Présentation et programme
Festival de la Cinémathèque : Sans la connaissance de notre passé, notre futur n’a aucun avenir. C’est pourquoi le passé est un présent pour demain.
Le Festival de la Cinémathèque (ex Toute la mémoire du monde), le Festival international du film restauré fête ses 11 ans avec une riche sélection de restaurations prestigieuses accompagnées d’un impressionnant programme de rencontres, de ciné-concerts et de conférences.
La section Restaurations et Incunables, propose une sélection de raretés incontournables et de restaurations menées récemment en France et dans le monde. Un programme éclectique par nature qui, des classiques aux trésors cachés, comprend des projections de grands films absents des écrans depuis longtemps et des ciné-concerts. Cette section qui réunit aussi bien des classiques hollywoodiens, des films d’auteurs, des films muets, des films expérimentaux ou encore des films documentaires, met principalement en valeur le travail des archives, des ayants droit et des laboratoires.
LUCRECE BORGIA (1952) de Christian-Jaque – 120 mn – Avec Martine Carol, Pedro Armendáriz, Valentine Tessier…
Au XVIe siècle, à Rome, César Borgia va tenter d’unifier le pays en utilisant sa sœur, dont il fait assassiner les maris et les amants. Dans un jeu de pouvoir impitoyable, César Borgia fomente l’assassinat du mari de sa sœur. Mais Lucrèce a un amant redoutable qui va le défier. La mise en scène de Christian-Jaque met en valeur la beauté de Martine Carol dans des scènes à grand spectacle et en Technicolor, inaugurant les six films du cinéaste et de sa muse.
Restauration 4K par TF1 au laboratoire Hiventy à partir d’un négatif image, d’un négatif son, et d’un marron muet.
MACARIO (1959) de Roberto Gavaldón, d’après le roman Le Troisième Invité de B. Traven – 91 mn – Avec Ignacio López Tarso, Pina Pellicer, Enrique Lucero…
Dans le Mexique du XVIIIe siècle, Macario, un pauvre paysan, s’apprête à célébrer la fête des morts. Pour l’occasion, sa femme lui a préparé une succulente dinde. C’est alors que le Diable, Dieu et la Mort lui apparaissent : Macario accepte de partager son repas seulement avec cette dernière. En retour, il reçoit une potion capable de guérir toutes les maladies. Bientôt, il devient plus riche que le médecin du village qui va le jalouser. Dénoncé, sa situation va attirer l’attention de l’Inquisition. Condamné au bûcher, sa seule issue est de guérir le fils du vice-roi.
Inspiré d’un conte de Grimm et de ses variantes mexicaines, Macario raconte le destin d’un paysan affamé : le jour de la fête des morts, il se montre généreux envers un mystérieux étranger, qui lui donne le pouvoir de guérir les malades. Peintre des émotions et des dilemmes insolubles, Gavaldón signe une fable macabre dont les lumières chatoyantes enrobent le réalisme social d’un voile onirique. Macario a été présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 1960.
Restauration 4K en 2023 par la Film Foundation et la Fundación Televisa à L’Immagine Ritrovata, en collaboration avec Filmoteca UNAM, en association avec Televisa et avec le soutien de la Hollywood Foreign Press Association. Remerciements à Guillermo del Toro.
LE MANOIR DE LA PEUR (1927) de Alfred Machin – 70 mn – Avec Romuald Joubé, Gabriel de Gavrone, Lynn Arell, Cinq-Léon…
Depuis qu’un mystérieux inconnu et son domestique se sont installés dans un manoir des environs d’un village provençal, une vague de crimes s’est abattue sur le pays et sème la terreur chez les habitants. Le jeune Jean Lormeau, refusant de céder à la peur, part à la rencontre de l’inquiétant propriétaire pour percer son secret.
La quiétude d’un village provençal est troublée par l’arrivée d’un mystérieux homme en noir. Créateur d’atmosphères, Alfred Machin signe l’un des premiers films fantastiques français, aux accents expressionnistes. La présence du singe Auguste et la beauté noire des scènes de nuit font du Manoir de la peur l’une des œuvres les plus singulières du cinéma muet.
Restauration 4K en 2023 à partir du négatif original par le laboratoire L’Image Retrouvée pour le CNC, avec le concours de la Cinémathèque française. Montage initial du négatif respecté, couleurs introduites à partir d’une copie nitrate appartenant à la Cinémathèque française. Accompagnement musical par un élève de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel.
