Dimanche 15 décembre 2019
Au programme aujourd’hui : Du cinéma bis fun et croquant ; du cinéma japonais punk qui dénote et dérange ; Une Séance Culte pour une satire visionnaire qui tache autant qu’elle dénonce ; un thriller machiavélique ; un super-héros indonésien.
11h30 THE POOL de Ping Lumpraploeng avec Theeradej Wongpuapan, Ratnamon Ratchiratham… – Thaïlande – Hors Compétition.
A l’issue d’un shooting et surtout de son after, Day, jeune directeur artistique, s’endort sur un matelas pneumatique, au cœur d’une gigantesque piscine. Il se réveille pour constater que le niveau de l’eau a suffisamment baissé pour qu’il se retrouve coincé, sans personne pour le secourir. Inquiète, Koi, sa petite amie, arrive sur les lieux et tombe dans la piscine… Un crocodile très joueur les rejoint…
Solide artisan du cinéma populaire thaïlandais des quinze dernières années, dans lequel il n’a cessé d’insérer des éléments du cinéma bis, Ping Lumpraploeng nous plonge avec bonheur dans le film de genre total. Pur « high concept » exploré de fond en comble, souvenez-vous d’Alligator (1980) de Lewis Teague, Killer Crocodile (1989) de Fabrizio De Angelis, Lake Placid (1999) de Steve Miner, Crocodile (2000) de Tobe Hooper, ou encore les improbables Supergator (2007), Dinocroc vs Supergator (2010) et autres Mega Shark versus Crococaurus (2010), The Pool est une invitation aux frissons. Dans un décor minimaliste mais avec ce qu’il faut d’inventivité dans la torture de ses deux personnages principaux et d’improbabilité dans ses évènements, le huis-clos ne cesse de se réinventer pour notre plus grand plaisir. Improbable mais intense, The Pool a fait sensation au dernier BIFFF (Brussels International Fantastic Film Festival) et a obtenu le Prix de la Critique. Le film a également obtenu le prix du film « le plus fun à voir en public » au dernier Fantastic Fest d’Austin.
14h30 VISE (Manriki) de Yasuhiko Shimizu avec Takumi Saitoh, Nagano, Nokuaki Kaeno, Julian Koike… – Japon – En Compétition – Première Française :
Un beau chirurgien esthétique ténébreux surfe avec bonheur sur le diktat de la beauté et son accoutumance. N’obéissant qu’à sa propre morale, il vend à ses clientes le rêve d’un visage idéal sans leur préciser vers quel outil chirurgical va sa prédilection. Il faut souffrir pour être belle, certes, mais à quel point ?
Plus prolifique que jamais, le cinéma de genre japonais produit en grande partie du divertissement formaté pour un public conditionné pour se méfier de l’originalité. Dans les marges émergent fort heureusement des cinéastes lassés de cette sinistrose : hier le punk Sono Sion (Suicide Club, 2003 ; Love Exposure, 2008 ; Cold Fish, 2010 ; Guilty of Romance, 2011 ; The Land of Hope, 2012 ;…), aujourd’hui, avec son premier film et sa charge dévastatrice et anarchique contre la standardisation, Yasuhiko Shimizu. Le sujet du film contamine sa forme et donne naissance à l’un des films les plus étranges et obsédants que l’on ait vu depuis longtemps. Dans un halo de visions malades qui ne manqueront pas de vous poursuivre bien après la projection, il règne dans Vise une atmosphère oppressante et dérangeante qui rappelle le cinéma de Shinya Tsukamoto (Tetsuo, 1988 ; Tokyo Fist, 1995 ; Bullet Ballet, 1998 ;…).
Invités du Festival, l’acteur et producteur Takumi Saitoh, l’acteur, scénariste et producteur Nagano et l’actrice Misuzu Kanno seront présents lors de la projection du film.
17h00 BATTLE ROYALE (Batoru rowaiaru, 2000) de Kinji Fukasaku avec Tatsuya Fujiwara, Aki Maeda, Tarô Yamamoto, Takeshi Kitano… – Japon – Les Séances Cultes.
Dans un avenir proche, quarante élèves d’une même classe de collège se réveillent sur une île déserte, où ils sont « accueillis » par l’un de leurs anciens professeurs. Il leur annonce qu’ils ont été choisis par le gouvernement japonais pour l’épreuve dite du « Battle Royale », un jeu de massacre à l’issue duquel un(e) seul(e) d’entre eux survivra et pourra rentrer chez lui. Abandonnés chacun à son sort avec de la nourriture et une arme, les adolescents disposent d’un délai de trois jours pour s’entretuer. Commence alors un combat impitoyable contre les autres et contre eux-mêmes. Que la « partie » commence !
Avec cette adaptation éponyme du best-seller de Koshun Takami paru en 1999, le japonais Kinji Fukasaku clôture son incroyable carrière sur son film le plus dément et radical. Dans une rage échevelée que ses multiples ersatz n’arriveront jamais à atteindre, Fukasaku pousse dans ses derniers retranchements graphiques l’idée géniale du roman qui dans le même temps dénonce l’individualisme et la superficialité. Même la suite décevante du film, tournée pour moitié par le réalisateur puis par son fils, ne parviendra à entamer l’aura sulfureuse de ce petit bijou. Sélectionnés parmi plus de huit milles candidats lors d’un casting qui a duré plus de six mois, les quarante-deux jeunes comédiens du film sont époustouflants. A leurs côtés on retrouve l’extraordinaire comédien et cinéaste Takeshi Kitano (Violent Cop, 1989 ; A Scene at the Sea, 1991 ; Sonatine, 1993 ; Kids Return, 1996 ; Hana-Bi, 1997 ; L’été de Kikujiro, 1999 ; Aniki, mon frère, 2000 ; Outrage, 2010 ;…).
