1873. Jed Cooper (Clint Eastwood) traverse tranquillement une rivière avec le bétail qu’il vient d’acquérir. De l’autre côté de la rive, il est encerclé par le vieux capitaine Wilson (Ed Begley) et neuf de ses acolytes. Cooper est accusé d’avoir volé le bétail. Cooper fait part de sa bonne foi. Il leur montre le certificat de vente de Johanson. La signature est fausse. Cooper est aussitôt reconnu coupable. La sentence du capitaine est sans appel, la mort par pendaison…
Pendez-les haut et court est le premier film américain mettant en vedette Clint Eastwood. Il vient après la triomphale trilogie du western, Pour une poignée de Dollars (Per un pugno di dollari, 1964), … Et pour quelques dollars de plus (Per qualche dollaro in più, 1965) et Le Bon, La Brute et le Truand (Il buono, il brutto, il cattiva, 1966), de Sergio Leone. Il s’agit aussi du premier film produit par la société de Clint Eastwood, Malpaso Company. Clint Eastwood est à ce moment de sa carrière, une immense star à l’international, mais un « simple » acteur de télévision sur le marché américain. Pendez-les haut et court représente un enjeu important pour Clint Eastwood.
En toute logique, Clint Eastwood demande à Sergio Leone de réaliser ce premier western aux Etats-Unis. Mais Leone décline l’offre déjà accaparé par Il était une fois dans l’Ouest. La United Artists propose à Clint Eastwood deux réalisateurs de l’ancienne génération familier du genre : John Sturges et Robert Aldrich, mais ils ne donnent pas suite. A quelque chose malheur est bon, Eastwood décide de confier, la réalisation à Ted Post. L’acteur le connaît depuis la série Rawhide, pour laquelle Post a réalisé plusieurs épisodes.
Clint Eastwood a des idées bien précises sur le style de Pendez-les haut et court. Il imagine le film comme un pont entre le western classique américain et la modernité venue d’Europe. Ted Post n’est pas a priori le choix le plus évident pour procéder à cette greffe. A 50 ans, Post a derrière lui une longue liste de réalisations de séries et de téléfilms, avec une prédilection pour le western et quelques incursions dans le polar avec une dominante fantastique, mais il est aussi réputé dans le mélo avec plus de 170 épisodes de Peyton Place au compteur !
Ted Post c’est du solide dans la rapidité d’exécution. Avant Pendez-les haut et court, Ted Post avait réalisé deux westerns pour le cinéma, The Peacemaker (1956) et l’intéressant Fais ta prière… Tom Dooley (The Legend of Tom Dooley, 1959). Ted Post réussit avec Pendez-les haut et court l’alliage du western américain avec l’italien. Il multiplie les gros plans accentuant le réalisme, la violence et le cynisme. Il utilise la musique de manière plus « présente » et « agressive ». Sa mise en scène se fait parfois plus classique dans la tradition avec quelques scories issues de longues années de pratique TV, mais l’assemblage donne un coup de jeune au western américain. Il faudra attendre Sam Peckinpah pour faire voler en éclats toutes les conventions avec La Horde Sauvage (The Wild Bunch, 1969).
Clint Eastwood, certainement par superstition, porte le revolver et le holster des Leone. En trois films, Eastwood s’est forgé plus qu’un personnage, un style unique à nul autre pareil. Il est de la trempe d’un John Wayne d’un Cary Cooper ou d’un Henry Fonda. Né à San-Francisco en 1930, dans une famille pauvre, durement frappée par la Dépression. Tout en suivant sa scolarité, il travaille dès l’âge de treize ans accumulant les petits boulots. A 16 ans, il se passionne pour le Jazz. Passion qui ne me le quittera jamais. Il embauchera, par la suite, pour la confection des BO de ses films, des musiciens autrefois inscrits sur la liste noire et sur la touche.
Enrôlé dans l’armée en 1950, il devient instructeur de natation. Trois ans après, marié, il est pompiste dans une station-service à Santa Monica. A cette époque, le studio Universal recherche de nouveaux visages pour de petits rôles. Grand, mince, athlétique, charmeur, les yeux bleus, Clint Eastwood correspond parfaitement, et c’est un peu par hasard qu’il entre dans le cinéma. Universal lui signe un contrat. Eastwood se perfectionne en suivant des cours d’art dramatique où il croise Marlon Brando. Universal lui offre des petits rôles, généralement dans des séries B.
En 1958, il tourne sous la direction de William A. Wellman, vétéran de l’âge d’or, C’est la guerre (The Lafayette Escadrille). Ce film semi-autobiographique de Wellman est un échec, mais Eastwood gardera toujours un grand respect pour le cinéaste, et une grande considération pour l’un de ses chefs-d’œuvre, L’Etrange incident (The Ox-Bow Incident, 1943) l’un de ses films préférés. Le film décrit une folie collective qui mène au lynchage d’innocents accusés d’êtres des voleurs de bétail. Thème qui traverse beaucoup de films américains que l’on retrouve au cœur de Pendez-les haut et court et par la suite dans plusieurs films de Clint Eastwood.
