Harry Baldwin (Ray Milland) s’est levé de très bonnes heures. La caravane est prête depuis la veille. Pressé d’essayer sa nouvelle canne à pêche, Baldwin en oubli presque Ann (Jean Hagen) sa femme et sa glacière. 4h10, est une heure bien trop matinale pour Rick (Frankie Avalon), son fils. Il s’engouffre dans la voiture afin de terminer sa nuit. Karen (Mary Mitchel), sa fille, est plus sérieuse, elle prend à son tour place dans la voiture. La famille est au complet et fin prête pour un merveilleux week-end, le voyage peut commencer. 6h15 un éclair irradie l’intérieur de la voiture, puis un second, enfin au loin un immense champignon atomique. Los Angeles est rayée de la carte…
Panique année zéro est une formidable série B. Ce low budget de l’American International Pictures, destiné aux salles et drive-in proposant un double programme, est un petit bijou. Le film surf sur une peur bien réelle en ce début des années 60 du péril nucléaire. Les raisons de l’explosion n’intéressent pas Ray Milland ce qui le motive, c’est l’analyse comportementale d’une famille face à l’apocalypse. Comment un homme civilisé va protéger sa famille coûte que coûte. Progressivement, Milland montre comment un pays plonge dans l’anarchie, dans le chacun pour soi, dès le moment où l’état n’existe « peut-être » plus et la progression de la violence. Dès que les habitants apprennent la catastrophe, leur comportement change radicalement. Ainsi, dans le petit magasin d’alimentation générale, les prix s’enflamment dans la seconde. Les profiteurs apparaissent instantanément.
Le civilisé Harry Baldwin, dont on imagine sans peine la vie rangée et sans accrocs, se métamorphose en chef de tribu. L’instinct de survie prime. Sur les routes circulent des pillards, bien décidés à profiter au maximum d’un monde sans garde-fou. Baldwin n’hésite pas une seconde à sortir les armes pour défendre sa famille. Le périple des Baldwin à travers des terres devenues hostiles rejoint l’épopée des pionniers. L’utilisation de la violence se fait en réaction à une attaque, c’est la morale des premiers temps, ainsi Harry n’hésite pas à arrêter son fils quand celui-ci est à deux doigts de sombrer dans la violence gratuite.
Dans un monde qui sombre, sur la route tout est dangereux, chaque rencontre porte en elle une potentielle dangerosité. Panique année zéro anticipe sur Mad Max. L’action se déroule en milieu rural sur les routes paumées des Etats-Unis. Ray Milland surprend par l’utilisation de la violence. La fille Baldwin est violée, dans une séquence certes moins puissante que dans La Source (Jungfrukällan, 1960) d’Ingmar Bergman, mais surprenante par sa frontalité dans un film américain de 1962.
Eddy Matalon qui avait dirigé Ray Milland dans New York Blackout (1977), me confier lors d’un entretien, « qu’il était un véritable gentleman, ponctuel, accessible et disponible avec un véritable sens de la caméra, des objectifs et du champ embrassé. Parfois en aparté et discrètement, Ray Milland me conseillait sur un emplacement de caméra. Ses remarques étaient toujours justes et sans la moindre trace d’une quelconque suffisance. La classe tout simplement. » Ray Milland est un acteur au passé prestigieux quand James H. Nicholson et Samuel Z. Arkoff lui proposent la réalisation de Panique année zéro. Acteur formidable, sa performance en alcoolique dans Le poison (The Lost Weekend, 1945) de Billy Wilder, lui vaut à la fois le prix d’interprétation à Cannes, le Golden Globe et l’Oscar. Il est tout aussi remarquable dans Le Crime était presque parfait (Dial M for Murder, 1954) d’Alfred Hitchcock ou La fille sur la balançoire (The Girl in the Red Velvet Swing, 1955) de Richard Fleischer. A partir des années 60, Ray Milland est un second rôle de choix pour de nombreuses productions.
