhouette lumineuse d’une femme nue apparaît : c’est l’Idée.
Restauration numérique image et son effectuée par le CNC, la Cinémathèque suisse et les laboratoires Hiventy, à partir d’une copie originale nitrate conservée et mis à disposition par le BFI, d’un scan réalisé par la Cinémathèque suisse d’une copie originale nitrate issue de leur collection et complétée par un contretype safety 35mm, appartenant à l’AFCA, ayant-droit du film, et conservé par le CNC.
Le Passage du canyon (Canyon passage) de Jacques Tourneur – Etats-Unis – 1946 – 92 mn – Avec Dana Andrews, Susan Hayward, Brian Donlevy, Hoggy Carmichael.
En 1856, Logan Stuart escorte la fiancée de son ami vers Jacksonville dans l’Oregon. Au fil du voyage, ils s’éprennent l’un de l’autre.
Adaptation du roman du même titre d’Ernest Haycox, Le Passage du canyon est l’un des westerns favoris de Martin Scorsese et Steven Spielberg, tous deux consultants sur sa restauration. L’un des préférés également de Bertrand Tavernier qui avait édité en 2015 le roman éponyme dont est tiré le scénario du film. Point de bascule du western vers une nouvelle forme plus moderne, Le Passage du canyon a une véritable importance dans l’histoire du genre. Grand conteur d’un monde brutal, Tourneur n’hésite pas ici à casser le rythme faussement enchanteur qu’entretient le triangle amoureux du film en y insérant régulièrement des éclats de violence. Le film est également la première expérience du cinéaste avec la couleur. Avec des dialogues brillants et des personnages féminins forts, Le Passage du Canyon est incontestablement un western unique.
Restauration en 4K par Cassandra Moor de Universal Picture, en collaboration avec The Film Fondation, au laboratoire Universal Studio Post. Consultation de Martin Scorsese et Steven Spielberg pour la restauration.
Point limite (Fail-Safe) de Sidney Lumet – Etats-Unis – 1964 – 112 mn – Avec Walter Matthau, Henry Fonda, Dan O’Herlihy.
En pleine guerre froide, à la suite d’une erreur technique, un groupe de bombardiers nord-américains reçoit l’ordre de lancer une attaque nucléaire contre Moscou.
Tourné la même année que Docteur Folamour, chef-d’œuvre de Stanley Kubrick, la mécanique de la peur qu’utilise Lumet dans Point limite vient se substituer au sarcasme du premier et de fait, s’en différencier radicalement. L’holocauste nucléaire n’est plus une farce, mais une véritable menace. Dans des décors dépouillés, la succession d’huis-clos auxquels le cinéaste nous convie avec maestria s’achève dans le dénuement le plus total : une table, un téléphone et deux acteurs. Une pièce nue dans laquelle se joue le destin de l’humanité. Habitué au « cinéma confiné » depuis Douze hommes en colère, son premier film, Sidney Lumet installe le suspense de manière remarquable. Sans avoir recours au spectaculaire, Point limite est un puissant thriller au dénouement terrassant.
Restauration 4K réalisée par Sony au laboratoire Cineric à partir du négatif 35 mm d’origine. Transfert supervisé par Grover Crisp, travail de couleur effectué par Sheri Eisenberg et Roundabout Entertainment. Bande sonore mono remasterisée à Deluxe (Hollywood), sous la supervision de Bob Simmons.
Raging Bull de Martin Scorsese – Etats-Unis – 1980 – 129 mn – Avec Robert De Niro, Cathy Moriarty, Joe Pesci.
Les moments forts et le déclin de la carrière flamboyante de Jack LaMotta, champion de boxe poids moyen. Issu d’un milieu modeste, il fut le héros de combats mythiques, notamment contre Sugar Ray Robinson et Marcel Cerdan.
