C’est la guerre dans la maison – cabinet de consultation, entre le psychiatre Fritz Fassbender (Peter Sellers) et sa femme, Anna (Edra Gale). « Adultère ! Tu es un monstre ! ». Elle a la preuve écrite que son mari entretient une relation extraconjugale. Elle a un mot, la preuve, sans la moindre équivoque de ses turpitudes avec une autre femme en plus du rouge à lèvres sur sa chemise. Mais le psy refuse de répondre à sa femme et tente d’échapper à son courroux, d’étage en étage. Anna, outrée, hurle à la fenêtre sa rage « Fritz couche avec une pétasse ! ». La confrontation est à son paroxysme quand Michael James (Peter O’Toole) sonne à la porte…
Quoi de neuf Pussycat ? est le premier scénario de Woody Allen et son premier rôle à l’écran. A l’origine, le film est un projet semi-autobiographique de Warren Beatty qu’il développe pour l’un des plus importants producteurs hollywoodiens Charles K. Feldman. De passage à New York, Warren Beatty se retrouve dans le night-club où se produit Woody Allen. Il le trouve vraiment drôle avec un style original. Warren Beatty revient le voir sur scène avec Charles K. Feldman et Sam Shaw, célèbre photographe, « … le Lendemain, Sam se présente au bureau de Jack Rollins et lui dit : « Est-ce que votre protégé aimerait écrire et peut-être participer à un film ? »* Beatty et Feldman voulaient absolument Woody Allen comme scénariste de leur comédie, avec la possibilité de s’écrire un rôle. Jack Rollins et Charles Joffe (futurs producteurs de la quasi-totalité des films de Woody Allen) acceptent la proposition. L’entente entre Woody Allen et Warren Beatty est impeccable. « Le tandem Beatty & Feldman voulait que j’écrive une comédie pleine de jolies femmes qui se déroulerait à Paris… »
Woody Allen se lance avec enthousiasme dans l’écriture tout en se produisant sur scène. Il livre rapidement la première version du scénario, « Ca ne s’appelait pas encore What’s New Pussycat ?, ce titre n’émergea qu’après la fois où Charlie Feldman entendit Warren poser cette question à l’une de ses petites amies au téléphone, il se dit alors que ça ferait un bon titre. »*. Cette version demande des aménagements, Beatty trouve que son personnage manque de répliques drôles au profit du personnage d’Allen. Il reprend l’écriture tout en poursuivant son activité d’humoriste sur scène et à la télévision, et en poursuivant sa relation amoureuse avec Louise Lasser. Alors que le travail de réécriture touche à sa fin, Warren Beatty quitte le film sur un différend avec Feldman. Beatty exige que Leslie Caron, sa girlfriend, apparaisse dans le film, alors que Feldman impose sa protégée (et maîtresse) Capucine.
Beatty n’est pas convaincu par les talents d’actrice de l’ex-mannequin. La situation entre Warren Beatty et Charles Feldman s’envenime. Beatty jette l’éponge. Qu’importe, Feldman, ex impresario, a un carnet d’adresses grand comme Manhattan. Il contacte Peter O’Toole pour le rôle prévu pour Beatty. O’Toole adore le scénario et signe immédiatement. « Je savais qu’il excellait comme acteur, mais ignorais s’il pouvait jouer dans une comédie. A cette époque-là, selon moi, il en était incapable, même si sur ses vieux jours, il fit la preuve que si… »* Woody Allen avait en tête pour ses dialogues la vitalité et les réparties des Marx Brothers, par vraiment le phrasé de la star de Lawrence d’Arabie. Le deuxième grand rôle du film est absorbé par Peter Sellers, génie comique dans La Panthère Rose (The Pink Panther, 1963) de Blake Edwards et Dr Folamour (Dr. Stangelove, 1964) de Stanley Kubrick.
