Au Vietnam, l’Amérique s’enfonce dans une guerre perdue d’avance. Daniel Ellsberg (Matthew Rhys), un analyste militaire, ne supporte plus les mensonges de son administration. De retour sur le sol américain, Ellsberg sort du Pentagone un rapport ultra confidentiel de plus de 7000 pages rédigés à la demande de Robert McNamara (Bruce Greenwood). Ce document raconte les coulisses politiques de la guerre depuis la présidence Kennedy. Ellsberg contacte le New York Times pour sa publication. La première série d’articles est un véritable coup de semonce qui met le Président Nixon en fureur. De son côté, Benjamin Bradlee (Tom Hanks), rédacteur en chef du Washington Post, lance ses journalistes sur la piste de ce fameux document alors que le journal dont le conseil d’administration est dirigé par Katharine Graham (Meryl Streep) s’apprête à entrer en bourse…
Pentagon Papers est un travail impeccable de Steven Spielberg. Après une première séquence catastrophique, un prologue au Vietnam est si mal réalisé qu’on se demande si ce n’est pas l’œuvre d’un réalisateur de seconde équipe pas très inspiré. Mais Spielberg se rattrape dès qu’il retrouve le sol américain. C’est enlevé, le rythme soutenu et rien ne manque dans la reconstitution des années 70.
Meryl Streep en haute bourgeoise très année 50 s’en donne à cœur joie. Katharine Graham est l’héritière du Washington Post à la suite du suicide de son mari; elle est entourée d’un conseil d’administration entièrement masculin. Ce qui nous vaut de savoureuses séquences, comme cette soirée où après le repas, dès que les hommes abordent l’actualité politique, les femmes quittent la pièce pour aller papoter au salon. Le Washington Post est alors un gros journal local. Son rédacteur en chef Benjamin Bradlee a d’autres ambitions. Il rêve d’être à la cour des grands du journalisme. Tom Hanks qui se donne des allures à la William Holden réussit une belle composition. Jason Robards avait incarné ce même personnage dans Les Hommes du président (All the President’s Men d’Alan J. Pakula, 1976). Le couple Streep – Hanks fonctionne avec ce qu’il faut de complicité pour rendre chaque situation crédible.
C’est un véritable thriller à la manière des Hommes du président que livre Spielberg en menant de front plusieurs actions qui toutes influent les unes sur les autres. C’est avec une grande aisance qu’il passe de la salle de rédaction au salon feutré des gens de pouvoir. On se dit que le scénario est une petite merveille, et puis ce bel édifice s’effondre. Le film tente un acrobatique rapprochement avec l’époque actuelle, la lutte de la presse contre le pouvoir financier passe encore mais l’aspect féministe est plus que forcé. Le rapprochement entre Katharine Graham, grande bourgeoise, et les jeunes militantes contestataires de l’époque est plus que casse-gueule, improbable. Ce n’est plus la patronne d’un journal, mais Hillary Clinton que nous avons à l’écran. Si le personnage ne s’effondre pas, c’est uniquement grâce au talent et à la sympathie que nous avons envers Meryl Streep. Le d’après une histoire vraie trouve rapidement ses limites tant la volonté de dire quelque chose sur notre époque l’emportent sur la reconstitution. Comme si les auteurs ne croyaient pas en la possibilité du spectateur de faire lui-même le rapprochement. En définitive, le scénario n’est pas si bon, la structure n’est qu’un démarquage de Bas les masques de Richard Brooks, magnifique film sur la fin d’un journal. Évidemment pour Spielberg c’est la chronique d’un succès. Aussi brillante soit la mise en scène, la dernière partie semble bien artificielle tout comme la dernière séquence, à la Capra, entre Tom Hanks et Meryl Streep dans l’imprimerie. Pentagon Papers est un gros film pour un petit plaidoyer pour la liberté de la presse. Le plan final sur le Watergate ouvre la porte aux Hommes du président d’Alan J. Pakula, autrement meilleur et réalisé quatre ans après les faits.
Fernand Garcia
Pentagon Papers (The Post) un film de Steven Spielberg avec Meryl Streep, Tom Hanks, Sarah Paulson, Bob Odenkirk, Tracy Letts, Bradley Whitford, Bruce Greenwood… Scénario : Liz Hannah et Josh Singer. Directeur de la photographie : Janusz Kaminski. Direction artistique : Rick Carter. Costumes : Ann Roth. Montage : Sarah Broshar, Michael Kahn. Musique : John Williams. Producteurs : Steven Spielberg, Amy Pascal, Kristie Macosko Krieger. Production : Amblin Entertainment – DreamWorks – Participant Media – Pascal Pictures – Star Thrower Entertainment – River Road Entertainment. Distribution (France) : Universal Pictures International France (sortie le 24 janvier 2018) Etats-Unis. 2017. 116 minutes. Panavision. Super 35. Pellicule Kodak. Couleur. Ratio image : 1,85 :1. Dolby Digital. Dolby Surround 7.1. Tous Publics.