Une porte de cellule s’ouvre. Le condamné tend ses mains. Un gardien lui passe les menottes. Il s’engage dans le long couloir de la mort. Chaque porte s’ouvre sur un autre couloir, véritable labyrinthe jusqu’à une dernière porte finale, sarcophage de métal. Une chaîne, des lanières de cuir, il est sur la chaise électrique. Derrière des vitres blindées, les officiels de justice sont les spectateurs de ce sinistre spectacle. Le gardien Sharpe (Lane Smith) arrache le pendentif du condamné à mort. Un autre lui colle sur la tête un casque de métal, un tissu recouvrant ses yeux. Des résistances sont visées sur le casque. Forsythe, le condamné, est solidement attaché au fauteuil de bois. 11 h 15, un gardien envoi l’électricité. L’intensité est telle que Forsythe grille sur sa chaise… Sharpe dans un hurlement, se réveille haletant, depuis des années, il revit cette scène de cauchemar… Laisser à l’abandon par l’administration, la prison doit revivre sous la direction de Sharpe…
Prison ne ressemble pas à un film Empire Pictures, pour ceux qui ne connaisse pas cette maison de production, rappelons que durant les années 80, elle a produit un nombre conséquent de films de genre : fantastique, science-fiction, horreur, assez sexy et gore. Des petites productions pour la salle et le marché de la vidéo grand public, avec quelques petites perles comme les films de Stuart Gordon : Re-Animator (1985), From Beyond : Aux portes de l’au-delà (1986), Dolls (1986). Empire Pictures est dirigé par Charles Band, enfant de la balle, son père Albert Band était producteur et réalisateur. Charles Band ne dédaigne pas la réalisation et dirige quelques bandes très Bis dont Crash ! (1976), L’Alchimiste (1983), etc.
Prison ne ressemble pas à ses productions habituelles déjà par le budget plus important que d’habitude et son association avec un autre producteur indépendant, Irwin Yablans, tout juste sortie d’Halloween. Irwin Yablans profite de l’énorme succès du film de John Carpenter pour produire Tourist Trap (1979)de David Schmoeller et Hell Night (1981) de Tom DeSimone, deux réussites dans le genre, mais qui malgré leurs qualités ne connaîtront pas le succès. Il s’associe pour Prison avec Charles Band. Ils avaient produit ensemble une petite série B : Rayon Laser (LaserBlast, 1978) de Michael Rae.
Le concept développé par Irwin Yablans est intéressant avec son mélange de films de prison et de fantôme. Sa version est une sorte de démarquage d’Halloween en milieu carcérale. Le scénario ne fonctionne pas : un tueur parmi des tueurs, aboutit rapidement à un cul-de-sac. Irwin Yablans se tourne vers le critique et journaliste de cinéma, C. Courtney Joyner pour finaliser le scénario de Prison. Grand connaisseur du film fantastique et du western, il y consacre des articles, des anthologies, des biographies (John Wayne, Lon Chaney) et des romans. Bonne pioche pour Yablans et Band. C. Courtney Joyner transforme Prison en une rencontre entre le film de prison et Poltergeist. Pour réaliser le film, Yablans contact un jeune réalisateur finlandais fraichement arrivé à Hollywood : Renny Harlin.
Renny Harlin s’était fait remarquer avec une coproduction américano-finlandaise d’action antisoviétique : Frontière Interdite (Born American, 1986). Harlin est un jeune réalisateur qui a 25 ans, bien décidé à poursuivre son rêve à Hollywood. Mais la réalité est dure, sans le sou, Harlin, et sa petite amie dorment dans leur voiture. Renny Harlin n’hésite pas une seconde quand Yablans lui propose la réalisation de Prison. Il travaille d’arrache-pied, story-board entièrement le film, prévoie chaque mouvement de caméra et raccord. Ses cadres très étudiés, le placent au-dessus des autres réalisateurs œuvrant pour les studios Empire. Harlin est soutenu par un excellent chef op, le suédois Mac Ahlberg. Réalisateur de films érotiques soft en Suède, il devient directeur de la photographie à Hollywood. Il apporte une formidable touche photographique de premier ordre à des films de genre qui sans lui aurait un aspect quelconque. Il travaille énormément pour Empire Pictures et la New World de Roger Corman : Futur Cop (Trancers, 1984) Metalstorm 3D, la tempête d’acier (1983), Parasite 3D (1982) des réalisations de Charles Band, House (1985), Ghoulies (1984), les films de Stuart Gordon, etc. L’aspect graphique est renforcé par le tournage dans une véritable prison, lieu sinistre à la triste mémoire de centaines d’exécutions capitales par pendaison ou asphyxie dans la chambre à gaz (modifié pour le film en chaise électrique).