LA MARCHANDE D’AMOUR (La Provinciale, 1952) de Mario Soldati, d’après le recueil de nouvelles La Provinciale et autres récits d’Alberto Moravia – 113 mn – Avec Gina Lollobrigida, Gabriele Ferzetti, Alda Mangini…
Une jeune femme mariée est victime d’une comtesse roumaine qui la force à se prostituer.
D’après la nouvelle d’Alberto Moravia, l’histoire d’une Madame Bovary italienne des années 50, racontée à travers le point de vue des différents protagonistes. Une construction narrative astucieuse, qui déroule le fil des événements jusqu’au dénouement fatal. Magnifiquement interprété, La Marchande d’amour est l’un des plus beaux films de Soldati. La Marchande d’Amour a été présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 1953.
Restauration par CSC-Cineteca Nazionale au CSC Digital Lab (Rome), en collaboration avec Compass Film.
LES MOISSONS DU CIEL (Days of Heaven, 1978) de Terrence Malick – 94 mn – Avec Richard Gere, Brooke Adams, Sam Shepard…
En 1916, Bill, ouvrier dans une fonderie, sa petite amie Abby et sa sœur Linda quittent Chicago pour faire les moissons au Texas. Voyant là l’opportunité de sortir de la misère, Bill pousse Abby à céder aux avances d’un riche fermier, qu’ils savent atteint d’une maladie incurable…
Après La Balade sauvage, pour son deuxième film, Malick radicalise encore son style dans cet hymne à la nature et à la lumière, avant de se tenir éloigné des plateaux durant vingt ans et de revenir avec La Ligne rouge. Resserré autour de rares dialogues et d’un triangle amoureux déchirant, Les Moissons du ciel est un poème grandiose. Un film très visuel où l’intrigue est dévoilée par les images elles-mêmes. Sublimement photographié par Nestor Almendros qui perdait la vue au moment du tournage, Les Moissons du ciel est empreint d’une rare beauté romantique incandescente qui sonde la vulnérabilité des choses et l’enivrement des éléments. Les Moissons du ciel a obtenu le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 1979. Notons également que le thème musical principal du film est le titre Aquarium, extrait du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns. Musique qui est aujourd’hui reprise pour la montée des marches du festival de Cannes.
Restauration 4K par The Criterion Collection, avec le soutien de Paramount Pictures et Park Circus, à partir du négatif original 35 mm, sous la supervision de Terrence Malick. Étalonnage chez Harbor Picture Company, restauration numérique de l’image chez Resillion (New York).
OBSESSED WITH LIGHT (2023) de Sabine Krayenbühl et Zeva Oelbaum – 90 mn –
Le portrait d’une pionnière de la danse moderne, qui crée au début du XXe siècle des pièces visuellement époustouflantes. Créatrice américaine de la danse moderne, Loïe Fuller (1862−1928) a créé un type de spectacle entièrement nouveau qui combinait danse, tissu et mouvement. Elle a également été pionnière dans l’utilisation ingénieuse de l’électricité pour la scène, construisant même un plancher de verre afin de pouvoir être éclairée par le dessous. Fuller s’est propulsée dans des abstractions tourbillonnantes qui faisaient haleter les spectateurs et, afin de lutter contre les imitateurs, elle a immédiatement compris l’importance de protéger la propriété de ces innovations. Superstar du Paris de la Belle Époque, née aux États-Unis, Loïe Fuller inspire les artistes d’hier et d’aujourd’hui, de Méliès à Taylor Swift en passant par Picasso. Un hommage sur fond d’images d’archives exceptionnelles, inédit en France.
Séance suivie d’une discussion avec Zeva Oelbaum et Sabine Krayenbühl.
L’OPINION PUBLIQUE (A Woman of Paris, 1923) de Charles Chaplin – 82 mn – Avec Edna Purviance, Carl Miller, Adolphe Menjou…
Deux jeunes amoureux, Marie Saint-Clair et Jean Millet, s’aiment contre l’avis de leurs parents. Ils ont décidé de fuir ensemble. Mais le père de Jean est victime d’une attaque, et Marie, croyant que Jean a changé d’avis, part seule…
Portrait d’une provinciale dans le Paris mondain des années 20, situé entre Le Kid et La Ruée vers l’or, L’Opinion publique marque un tournant artistique dans la carrière de Chaplin qui délaisse le burlesque pour le drame pur et exploite la complexité psychologique des personnages à la faveur d’un film sans le personnage de Charlot. En dépit des critiques enthousiastes de la presse internationale, L’Opinion publique est le premier échec commercial de l’auteur jusque-là adulé par les foules. Chef-d’œuvre de subtilité et d’inventions visuelles, L’Opinion publique vient de fêter ses 100 ans.