Clive Donner entre en piste. Il est remarqué pour Le Concierge (The Caretaker, 1963) adaptation pour le grand écran de la pièce de Harold Pinter, avec Alan Bates, Donald Pleasence et Robert Shaw. Film pour lequel, il reçoit un Ours d’argent extraordinaire pour la qualité de sa mise en scène. Pas vraiment un réalisateur de comédie. Comme beaucoup de réalisateur anglais, Clive Donner débute comme monteur. Il passe à la réalisation avec Faux policiers (The Secret Place) en 1959, premier film d’une longue série de films à petit budget, mais rondement menés. La production anglaise étant une zone sinistrée, il réalise pour la télévision dirigeant quelques épisodes de séries TV, dont deux Destination danger (Danger Man), The Journey Ends Halfway et Bury the Dead, avec Patrick McGoohan, en 1960. Le succès du satirique Tout ou rien (Nothing But The Best, 1964) écrit pas Frédéric Raphaël, aura sans doute convaincu Feldman de l’embaucher. « …Clive Donner, qui n’avait pas un grand talent pour la comédie au départ, mais était un type bien, poli et ouvert à la discussion, souple – je l’aimais beaucoup. »*
Clive Donner se retrouve avec Peter Sellers et Peter O’Toole qui regorgent d’idées et de propositions, et sur le dos Charles Feldman. « Celles de Sellers, étaient très drôles, mais inadaptées à ce scénario. »*. Feldman qui installe ses bureaux à Londres, décide subitement de déplacer l’histoire de Paris à Rome. Woody Allen, qui retravaille le film en France, embarque pour plusieurs mois dans la capitale romaine, afin de tout adapter à l’Italie. Le new-yorkais Woody Allen découvre Londres, Paris et Rome, villes qu’il va adorer. Il y reviendra pour tourner ses propres films. Au bout d’un mois, faisant suite aux remarques de Woody Allen, Feldman, réexpédie tout le monde à Paris. Feldman et Donner réunissent un formidable casting autour de O’Toole et Sellers, Romy Schneider, la sublime James Bond girl Ursula Andress, Paula Prentiss, sur les conseils de Woody Allen, évidemment Capucine et un bataillon de comédiens français, Jean Parédès, Eléonore Hirt, Jacques Balutin, Michel Subor, le plus américain des seconds rôles français, Jess Hahn, Howard Vernon, etc. L’allemande Katrin Schaake, après le film, va rejoindre la troupe de Rainer Werner Fassbinder pour 10 films entre 1969 et 1973 !
Woody Allen est un peu sévère avec Capucine, elle avait déjà derrière elle, une petite carrière et son nom de prendre de l’importance sur les affiches. Mannequin français phare des années 1950. Egérie d’Hubert de Givenchy, qui l’habillera durant toute sa vie, Capucine est devenue mannequin afin de payer ses cours d’art dramatique. Elle débute au cinéma dans L’Aigle à deux têtes (1948) de Jean Cocteau. Charles K. Feldman, la remarque lors d’un défilé, sous le charme, il la convainc de le suivre à Hollywood.
Elle y suit des cours, se perfectionne en anglais et tourne avec John Wayne dans Le Grand Sam (North to Alaska, 1960) de Henry Hathaway et avec Dick Bogarde dans Le Bal des Adieux (Song Without End, 1960) de Charles Vidor. Sa sophistication et sa ligne tapent dans l’œil de la presse américaine. Elle incarne Lady Simone Lytton, l’épouse du voleur, Charles Lytton (David Niven) dans La Panthère rose, puis dans A la recherche de la Panthère rose (Trail of the Pink Panther, 1982) et enfin L’héritier de la Panthère rose (Curse of the Pink Panther, 1983). Elle remplace sa grande amie, Audrey Hepburn, sur La 7ème aube (The 7th Dawn, 1964) de Lewis Gilbert avec William Holden, qu’elle retrouve après Le Lion (The Lion, 1962) de Jack Cardiff, le film est produit par Charles K. Feldman.
Elle tourne, sous la direction de Joseph L. Mankiewicz, le superbe Guêpier pour trois abeilles (The Honey Pot, 1967) avec Rex Harrison toujours produit par Charles K. Feldman. Capucine au milieu des années 1960 s’installe en Europe, tourne dans Satyricon (1969) chef-œuvre de Federico Fellini et devient un visage familier des productions italiennes Fräulein Doktor (1969) d’Alberto Lattuada, Bluff (Bluff storia di truffe e di imbroglioni, 1976), Mélodie meurtrière (Giallo napoletano, 1978) de Sergio Corbucci ou sein de casting à vedette comme Soleil rouge (Red Sun) western de Terence Young avec Alain Delon, Charles Bronson, Toshirô Mifune et Ursula Andress ! Capucine est complètement boudée par le cinéma français, une seule petite incursion, L’incorrigible (1975) de Philippe de Broca avec Jean-Paul Belmondo. Capucine, seule et gravement malade, se suicide par défenestration en 1990 à Lausanne, elle avait 62 ans.
Peter Sellers et Woody Allen ne s’entendent pas, concurrence de comiques de génie certainement. Chaque réplique ou idée délirante de Sellers est intégrée au scénario, au grand regret de Woody Allen, qui ne reconnaît plus son scénario. Clive Donner ne fait que suivre le mouvement et le tournage se transforme en une joyeuse pagaille. A partir de cette expérience, Woody Allen décide de ne plus jamais confier un scénario à un autre réalisateur et de passer à son tour derrière la caméra. Il n’empêche que Quoi de neuf Pussycat ? est plus qu’amusant, vraiment drôle et certaines séquences désopilantes. Tout le début avec le Dr Fassbender, sorte de savant fou avec sa coupe à la Beatles, est génial. « Malgré tout cela, je ne pouvais pas supporter les libertés qu’ils prenaient avec mon scénario. »* Déjà en filigrane, ce dessine nombre de situations, de références (Fellini, entre autres), personnages et éléments de la nature humaine que l’on retrouvera dans les films de Woody Allen.
