Nicolas Winding Refn croit au cinéma, à sa puissance, à sa force visuelle. De part sa forme, Only God Forgives est sans conteste le film le plus radical de la sélection officielle cannoise.
Bangkok de nos jours. Billy, un jeune américain, débarque dans un boxon, et demande une jeune fille vierge pour une relation sexuelle. Le taulier refuse. Une altercation s’en suit. Billy fini dans une chambre avec une jeune fille. Il la massacre… Un policier remonte jusqu’à lui…
Réflexion sur la domination et le pouvoir, par l’argent, par la justice, par les liens familiaux, Only God Forgives est un drame Shakespearien. Refn développe une relation mère – fils, le préféré (Billy) et le mal aimé (Justin, incarné par Ryan Gosling). La mère, – Kristin Scott Thomas, méconnaissable et excellente, – dirige depuis la mort de son mari, l’organisation criminelle spécialisée dans le trafic de drogue. Elle n’aime pas son fils cadet, Julian, qu’elle considère comme un raté, une chiffe molle. Poursuivi par la justice américaine, Justin, vit confiné dans un club de boxe thaïlandaise, qui sert de couverture à l’organisation. Justin est un déraciné, sans attaches, il tente de se construire dans un environnement qui l’entraîne inéluctablement vers le fond.
Parallèlement à ce développement, un policier Thaï, enquête et procède à une sorte de vengeance froide, comme la lame qu’il utilise. Intelligent et manipulateur, Chang est une sorte d’ange exterminateur, il avance dans la ville comme s’il allait instaurer un ordre moral nouveau. On pense à Mifune dans les films de samouraï de Kurosawa. Magnifique utilisation de l’écran large, chaque cadre bénéficie d’une composition d’une grande précision et la disposition des sources de lumière, néons, enseignes, etc. donnent à chaque plan une dominante de couleurs, extériorisation des émotions et des sentiments des protagonistes. Only God Forgives, est la seconde collaboration, après Bronson, de Nicolas Winding Refn avec Larry Smith, directeur de la photographie, virtuose de la lumière; rappelons-nous de son extraordinaire travail avec Stanley Kubrick sur Eyes Wide Shut (1999). Nicolas Winding Refn met la barre à chaque film un peu plus haut, il est l’un des rares cinéastes passionnants de ce début de siècle.
Fernand Garcia
Only God Forgives, un film de Nicolas Winding Refn avec Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas, Vithaya Pansringarm, Tom Burke, Yayaying, Rhatha Phongam. Scénario : Nicolas Winding Refn. Photo : Larry Smith. Montage : Matthew Newman. Musique : Cliff Martinez. Producteurs : Nicolas Winding Refn. Production : Bold Films – Space Rocket Nation – Motel Movies Productions – Film i Väst – Wild Bunch – Gaumont. Distribution : Wild Side / Le Pacte. Danemark – France. 2013. Format image : 2,35 : 1. Couleur. Dolby Digital. Durée : 90 mn. Le film est dédié à Alejandro Jodorowsky. Sélection officielle – Cannes 2013. Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement. Toute la mémoire du monde, 2019