Restauration 4K par la Fondazione Cineteca di Bologna, en association avec Roy Export S.A.S., au laboratoire L’Immagine Ritrovata. Cette version présente une nouvelle bande sonore alternative composée avec la musique de Charles Chaplin, créée à partir de la partition de Chaplin de 1976 pour L’Opinion publique et d’une sélection d’ébauches de composition datant de 1952-1969, orchestrées et dirigées par Timothy Brock. Enregistrement par l’Orchestra Città Aperta. Post Production sonore par l’Immagine Ritrovata.
TOUTE UNE NUIT (1981) de Chantal Akerman – 89 mn – Avec Angelo Abazoglou, Frank Aendenboom, Natalia Akerman…
A Bruxelles, par une nuit d’été orageuse, hommes, femmes et enfants se laissent emporter par l’excès de leurs sentiments.
Des hommes et des femmes par une chaude nuit d’été à Bruxelles. Cinéaste de l’intime et du moment transitoire, Akerman compose une mosaïque de rencontres fugaces, qui révèlent l’angoisse de l’attente et du vide amoureux, dans un tableau d’une incroyable fluidité visuelle.
Restauration 2K par la Cinémathèque royale de Belgique et la Fondation Chantal Akerman, sous la supervision de Caroline Champetier. Ressortie le 25 septembre 2024 par Capricci. Séance présentée par Caroline Champetier, directrice de la photographie du film.
La projection de Toute une nuit sera précédée de celle du court-métrage Paris vu par… 20 ans après : J’ai faim, j’ai froid de Chantal Akerman.
PARIS VU PAR… 20 ANS APRES : J’AI FAIM, J’AI FROID (1984) de Chantal Akerman – 12 mn – Avec Maria de Medeiros, Pascale Salkin, Aníbal Esmoris…
Deux fugueuses bruxelloises débarquent à Paris. Un épisode frondeur de Paris vu par… 20 ans après.
Restauration par la Cinémathèque royale de Belgique et la Cinémathèque française, en collaboration avec la fondation Chantal Akerman, à partir des négatifs 35 mm conservés dans les collections de la Cinémathèque française, déposés par Philippe Garrel. Numérisation 4K au laboratoire du CNC, restauration image au laboratoire de la Cinémathèque royale de Belgique sous la supervision du directeur de la photographie Luc Ben Hamou, restauration son par Léon Rousseau (Paris).
LE RENDEZ-VOUS DES QUAIS (1953) de Paul Carpita – 75 mn – Avec Roger Manunta, André Maufray, Jeanine Moretti…
Marseille, 1953. Robert Fournier, jeune docker, veut vivre avec Marcelle, employée dans une fabrique de biscuits. Mais les appartements sont inaccessibles aux finances des deux jeunes gens. Pour obtenir plus facilement un logement, Robert va réduire ses activités syndicales et, lors d’une grande grève, se désolidarisera de ses camarades et deviendra un « jaune ». Interdit par la censure, le Rendez-vous des quais ne fut jamais projeté et l’on crut même les copies détruites durant trente-trois ans.
« Comme il disait lui-même, il était « un instituteur qui savait se servir d’une caméra ». Il n’avait par ailleurs aucune formation. Il était simplement fasciné par le cinéma depuis l’enfance, depuis qu’un instituteur ou un curé avait un jour projeté un petit film. C’était un pur autodidacte. Il a donc pris sa caméra avec des ambitions à la fois artistiques et quasiment documentaires. » Anaïs Carpita.
Membre d’un collectif de communistes marseillais qui documentent les conflits sociaux, Carpita descend dans la rue et tourne deux ans durant. Équipe légère, acteurs amateurs, pour une petite révolution hexagonale, trait d’union alors inédit entre le néoréalisme italien et la Nouvelle Vague. Censuré par le pouvoir dans le contexte de la guerre d’Indochine, le film réapparaît à la fin des années 80, et est aujourd’hui proposé dans une magnifique version restaurée. Restauration par le CNC et la Cinémathèque française, en partenariat avec la succession Paul Carpita et le concours de Ciné-Archives. Séance présentée par Anaïs Carpita, petite-fille de Paul Carpita.