Après l’énorme succès de Quoi de neuf Pussycat ?, Clive Donner, qui a toujours eu une prédilection pour l’adaptation à l’écran des pièces de théâtre, se spécialise dans la comédie, Luv, est-ce l’amour ? (Luv, 1967) avec Jack Lemmon, Peter Falk et Elaine May, Les temps sont durs pour Dracula (Vampira, 1974), Le plus secret des agents secret (The Nude Bomb, 1980) version ciné de Max la menace avec Don Adams, entre autres. En 1980, Peter Sellers travaille sur une nouvelle aventure de l’inspecteur Clouseau, Romance of the Pink Panther. Blake Edwards et Peter Sellers, en froid, refusent de refaire à nouveau équipe, l’acteur demande à Clive Donner d’en reprendre la réalisation de ce nouvel opus. Malheureusement, Peter Sellers décède avant le tournage.
La chanson What’s New Pussycat ?, hit indémodable de la fin du XXe siècle, est interprétée par Tom Jones, est un modèle de variété pop. En tête des ventes pendant des mois, la chanson composée par Burt Bacharach (musique) et Hal David (parole), décroche une nomination à l’Oscar. Elle est battue sur le fil par The Shadow of Your Smile de Johnny Mandel et Paul Francis Webster du Chevalier des sables (The Sandpiper) de Vincente Minnelli. Mésaventure qui se poursuivra avec The Look of Love de Casino Royale. Mais Bacharach et David tiennent leur revanche avec Raindrops Keep Fallin’ on My Heard, autre tube, dans Butch Cassidy et le Kid (Butch Cassidy and Sundance Kid, 1969) de George Roy Hill.
Quoi de neuf Pussycat ? est un immense succès. Charles K. Feldman qui a dans ses tiroirs les droits d’un James Bond, embarque une partie de l’équipe pour Casino Royale, parodie de 007, Peter Sellers, Peter O’Toole, Ursula Andress, Burt Bacharach, Hal David, le créateur de générique Richard Williams, etc. Woody Allen, participe aussi à cette nouvelle aventure, mais refuse catégoriquement de revoir le scénario de Casino Royale.
Quoi de neuf Pussycat ? c’est l’insouciance des années 60, drôle, burlesque, sexy, psychédélique, joyeux et sans prétention, un vrai plaisir de cinéma.
Fernand Garcia
*Toutes les citations sont extraites de Soit dit en passant, autobiographie, de Woody Allen aux Editions Stock, 2020.
Quoi de neuf Pussycat ?, une édition combo (DVD + Blu-ray) Rimini Editions, dans un superbe report HD avec en complément : Un entretien avec Philippe Guedj, journaliste culture du Point. « What’s New Pussycat ?, est vraiment un drôle de film quand il arrive sur les écrans (.) un film important dans l’histoire du cinéma » une analyse enthousiaste des différents aspects du film en le replaçant dans l’époque (30 minutes env). Une interview de Peter Sellers. Il évoque son enfance, la comédie, l’humour, l’inspecteur Clouseau, Laurel et Hardy, Stanley Kubrick, Satyajit Ray, Woody Allen, un document émouvant et passionnant (8 minutes), enfin la bande-annonce (3 minutes env.)
Quoi de neuf Pussycat ? (What’s New Pyssycat ?), un film de Clive Donner avec Peter O’Toole, Peter Sellers, Romy Schneider, Capucine, Paula Prentiss, Woody Allen, Ursula Andress, Eddra Gale, Katrin Schaake, Eléonore Hirt, Jean Parédès, Jacques Balutin, Jess Hahn, Howard Vernon, Michel Subor, Sabine Sun, Daniel Emilfork, Tanya Lopert, Barbara Sommers et non crédité, Richard Burton, Françoise Hardy, Louise Lasser… Scénario : Woody Allen. Directeur de la photographie : Jean Badal. Décors : Jacques Saulnier. Costumes : Gladys de Segonzac. FX : R.A. MacDonald. Générique : Richard Williams. Montage : Fergus McDonell. Musique : Burt Bacharach. Producteur associé : Richard Sylbert. Producteur : Charles K. Feldman. Production : Famous Artists Productions – Famartists Productions S.A. – United Artists. Etats-Unis – France. 1965. 108 minutes. Technicolor. Format image : 1.66 :1. Son : Version originale avec ou sans-titres français et Version français. DTS-HD Audio 2.0. Tous Publics.