Une avalanche, une éruption volcanique, un cyclone, le dérèglement climatique entraînent dans leur sillage leur lot de destruction. Un barrage cède sous les forces de la nature tandis que la Maison-Blanche est sous un terrible orage. La température de l’Arctique est au-dessus de la normale de 2,7°C. Ces conditions météo défient les lois de la nature : un réchauffement climatique extrême ? Non, l’œuvre d’une organisation secrète : Galaxy. Cramden (Lee J. Cobb), président de la Z.O.W.I.E. (Zonal Organization World Intelligence Espionnage), l’ONU de l’espionnage, sous autorité américaine, mandate Derek Flint (James Coburn) pour mettre fin aux agissements de Galaxy.
Daniel Mann fait partie de ces réalisateurs aujourd’hui tombés dans l’oubli. Pourtant, le moins que l’on puisse dire est qu’il a connu son heure de gloire. Son premier film Reviens petite Sheba (Come Back, Little Sheba, 1952) décroche le Prix international du film dramatique et un prix d’interprétation pour Shirley Booth (et Oscar) du Festival de Cannes. Il acquiert une réputation d’excellent directeur d’acteurs à la suite des trois Oscars remportés successivement par Shirley Booth, Anna Magnani pour La Rose Tatouée (The Rose Tattoo, 1955) et Elizabeth Taylor pour laVénus au vison (Butterfield 8, 1960). De quoi lui permettre d’avoir n’importe quelle actrice devant son objectif. Les méchantes langues ne se priveront pas de dire que pour les deux dernières, il s’agit de leurs plus mauvais films. Il se spécialise dans les mélodrames psychologiques à l’exception notable de Notre homme Flint. Son dernier fait marquant reste le film d’horreur, Willard (1971), avec son jeune introverti et sa horde de rats. Ce dernier succès fut suivi d’une suite, Ben (1972) dirigée par Phil Karlson. Daniel Mann s’est ensuite orienté vers la télévision.
Notre homme Flint décroche d’excellentes critiques auprès d’une partie des commentateurs du cinéma en rupture de James Bond, ne supportant plus le succès de l’agent secret de Sa Majesté. Un excès d’éloges pour un film très en deçà d’Opération Tonnerre (Thunderball, 1965), le Bond de l’époque, mais amusant à voir.
Notre homme Flint est une parodie de 007 mais pas au sens de Mel Brooks, des ZAZ (Jim Abrahams, David et Jerry Zucker) ou d’Austin Powers. Il s’agit d’un humour plus fin, parsemé de clins d’œil. De l’agent 0008 à l’organisation secrète Galaxy plus dangereuse que le Spectre en passant par le générique et ses filles se dandinant nues (des silhouettes colorées, censure oblige, toutefois moins érotiquement explicites que les génériques de Maurice Binder). Flint est une réponse américaine à l’espion anglais, Derek Flint est plus tombeur que James Bond. Il a autour de lui un véritable harem. Quatre superbes créatures, « qui ne sont pas des objets de plaisir » (précise notre agent) mais entièrement dévouées, prêtes à tout et surtout très disponibles. Un fantasme ultime pour les spectateurs des deux sexes, à deux doigts d’imaginer les folles soirées à cinq ou plutôt à six ! La méchante de service Gila (Gila Golan, ex miss Israël) ne résistera pas au sex-appeal de notre héros. Son engagement dans les forces du mal se retournant comme un gant (de soie), la belle intègre la famille.
Sur l’île volcanique de l’organisation Galaxy, c’est la fausseté d’un bonheur organisé et imposé, sorte de communauté pré hippie. Les femmes déambulent en maillot de bain, les hommes en bermuda, journées de farniente et de jeux, l’horreur absolue pour un économiste libéral. Un monde utopique où un aigle est dressé pour repérer et attaquer les Américains ! Un truc diabolique pour Flint. Imposer le bonheur n’est pas une mince affaire. Ainsi les femmes « bénéficient » d’un traitement sous hypnose leur insufflant quelques principes de base : « Mon existence est dédiée au plaisir de mes camarades. Je ferai tout ce qu’on me demandera. C’est un bonheur de mettre mon corps au service de Galaxy ». Quant aux hommes, ils ont droit à une petite pilule rouge (est-ce vraiment nécessaire ?) avant d’entrer dans la salle de récompense où les attendent les femmes programmées pour de somptueuses bacchanales. L’horrible organisation Galaxy prône le désarmement et la partouze généralisée ! Un sacré programme antilibéral !
James Coburn, c’est la cool attitude absolue et l’élégance incarnée. Grand, filiforme, son allure féline lui donne instantanément un charme renversant, d’où la profusion de plans moyens mettant tout autant en valeur l’acteur que le décor. James Coburn est, en 1965, une vedette à part entière, un acteur sur lequel on peut monter un film. Durant les années 60, son nom n’a fait que grandir au fronton des cinémas depuis le triomphe des Sept mercenaires et de La grande évasion. Il confère de l’humour à tous les personnages qu’il incarne. James Coburn est dans une bonne passe. Il tourne successivement Major Dundee, son premier film avec Sam Peckinpah, Un cyclone à la Jamaïque (A High Wind in Jamaica) d’Alexander Mackendrick et Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? (What Did You Do in the War, Daddy?) de Blake Edwards. Preuve s’il est nécessaire de l’éclectisme de James Coburn.
Notre homme Flint, l’illusion d’une époque « insouciante » où la société de consommation craignait de sombrer sous des tonnes de fleurs et les râles de plaisir de l’amour libre. Sympathiquement pop.
Fernand Garcia
Notre homme Flint une édition BQHL, report d’excellente qualité HD, mais sans complément.
Notre homme Flint (Our Man Flint) un film de Daniel Mann avec James Coburn, Lee J. Cobb, Gila Golan, Edward Mulhare, Benson Fong, Shelby Grant, Sigrid Valdis, Gianna Serra, Helen Funai, Michael St. Clair, Rhys Williams, Peter Brocco… Scénario : Hal Fimberg et Ben Starr d’après une histoire de Hal Fimberg. Directeur de la photographie : Daniel L. Frapp. Décors : Jack Martin Smith et Ed Graves. Costumes : Ray Aghayan. Effets spéciaux : L.B. Abbott, Howard Lydecker et Emil Kosa, Jr. Montage : William Reynolds. Musique : Jerry Goldsmith. Producteur : Saul David. Producteur : 20th Century Fox. Etats-Unis. 1965. 107 minutes. Couleur. DeLuxe. CinemaScope. Format image : 2.35 :1. Son : Version originale avec sous-titre français ou en Version Française. Dolby 2.0. Tous publics.