En 1980, après des mois de conflit intérieur et grâce à Robert De Niro, son acteur fétiche, qui non seulement va délivrer une des plus grandes performances de sa carrière, mais aussi savoir convaincre le cinéaste de la valeur de son projet, Martin Scorsese, cinéaste italo-américain hanté par le religieux, raconte la vie du boxeur Jake LaMotta d’après son récit autobiographique en transfigurant certains épisodes de sa vie tumultueuse. Survolté et dans le même temps implacable, Scorsese utilise aussi bien la caméra à l’épaule que les longs plans fixes, alterne ralentis et accélérations et obtient un résultat d’une rare intensité. L’histoire d’un homme qui n’aura finalement travaillé dur que pour tout perdre, aussi bien l’amour des siens que sa propre estime de lui. Puissantes, les scènes de combats participent brillamment aux enjeux émotionnels des personnages comme à ceux du spectateur. C’est par le biais de son esthétique poussée à l’extrême que Raging Bull accède au réalisme, aussi bien extérieur que psychique : « Il n’est vraiment question que de ce qui se passe en Jake LaMotta. ». Comme Scorsese l’a dit, Raging Bull n’est pas un film sur la boxe mais l’histoire de la chute d’un homme « aveugle ».
Nouvelle restauration 4K, approuvée par Martin Scorsese, réalisée avec un scanner Lasergraphics Director, à partir d’une copie 35 mm d’un négatif d’origine. Transfert supervisé par Thelma Schoonmaker, et colorisation par Gregg Garvin et Roundabout Entertainment. Bande sonore remasterisée à partir de la bande magnétique trois pistes 35 mm d’origine.
Rien que les heures de Alberto Cavalcanti – France – 1926 – 48 mn – Avec Nina Chowalowa, Philippe Hériat, Clifford McLaglen, Blanche Bernis.
Une des premières symphonies urbaines, promenade à travers Paris, des premières lueurs de l’aube jusqu’à la nuit suivante, de la beauté à la misère.
Premier film d’Alberto Cavalcanti, Rien que les heures est considéré comme le prototype des symphonies urbaines des années 1920. Le film cherche à traduire la dynamique et le rythme frénétique de la capitale sur une durée de vingt-quatre heures. En plus de l’importante dimension sociale du film, Cavalcanti propose ici une approche formelle riche de toutes sortes d’expérimentations avant-gardistes aussi bien sur le rythme du montage, l’utilisation des fondus et surimpressions ou encore sur la multiplicité des angles de prise de vue. En posant son regard sur des personnages précis, Rien que les heures joue sur les effets de contraste entre ceux qui peuvent profiter des plaisirs de la ville et ceux qui y survivent. Film documentaire et dans le même temps film expérimental, Alberto Cavalcanti a écrit dans ses Conseils aux jeunes réalisateurs de films documentaires : « Sans expérimentation, le documentaire perd toute valeur, sans expérimentation, le documentaire cesse d’exister ».
Restauration 4K en 2022 par Les Films du Panthéon, avec le soutien du CNC et de la Cinémathèque française, en collaboration avec Les Films du Jeudi, le Eye Filmmuseum et le BFI National Archive. Travaux réalisés au laboratoire Hiventy à partir d’une copie teintée conservée au Eye Filmmuseum, d’une copie teintée du BFI conservée au CNC et d’un contretype du BFI. Séance présentée avec accompagnement musical par Mauro Coceano.
S’en fout la mort de Claire Denis – France – 1990 – 91 mn – Avec Isaach de Bankolé, Alex Descas, Jean-Claude Brialy, Solveig Dommartin.
Dah et Jocelyn, Béninois et Antillais installés illégalement en France, participent à des combats de coqs clandestins organisés par un patron de boîtes de nuit corrompu. Ils entraînent leur animal, baptisé « S’en fout la mort ».
