Quand je ne dors pas – Tommy Weber

Entre le gros plan d’Antoine du début et celui de la fin une nuit s’est écoulée. Antoine à 20 ans, des rêves, il en a plein la tête. La nuit est bien entamée, quand au guichet d’une gare parisienne, il demande un billet pour le premier train à destination de la mer. N’importe quel train pour n’importe quelle côte. Mais il est déjà trop tard pour partir et le premier train est au petit matin. Antoine n’a pas sur lui de quoi payer. Débute pour lui un voyage au cœur de la nuit…

Aurelien Gélinet

Tommy Weber signe un film qui respire l’air froid et vivifiant de la liberté. Quand je ne dors pas nous enveloppe dans son linceul noir tissé de rencontres, de vapeur d’alcool, d’imprévu, de fête, de ruelles, d’appartements, de cage d’escalier…un Paris traditionnel et fantastique… Weber lâche Antoine (Aurélien Gabrielli) dans une course à la recherche d’un absolu. Sur son chemin, il croise les fantômes du cinéma français qui couvre un spectre qui s’étend du réalisme poétique (très belle et surprenante scène du cheval) à la nouvelle vague de François Truffaut, de Jean Eustache, d’Eric Rohmer. Pourtant le film n’adhère pas à une quelconque nostalgie.  Simplement, le réel et l’onirisme se croisent et se décroisent au rythme des rencontres. Ephémères moments, où Antoine se livre tout espérant se découvrir dans le regard des autres.

Aurelien Gabrielli et Hortense Gélinet

Admirables séquences jalonnent son parcours. Comme celles avec Hortense (Hortense Gélinet) et Léa (Elise Lhomeau) auprès desquelles Antoine se dévoile, un peu. Inconscient il se met en danger pour exister pleinement. Pas au point de mettre sa vie en péril mais suffisamment pour s’extraire d’un quotidien à la banalité sans grandeur. Il provoque à sa façon, maladroite et naïve, le monde qui l’entoure. Antoine est une âme romantique qui s’ignore, il se cherche et c’est dans les yeux des autres qu’il espère se découvrir.

Quand je ne dors pas agit sur nous comme un souffle de liberté et de désir de cinéma, son voluptueux noir et blanc nous enveloppe délicieusement. Thomas Weber retrouve cette lumière magique qui caresse les visages féminins. Nous reviennent en mémoire ces beaux moments de grâce de Liberté, la nuit de Philippe Garrel et le superbe travelling latérale des Amants du Pont-neuf de Leos Carax. Des références, sur lesquels se déploient toute la singularité et le charme du film. Quand je ne dors pas c’est aussi le plaisir d’une double découverte, celle de son réalisateur Tommy Weber et de son acteur Aurélien Gabrielli. Il apporte à son personnage une fragilité, une naïveté et une candeur que nous n’avions plus vue dans le cinéma française depuis des lustres.

Quand je ne dors pas, petite musique de nuit se termine sur une note douloureuse mais libératrice. Le voyage en vaut la peine.

Fernand Garcia

Quand je ne dors pas

Quand je ne dors pas, un film de Tommy Weber avec Aurélien Gabrielli, Elise Lhomeau, Hortense Gélinet, Stanley Weber, Mohamed Kerriche, Antoine Reinartz, Romuald Szklartchik, Jacques Weber, Maxime Le Gac-Olanié, Bastien Bouillon, Arnaud Charrin. Scénario : Tommy Weber & Mohamed Kerriche. Images : Tommy Weber. Son : Kevy Sola & Guirec Le Prev. Montage : Pierre Lafouge. Musique : Thibault Chevallier. producteurs : Tommy Weber & Stanley Weber. Production : Les Films de l’Espace. Distribution (France) : Aramis Films (sortie le 30 septembre 2015). France. 2015. 82 mn. Format image : 1,85 :1. Noir et blanc. Mono. DCP. Sélection IndieLisboa Compétition Internationale.