Nicholson et Arkoff jouent commercialement sur deux tableaux, la carte classique avec Ray Milland (il est toujours un nom pour les spectateurs) et la carte jeunesse avec Frankie Avalon. Chanteur populaire, Avalon est l’idole des adolescents, il enchaine à la fin des années 50 les tubes, dont plusieurs numéros un du Billboard. Les sirènes d’Hollywood attirent aussitôt le jeune chanteur dans ses filets. Ses vrais rôles importants, il les obtient dans Alamo (1960) de John Wayne et Le sous-marin de l’apocalypse (Voyage to the Bottom of the Sea, 1961) d’Irwin Allen, deux succès. Passionné par le cinéma, Frankie Avalon va mettre quelque peu entre parenthèses sa carrière de chanteur tout au long des années 60. Ce qui ne l’empêche pas de pousser la chansonnette dans de nombreux films. Frankie Avalon signe un contrat pour dix films avec AIP. L’énorme succès de Beach Party (1963), combinaison implacable de bikini, musique et surf, le « condamne » à une longue série de films de plage. Même si l’intérêt du public pour les films avec Frankie Avalon s’émousse au fil des années, il n’en demeure pas moins populaire. Il fait un retour gagnant au cinéma dans Grease en interprétant Beauty School Dropout (1978).
La femme de Baldwin est incarnée par Jean Hagen, une excellente actrice. Tout le monde se souvient d’elle sans particulièrement mettre un nom sur son visage, Jean était la star du muet qui ne passe pas la barrière du son dans Chantons sous la pluie (Singin’ in the Rain, 1952), le rôle lui vaudra une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle. Elle avait attiré l’attention dès sa seconde prestation à l’écran dans Quand la ville dort (Asphalte Jungle) de John Huston. Son état de santé l’éloigne des studios après La mort frappe 3 fois (Dead Ringer) de Paul Henreid en 1964. Elle ne reviendra qu’en guest star dans un épisode de Starsky et Hutch en 1976. Elle est décédée d’un cancer à 54 ans, le 29 août 1977.
La fille de Baldwin est incarnée par Mary Mitchel. Cette charmante blonde fera une petite carrière d’actrice. Elle est l’un des rôles importants de Dementia 13 (1963) le premier film de Francis Ford Coppola. Elle lui reste fidèle, puisque qu’après avoir abandonné sa carrière d’actrice, elle sa scripte sur son Dracula (1992).
Le tournage de Panique année zéro est rapide, une petite vingtaine de jours. Le gros de l’équipe technique est constitué de techniciens habitués de l’AIP et des tournages de Roger Corman. Ray Milland n’est pas novice en matière de réalisation, il a déjà à son actif une dizaine de films tant pour le cinéma que la télévision. Curieusement, après le succès du film, Ray Milland ne repassera derrière la caméra qu’en 1968 pour Hostile Witness adaptation d’une pièce à succès de Jack Roffey dans laquelle l’acteur avait adoré jouer. Le film sera un échec critique et commercial.
Panique année zéro est l’adaptation, quoique non créditée au générique, d’une nouvelle Loth écrite par Ward Moore en 1953, publié en France dans L’anthologie Histoire de fins du monde (Le Livre de poche). Dans l’histoire du cinéma post-apocalyptique, Panique année zéro est une pierre essentielle, un classique.
Fernand Garcia
Panique année zéro, est proposé pour la première fois en combo (DVD + Blu-ray), en master HD, une édition Rimini dans sa collection SF avec en bonus : une présentation par Alexandre Piletitch (25 minutes). Atomik Shock ! Panique année zéro vu par Joe Dante : « J’ai grandi, comme tous les gens de mon âge, sous la menace constante d’une guerre nucléaire imminente » (9 minutes). Une excellente édition.
Panique année zéro (Panic in Year Zero !) un film de et avec Ray Milland et Jean Hagen, Frankie Avalon, Mary Mitchel, Joan Freeman, Richard Bakalyan, Willis Buchet… Scénario : Jay Simms et John Morton d’après une histoire de Jay Simms d’après le roman de Ward Moore. Directeur de la photographie : Gil Warrenton. Décors : Daniel Haller. Montage : William Austin. Musique : Les Baxter. Producteurs exécutifs : James H. Nicholson et Samuel Z. Arkoff. Producteurs : Arnold Houghland et Lou Rusoff. Production : AIP American International Pictures – Alta Vista Productions. Etats-Unis. 1962. 92 minutes. Noir et blanc. Format image : 2,35 :1. Son : Version originale sous-titrées en français. Dual mono. Tous Publics.