Très attendu, le second film de Claire Denis a été tourné à Pondorly, entre le marché de Rungis et l’aéroport d’Orly. Moitié Eldorado, moitié enfer de banlieue, Pondorly est un endroit qui n’en est pas vraiment un, dans lequel on va suivre des personnages solaires de passage qui traversent des lieux, parkings, entrepôts, arrière-cuisine ou salle de jeux pour combats de coqs, qui n’en sont pas vraiment non plus. Après Chocolat (1988), Claire Denis commence sa belle carrière cinématographique.
Restauration 4K supervisée par Pathé et exécutée au laboratoire Hiventy, avec le soutien du CNC. Étalonnage supervisé par Agnès Godard et Pascal Marti. Remerciements à Claire Denis. Séance présentée par la réalisatrice Claire Denis.
Le Testament du docteur Cordelier de Jean Renoir – France – 1959 – 100 mn – Avec Jean-Louis Barrault, Teddy Bilis, Gaston Modot, Michel Vitold.
L’avocat du docteur Cordelier est étonné de découvrir que son client lègue ses biens à un criminel sadique, Opale.
Le Testament du docteur Cordelier est l’adaptation du roman L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Robert Louis Stevenson. Jean Renoir a 64 ans et a déjà réalisé plus de 30 films lorsqu’il s’attelle au projet audacieux de tourner un film qui serait diffusé en direct sur la RTF. En 1948 déjà, Hitchcock avait voulu donner au spectateur de cinéma l’illusion que le temps de la fiction équivaut au temps réel en réalisant La Corde. Renoir cherche à aller au-delà de cette expérience en proposant une rencontre technique et artistique entre le monde du cinéma et celui de la télévision. Rappelant le dispositif d’« Alfred Hitchcock Presents », Renoir se met en scène pour introduire son film. Mais la diffusion en direct est vite rendue impossible pour des raisons à la fois techniques et dramaturgiques. L’écriture et le découpage du scénario sont en effet structurés en séquences et non en plans. Sur le tournage qui dura dix jours, Renoir utilise simultanément jusqu’à huit caméras et douze microphones pour saisir avec fluidité la remarquable performance d’acteur de Jean-Louis Barrault. Présenté à Venise, le film ne sortira qu’en 1961. Le Testament du docteur Cordelier demeure une œuvre singulière du cinéaste.
Restauration 4K réalisée en 2022 par l’équipe de StudioCanal avec Sophie Boyer et Jean-Pierre Boiget au laboratoire Hiventy, avec le soutien du CNC. Négatif original 35 mm scanné par immersion, compte tenu des nombreuses altérations présentes sur la pellicule, avec plus de 200 heures de retouche numérique nécessaires pour effacer les rayures, éclats de gélatine et autres traces d’usure. Son également restauré.
Tokyo Pop de Fran Rubel Kuzui – Etats-Unis – 1987 – 99 mn – Avec Carrie Hamilton, Diamond Yukai, Taiji Tonoyama.
Chanteuse désabusée, Wendy décide de tout plaquer. Elle part à Tokyo, dans l’espoir de réaliser son rêve de rockstar.
Présenté au Festival de Cannes en 1988, Tokyo Pop raconte le parcours de Wendy, choriste d’un groupe de rock, lasse de la vie new-yorkaise, qui part tenter sa chance à Tokyo. Wendy, punkette blonde décolorée, est interprété par la comédienne et chanteuse Carrie Hamilton, prête sa voix et son physique à ce portrait d’une jeunesse étrangère qui découvre les coutumes japonaises. La gaijin enchaîne les galères jusqu’à sa rencontre avec Hiro, jeune musicien, fan de culture américaine, qui va changer son destin. Quinze ans avant Lost in Translation de Sofia Coppola, Fran Rubel Kuzui décrit l’éloignement culturel. Mais, chargé d’espoir et de liberté, l’atmosphère tokyoïte de Tokyo Pop est différente de la mélancolie qui habitait le film de Coppola. Perdu après la faillite de son producteur, cette perle rare est enfin de nouveau visible en version restaurée.
Restauration par IndieCollect en 2022, distribution par Kino Lorber. En avant-première mondiale.
