La séquence d’introduction est l’une des plus surprenantes de l’histoire du western. Pendant sept minutes, dans les bureaux de l’Ohio Gazette, le rédacteur en chef, seul à l’écran, nous raconte la terrible histoire du Colonel William Clark Quantrell et de ses renégats sudistes… Cette séquence est un mystère. Sa présence s’explique peut-être par la volonté de la Columbia de rallonger le film en vue de son exploitation en télévision. Ce moment quasi-surréaliste passé, Représailles en Arizona démarre à bride abattue par l’histoire de Quandrell en voix off ! Mais cette fois c’est dans l’action et il faut reconnaitre – William Witney a le sens du rythme. Nous sommes plongé au cœur de l’action : le Colonel et ses renégats attaquent une petite ville. Witney met aussitôt en place des tensions entre les hommes de Quandrell, ainsi Clint (Audie Murphy) et Montana (George Keymas) vont s’opposer.
Représailles en Arizona est émaillé de formidables séquences dont l’attaque de la grange où sont retranchés les renégats. On y décèle tout le sens du spectacle et de la mise en scène de Witney. Il met en place plusieurs actions simultanément : les tuniques bleues, sous les ordres du Capitaine Andrews (Buster Crabbe), autour de la grange tandis qu’à l’intérieur éclate le conflit entre Clint et Montana sous l’œil pervers du vieux Quandrell (Fred Graham). Cette simultanéité des actions va se poursuivre durant la fuite du Colonel et de ses hommes. A cela s’ajoute un formidable sens du cadre. Witney utilise avec intelligence le scope, il réduit où agrandit l’espace en utilisant la lumière et en jouant sur les zones d’ombre et de lumière. Ses effets traduisent aussi la personnalité des différents personnages. En pleine lumière – le capitaine Andrews, dans une demi-pénombre – Clint et Montana. Le film va donc raconter le long chemin de Clint vers la lumière, c’est-à-dire l’acceptation d’une nouvelle société unifiée, basée sur la loi et la justice. Cette transformation d’un confédéré en un nouvel homme se fera dans la douleur. Le conflit entre le Nord et le Sud aura laissé des cicatrices béantes, ce que les hésitations de Clint à entrer au service de Capitaine Andrews traduisent parfaitement. Le Capitaine Andrews, soldat nordiste puis Rangers, est sans l’ombre d’un doute le pendant du Colonel Quantrell, évidemment en positif.
Après avoir mis à feu et à sang le Texas, la horde sauvage de Quandrell disloquée par le Capitaine Andrews va se reconstituer et semer la terreur en Arizona.
Représailles en Arizona est avant tout un spectacle, où les péripéties s’enchaînent avec une rapidité d’exécution digne des serials. Attaque de villes, scène de tribunal, évasion de bagnards, duels et confrontations avec les Indiens. Une scène mérite le détour : l’attaque par les Indiens Yaqui par projection de cactus sur les hors-la-loi pris au piège au fond d’un ravin. Autre particularité : les Indiens Yaqui sont chrétiens.
Montana et sa horde de sauvages prennent possession d’une petite ville abandonnée où vivent les Indiens. Witney innove et place le duel entre Clint et Montana en plein milieu du film. Et relance aussitôt l’action en mettant en place un nouveau méchant, Brady (Michael Dante) tout de noire vêtu et âme damnée de Montana. Clint est pris au piège d’une spirale de violences qui ne prendra fin qu’avec l’anéantissement de cette horde de bandits.
William Witney avance vite, il ne fut pas le plus grand des artisans du serial hollywoodien pour rien. Il dirige d’excellents acteurs avec des caractères forts.
Audie Murphy est vraiment bon. Il faut reconnaître que les films avec Murphy sont intéressants à plus d’un titre. Tout d’abord par la
personnalité de l’acteur. Ce fermier est revenu de la Seconde Guerre mondiale comme le soldat le plus décoré pour des actes de bravoure inouïe. C’est sans conteste un véritable héros. Pourtant son retour à la vie civile ne fut pas simple. Présenté en exemple dans les médias, il intéresse aussitôt Hollywood. Il va personnaliser le héros à l’écran. Mais Murphy est un homme plus complexe. Insomniaque, il fait dépression sur dépression. Il dort avec un révolver sous l’oreiller. Très vite, il devint dépendant des somnifères qu’il absorbe tout les soirs. Audie Murphy n’apprendra que dans les années 70 souffrir d’un trouble de stress post-traumatique.
Extrêmement critique envers Hollywood et les projets qu’on lui propose, il devient son propre producteur. Sa carrière est plus qu’honorable dans des westerns de bonne facture. Son jeu s’éloigne de la vision du héros à l’écran. Il y a dans son jeu d’acteur une nonchalance comme s’il était toujours un peu en retrait de l’action comme s’il revenait de l’enfer. Bons nombre de ses films débutent par son retour d’un homme marqué par l’horreur de ce qu’il a vu. Représailles en Arizona ne déroge pas vraiment à la règle. On peut aussi ajouter que le jeu d’Audie Murphy est marqué par le doute sur la finalité de toute guerre, en ce sens, il est aux antipodes du héros hollywoodien sûr de lui et de son bon droit.
A ses côtés Buster Crabbe à la carrure de l’emploi, soldat Yankee, puis chef des Rangers. Crabbe est une figure populaire du serial de science-fiction, où il incarna Flash Gordon et Buck Rodgers, et de western. Ce champion de natation personnifia le légendaire héros d’Edgar Rice Burroughs – Tarzan, le seigneur de la jungle dans plusieurs films. Les méchants sont excellents, Michael Dante et George Keymas font partie de ces acteurs que nous avons vus souvent sans mettre un nom sur leur visage. Ils vont être de toutes les séries les plus populaires des années 60/70 : Bonanza, Les Mystères de l’Ouest, etc. Côté féminin c’est Gloria Talbott qui prête ses traits à la superbe et pulpeuse Indienne. Curieusement pas de romance entre la belle Indienne et Clint. Résultat à la fin, elle envisage sérieusement d’entrer dans les ordres ! Certainement une blague des scénaristes !
Représailles en Arizona a toute les qualités des westerns de série B, un spectacle palpitant et in fine un vrai plaisir de cinéma.
Fernand Garcia
Représailles en Arizona est édité en DVD par Sidonis/Calysta dans une impeccable copie, en complément, une double présentation du film par Patrick Brion (17 mn) et une deuxième par Bertrand Tavernier (20 mn) passionnantes, denses et instructives, une galerie photos et la bande-annonce (2 mn).
Représailles en Arizona (Arizona Raiders), un film de William Witney avec Audie Murphy, Buster Crabbe, Gloria Talbott, George Keymas, Ben Cooper, Michael Dante, Ray Stricklyn…. Scénario : Alex Gottlieb, Amry & William Willingham d’après une histoire de Frank Gruber & Richard Schayer. Directeur de la photographie : Jacques Marquette. Décors : Harold E. Knox. Musique : Richard LaSalle. Producteur : Grant Whytock. Production : Admiral Pictures, Inc. – Columbia Pictures Corporation. Etats-Unis. 1965. 97 mn. Couleur. Technicolor. Techniscope. Format image : 2,35 :1. Versions : VOST et VF. Tous Publics.