Divertissante ou choquante selon chacun, il faut bien avoir à l’esprit que la violence de Battle Royale n’est jamais gratuite. Elle sert non seulement bien évidemment l’histoire du film mais également son propos, son discours et son message. Indispensable ici, la violence est indissociable du film. Discours philosophique manifeste, le film, dont plusieurs lectures sont possibles, pose de nombreuses questions existentielles. Comment survivre face à l’individualisme que crée la société ? Comment s’accomplir sans se sentir obligé d’être le meilleur et d’écraser l’autre ? Comment résister et se battre ? Certains adolescents décident de s’allier, d’autres préfèrent rester seul. Si certains d’entre eux choisissent de se suicider, l’instinct de survie et la violence prennent vite le dessus sur l’humanité de la majorité. Brillant film sociétal, l’un des messages du film peut être le suivant : Pour nous en sortir, nous devons renouer le dialogue et nous faire confiance les uns les autres.
Satire féroce de l’obscène et aliénante téléréalité ou encore critique acerbe de l’élitisme du système scolaire japonais qui, par la compétition, prône la réussite à tout prix, le film apprend à ceux qui ne l’ont toujours pas compris que c’est par l’éducation et la culture que nous nous en sortirons. Quand on pense que le film à vingt ans et que depuis les choses n’ont fait qu’empirer aussi du point de vue culturel qu’éducatif, on est en droit de s’inquiéter. Battle Royale est un constat désespéré et désespérant des troubles sociaux et des mentalités. Propre, carré et efficace, en prise directe avec nos sociétés contemporaines, Battle Royale est une fable d’anticipation (à l’époque !) réaliste qui nous parle de nous et qui est plus que jamais d’actualité !… Battle Royale annonçait le pire,… nous y sommes ! Son constat des dérives de notre monde est des plus effrayants !… Soyez prévenus : sur grand écran, Battle Royale déménage. Prévoyez quelques comédies sentimentales pour vous en remettre !
19h30 I SEE YOU d’Adam Randall avec Jon Tenney, Helen Hunt, Judah Lewis, Owen Teague… – Etats-Unis – En Compétition.
Sale période pour l’officier Greg Harper. Sa femme l’a trompé, son ado de fils tire la tronche, et la disparition d’un jeune garçon rappelle une affaire similaire censément bouclée il y a 15 ans. Et comme si ça ne suffisait pas, de drôles d’événements surviennent dans sa luxueuse maisonnée.
Avec iBoy (2017) et son détournement du film de super héros, Adam Randall avait intrigué les spectateurs masochistes qui ne peuvent s’empêcher de regarder les inédits Netflix. Il va sans aucun doute gagner encore plus de fans avec ce thriller machiavélique. Parfaitement construit et maitrisé, le film est à peine terminé qu’on a envie de le revoir dans la foulée. Comme pouvaient l’être par exemple Usual Suspects (1995) de Bryan Singer ou Sixième Sens (1999) de M. Night Shyamalan, I See You est le genre de pépite qui se savoure pleinement l’esprit vierge de toute information. Brillamment pensé, le casting du film est tout simplement remarquable. Et quel plaisir de retrouver Helen Hunt (Kiss of Death (1995) ; Twister (1996) ; Pour le Pire et Pour le Meilleur (1997) ; Seul au Monde (2000) ;…) dans un rôle inattendu…
21h30 GUNDALA de Joko Anwar avec Abimana Aryasatya, Tara Basro, Bront Palarae, Ario Bayu… – Indonésie – Hors Compétition – Première Européenne.
Depuis tout petit, Sancaka attire la foudre lors des orages, et se voit dès lors doté d’une force surhumaine. Il n’utilise son don qu’avec la plus grande parcimonie, et tente de survivre dans les rues en faisant profil bas. L’émergence de super vilains lui fera néanmoins endosser le costume de Gundala…
Voici le premier volet du BumiLangit Cinematic Universe, du nom de la plus grande société de comics indonésienne, riche de plus d’un millier de super-héros, dont ce Gundala créé en 1969 par Harya « Hasmi » Suraminata. Aux commandes, l’un des chouchous maison du PIFFF en la personne de Joko Anwar qui est l’un des réalisateurs les plus prolifiques d’Indonésie. Il est ici à la fois scénariste et réalisateur. Côté casting, on retrouve dans le rôle principal de Sancaka/Gundala, Abimana Aryasatya, star du box-office indonésien, mais aussi Tara Basro, Ario Bayu ou encore Bront Palarae. Tant dans son ancrage social que dans son rythme frénétique, jusque dans ses scènes de combat démentes contre des bad guys tous plus patibulaires les uns que les autres, Gundala se pose en alternative parfaite aux « Marvelleries » made in US.
Gundala a été présenté en première internationale au dernier Festival International du Film de Toronto. Invité du Festival, le réalisateur et scénariste Joko Anwar sera présent lors de la projection du film.
Steve Le Nedelec