Up in Mabel’s Room (Dans la chambre de Mabel) de E. Mason Hopper – Etats-Unis – 1926 – 70 mn – Avec Marie Prevost, Harrison Ford, Phyllis Haver.
Mabel, l’ancienne petite-amie de Gary Ainsworth, menace de révéler leur relation passée au moyen d’une nuisette qu’il lui avait offerte. Gary essaie de récupérer la nuisette compromettante, qui se trouve dans la chambre de Mabel.
Réalisé en 1926, Up in Mabel’s Room met en scène l’actrice Marie Prevost, qui n’avait pas renouvelé son contrat à la Warner Bros. Comédie enlevée produite par la Christie Film Company, Up in Mabel’s Room est l’adaptation par F. McGrew Wallis d’une pièce de théâtre de Wilson Collison et Otto Harbach. Marie Prevost incarne Mabel, une jeune femme à la recherche d’une pièce de lingerie en possession de son ex-mari qu’elle tente de reconquérir en même temps. Signé du prolifique E. Mason Hopper, avec son enchainement de gags visuels, le film s’inscrit dans le schéma d’une comédie de mœurs, un vaudeville qui fait la part belle au burlesque. Allan Dwan réalisa une nouvelle adaptation de la pièce en 1944.
Numérisation par UCLA Film and Television Archive. Séance présentée avec accompagnement musical par Günter A. Buchwald, Frank Bockius et Mirko Cisilino.
Viva la muerte de Fernando Arrabal – France-Tunisie – 1970 – 90 mn – Avec Fernando Arrabal, Mohamed Bellasoued, Mehdi Chaouch, Anouk Ferjac.
Dans l’Espagne franquiste, le jeune Fando est pris de visions cruelles, violentes et sensuelles quand il découvre que sa mère, fervente catholique, a dénoncé son père aux autorités en l’accusant d’athéisme et d’antifascisme.
Interdit pendant une décennie, le premier long métrage du dramaturge, écrivain et performeur Fernando Arrabal, n’a longtemps été vu que par les spectateurs du Festival de Cannes. Adapté de son propre roman Baal Babylone, Viva la muerte marque la quintessence du mouvement Panique, créé par Arrabal, Roland Topor et Alejandro Jodorowsky. Original, singulier et radical, Viva la muerte donne une place importante aux images, jamais gratuites, de fantasme du jeune garçon malade et chétif. « ¡Viva la muerte ! » : Arrabal oppose au cri de guerre mortifère des milices franquistes les incontrôlables pulsions de vie. Viva la muerte est la réponse désespérément pleine de vie, à la violence du franquisme.
Restauration en 4K en 2022 par la Cinémathèque de Toulouse en collaboration avec Fernando Arrabal, à partir du négatif 35 mm d’origine, et d’un élément interpositif 35 mm. Travaux de restauration du son menés par le studio L.E. Diapason. Avec le soutien du ministère des Affaires culturelles tunisien et de l’Association Ciné-Sud Patrimoine. Séance présentée par le réalisateur Fernando Arrabal et Franck Loiret.
Toute la Mémoire du Monde : Sans la connaissance de notre passé, notre futur n’a aucun avenir. C’est pourquoi le passé est un présent pour demain.
Cinq jours durant, dans 8 cinémas (La Cinémathèque française, La Filmothèque du Quartier Latin, Le Méliès, La Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, L’Archipel, L’Alcazar, Le Vincennes et Le Reflet Médicis) le festival Toute la Mémoire du Monde propose cette année encore, près d’une centaine de séances de films rares et/ou restaurés présentés par de nombreux invités et répartis en différentes sections pour célébrer le cinéma de patrimoine et fêter en beauté son dixième anniversaire.
Afin de ne rien manquer de cet évènement, rendez-vous à La Cinémathèque française et dans les salles partenaires du festival Toute la Mémoire du Monde du 8 au 12 mars.
Steve Le Nedelec