La mise en scène de Renny Harlin, particulièrement inspiré, s’inscrit dans la tradition du film à « l’ancienne » avec une stylisation graphique très intéressante et une violence gore très années 80. L’ambiance réaliste du début surprend agréablement. Le subjectif du condamné à mort, de la première séquence, avec son ambiance ultra-réaliste est saisissante. Harlin réussit à donner vie à un univers à la masculinité très forte. Il ne masque rien de la violence, de la domination des plus forts sur les plus faibles et de l’homosexualité. Univers noir auquel Harlin apporte quelques touches d’humour, avec le poster de Stallone/Rambo sur un mur de cellule, là où l’on aurait attendu une pin-up de Playboy ou Hustler.
L’histoire réaliste dérive vers une dimension maléfique avec l’esprit du condamné à mort (innocent) du début. Tous, des gardiens aux prisonniers, sont victimes de sa terrible vengeance. Des scènes d’horreur très efficaces, des morceaux de bravoure gore soutenue par d’excellents effets spéciaux. Harlin fait jouer ensemble acteurs professionnels et véritables condamnés en fin de (longue) peine. Indéniablement, cette promiscuité contribue à l’ambiance générale. Prison est le premier film en vedette pour Viggo Mortensen. Une véritable présence à l’écran, sans trip en faire, il est parfaitement crédible. Il joue sur une similitude avec le Clint Eastwood de L’Evadé d’Alcatraz (Escape from Alcatraz de Don Siegel, 1979). Lane Smith, vu dans Network de Sidney Lumet, est un directeur de prison, proche de la folie, il en rajoute et son jeu contraste avec celui, intériorisé, de Mortensen.
Prison arrive sur les écrans alors qu’Empire Pictures est mal en point. Ne bénéficiant pas d’une importante campagne de promotion, le film ne rencontre pas le succès en salle. Mais son exploitation vidéo en fait un succès des vidéoclubs. Renny Harlin est engagé pour s’atteler à une autre forme d’emprisonnement (mental celui-là) avec Le Cauchemar de Freddy (A Nightmare on Elm Street 4 : The Dream Master, 1988), quatrième volet de la série à succès de la New Line. La carrière de Renny Harlin est lancée et déjà, se profile à l’horizon hollywoodien une série de blockbusters, pour le meilleur et le moins bon, dont deux films avec Stallone (Cliffhanger, Driven).
Prison avec le temps s’impose comme l’une des meilleures productions d’Empire Pictures.
Fernand Garcia
Prison, pour la première fois en digibook (DVD+Blu-ray et Livre) et en édition DVD, dans la collection Cauchemar de Sidonis-Calysta, avec en complément : Une présentation par Olivier Père « un film fin de comète de la série B », très instructive sur une époque si proche et si lointaine (24 minutes). Un making-of : Un sale moment (Hard Time). « J’étais aux anges, mon premier film américain. C’était la preuve que j’avais eu raison de venir à Hollywood sans un sou en poche. » Renny Harlin. L’histoire du film par ses artisans, Irwin Yablans, Renny Harlin, Charles Band, C. Courtney Joyner, etc. (38 minutes env.) La Bande-annonce spectaculairement horrifique d’époque (2 minutes env.). Ce n’est pas tout puisque l’éditeur a l’excellente idée de joindre un livret : Prison – Perpète en enfer de Marc Toullec, bourré d’anecdotes, afin de tout connaître de cette frissonnante série B (24 pages).
Prison un film de Renny Harlin avec Lane Smith, Viggo Mortensen, Chelsea Field, Lincoln Kilpatrick, Andre de Shields, Ivan Kane, Hal Landon, Jr., Larry Flash Jenkins, Mickey Yablans, Tom Everett… Scénario : C. Courtney Joyner d’après une histoire de Irwin Yablans. Décors : Philip Duffin. Directeur de la photographie : Mac Ahlberg. Montage : Andy Horvitch. Musique : Richard Band et Christopher L. Stone. Producteur exécutif : Charles Band. Producteur : Irwin Yablans. Production : Empire Pictures – Eden, LTD. Etats-Unis. 1987. 102 minutes. Couleur. Format image : 1.85 :1. 16/9e Son : Version originale 5.1. avec ou sans sous-titres français et en version française 2.0. DTS-HD. Sélection Festival d’Avoriaz, 1988. Interdit aux moins de 12 ans.