LA REVANCHE DE LA CREATURE (Revenge of the Creature, 1955) de Jack Arnold – 82 mn – Avec John Agar, Lori Nelson, John Bromfield, Nestor Paiva…
Ayant survécu après avoir été criblée de balles, une créature est capturée en Amazonie et envoyée à l’océanarium d’Ocean Harbor en Floride où les scientifiques qui l’étudient essaient de la domestiquer.
Un an après le succès de L’Étrange Créature du lac noir, qui inaugure l’âge d’or de l’épouvante, La Revanche de la créature aborde, de manière plus sombre, le quotidien d’un monstre préhistorique, désormais exhibé pour l’appât du gain. Avec son sous-texte écologique sur les animaux conditionnés, le film se révèle d’une réelle poésie lors de ses impressionnantes scènes sous-marines. La Revanche de la créature est le deuxième opus d’une trilogie initiée en 1954 avec L’Étrange Créature du lac noir (Creature from the Black Lagoon) et poursuivie avec La Créature est parmi nous (The Creature Walks Among Us) que réalisera John Sherwood en 1956.
Scan 4K des négatifs 35 mm d’origine par NBCUniversal et alignement stéréoscopique par 3-D Film Archive. Projection en 3D.
LE REVENANT (A Halál után, 1920) de Alfréd Deésy- 89 mn – Avec Camilla von Hollay, Gyula Mészáros, Gida von Lazar …
L’un des rares films fantastiques hongrois du muet encore existant, par un pionnier du cinéma magyar, adaptation du Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux, avec dans le rôle principal l’actrice populaire Kamilla Hollay. Retrouvée dans les archives de la Cinémathèque royale de Belgique, l’œuvre se distingue notamment par sa palette de teintes et des astuces techniques uniques.
Restauration 4K par le National Film Institute hongrois, en collaboration avec la Cinémathèque française et la Cinémathèque royale de Belgique, avec le soutien de « A Season of Classic Films » (Creative Europe), une initiative de l’ACE (Association des Cinémathèques Européennes). Accompagnement musical par un pianiste issu de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel.
Moment privilégié de réflexion, d’échange et de partage qui met l’accent sur les grandes questions techniques et éthiques qui préoccupent cinémathèques, archives et laboratoires techniques mais aussi, bien évidemment (on l’espère encore !), éditeurs, distributeurs, exploitants et cinéphiles, le Festival de la Cinémathèque, né dans le contexte de basculement du cinéma dans l’ère du numérique, propose une fois de plus, cette année encore, une programmation exceptionnelle en donnant à voir aux spectateurs les chefs d’œuvre comme les œuvres moins connues (curiosités, raretés et autres incunables) du patrimoine du cinéma. Avec toujours un élargissement « Hors les murs » dans différentes salles partenaires de la manifestation à Paris et banlieue parisienne, puis, dans la continuité du festival francilien, en partenariat avec l’ADRC (Agence nationale pour le développement du cinéma en régions), plusieurs films qui tourneront après le festival dans des cinémas en régions, pour sa onzième édition, le Festival International du film restauré, renommé cette année « Festival de la Cinémathèque », s’affirme comme étant l’immanquable rendez-vous dédié à la célébration et à la découverte du patrimoine cinématographique mondial.
Créé par La Cinémathèque française en partenariat avec le Fonds Culturel Franco-Américain et Kodak, et avec le soutien de ses partenaires institutionnels et les ayants droit essentiels aux questions de patrimoine, ce festival est incontournable pour les cinéphiles passionnés, les amoureux du patrimoine cinématographique, les archivistes, les historiens, les chercheurs et autres curieux. Riche et foisonnante, la programmation du festival nous propose un panorama très éclectique des plus belles restaurations réalisées à travers le monde et salue ainsi non seulement le travail quotidien des équipes des différentes institutions, mais nous fait également prendre toute la mesure de la richesse incommensurable de cet Art qui n’a de cesse de témoigner tout en se réinventant tout le temps.
Cinq jours durant, dans 9 cinémas (La Cinémathèque française, La Filmothèque du Quartier Latin, Le Christine Cinéma Club, L’Ecole Cinéma Club, La Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, L’Archipel, L’Alcazar, Le Vincennes et Le Reflet Médicis) le Festival de la Cinémathèque propose cette année encore, près d’une centaine de séances de films rares et/ou restaurés présentés par de nombreux invités et répartis en différentes sections pour célébrer le cinéma de patrimoine et fêter en beauté son onzième anniversaire.
Afin de ne rien manquer de cet évènement, rendez-vous à La Cinémathèque française et dans les salles partenaires du festival du 13 au 17 mars.
Steve Le Nedelec