En 1958, la CBS donne sa véritable chance à Clint Eastwood avec la série Rawhide, créée par un vétéran du western Charles Marquis Warren. Il incarne le cow-boy, Rowdy Yates. 217 épisodes au total, dont la diffusion s’échelonne de janvier 1959 à décembre 1965. Il est dirigé par de vieux routiers d’Hollywood, Tay Garnett, Stuart Heisler, Joseph Kane, Richard Whorf, Jesse Hibbs, R.G. Springsteen, Christian Nyby… Sergio, à la recherche d’un acteur américain, est séduit par Clint Eastwood après avoir visionné un épisode de Rawhide. Ils tournent Pour une poignée de dollars… le triomphe est au bout du canon.
Intelligemment, Eastwood ne poursuit pas en Italie au sein du boom du western. Il tourne un sketch des Sorcières (Le streghe, 1967)dirigé par Vittorio de Sica avec Silvana Mangano, avant de rentrer aux Etats-Unis. Avec l’argent mis de côté, il monte Malpaso Company, qui produira les majeures parties de ses films et toutes ses réalisations. Après les succès de Pendez-les haut et court, il signe tout un contrat de plusieurs films avec Universal, mais il n’a ni la liberté artistique ni les pleins pouvoirs. Ce qu’il négociera par la suite avec la Warner Bros. Clint Eastwood, fait partie des rares metteurs en scène, à avoir le final cut. Clint Eastwood est un cinéaste très particulier dans le paysage américain, souvent à contre-courant des modes et des tendances. Il est un franc-tireur pour reprendre l’expression de Michael Henry Wilson.
Pour Pendez-les haut et court, Clint Eastwood s’entoure de vieux routiers des seconds rôles, Ed Begley, Pat Hingle, L.Q. Jones, Charles McGraw, James Westerfield, Alan Hale Jr, Bob Steel et le grand Ben Johnson, et d’acteurs de la nouvelle génération, Dennis Hopper, pour une composition d’halluciné (déjà), de Bruce Dern et de James MacArthur. Côté féminin, Inger Stevens, formidable de détresse, et la piquante Arlene Golonka. Des visages rencontrés dans un nombre incalculable de classiques et de série B du cinéma américain. Pendez-les haut et court est gros succès au box-office américain et confirme la stature de l’acteur sur le marché international.
Ted Post retourne à la télévision, mais revient de manière épisodique au grand écran avec quelques films dignes d’intérêt. Le Secret de la planète des singes (Beneath the Planet of the Apes, 1970) second volet de la série initiée par Franklin J. Schaffner, le bizarroïde The Baby (1973), l’un des premiers films sur la guerre du Vietnam, le méconnu Le Merdier (Go Tell the Spartans, 1978) avec Burt Lancaster. Quelques autres films, franchement inintéressants, malgré des castings solides, comme Elliott Gould dans L’infirmière de la compagnie casse-cou (Whiffs, 1975) ou Robert Mitchum et Jaclyn Smith dans NightKill (1980). Entretemps, Clint Eastwood lui aura confié la réalisation du formidable Magnum Force (1973), deuxième opus de L’Inspecteur Harry, un énorme succès, écrit par John Milius et Michael Cimino.
Pendez-les haut et court est un western éclipsé par d’autres films avec ou de Clint Eastwood, pourtant, il est pièce essentielle de la légende de l’acteur. A redécouvrir.
Fernand Garcia
Pendez-les haut et court, une édition Silver combo HD (DVD-Blu-ray + livret) dans la collection Western de légende chez Sidonis – Calysta, en compléments : Clint Eastwood, le franc-tireur, documentaire de Michael Henry Wilson, tourné pendant le tournage de Mémoires de nos pères. L’acteur évoque son enfance et ses souvenirs de cinéma (80 minutes). Puis, deux excellentes (et complémentaires) présentations du film, la première par Jean-François Giré. Retour sur un film « qui à l’époque n’a pas été apprécié à sa juste valeur », ses impressions lors de la sortie et sur l’interprétation de Clint Eastwood (27 minutes). La deuxième par Olivier Père, « Pendez-les haut et court, occupe une place très importante, et même une place historique dans la carrière de Clint Eastwood », Père évoque aussi la carrière inégale de Ted Post, l’influence de Sergio Leone sur le western américain après 1968, le thème du lynchage et la distribution du film (27 minutes). Un livret Clint Eastwood, une carrière exemplaire par Patrick Brion, consacré aux westerns avec l’acteur (68 pages). Une superbe édition.
Pendez-les haut et court (Hang ‘Em High) un film de Ted Post avec Clint Eastwood, Inger Stevens, Ed Begley, Pat Hingle, Ben Johnson, Charles McGraw, Bruce Dern, Ruth White, Dennis Hopper, L.Q. Jones, James Westerfield, James MacArthur, Bob Steele, Joseph Sirola, Alan Hale Jr, Arlene Golonka… Scénario : Leonard Freeman et Mel Goldberg. Directeur de la photographie : Richard H. Kline et Leonard J. South. Décors : John Goodman. Montage : Gene Fowler Jr. Musique : Dominic Frontiere. Producteur : Leonard Freeman. Production : The Malpaso Company – Leonard Freeman Production – United Artists. Etats-Unis. 1968. 114 minutes. Eastmancolor. DeLuxe. Format image : 1,85:1. Son : DTS. Version originale avec sous-titres français en 5.1 ou 2.0 et Version française 2.0. Tous Publics.