Nom de code : Oies sauvages fait partie de ses films d’exploitation qui procurent un plaisir immédiat, de l’action pour l’action, de l’exotisme et, cerise sur le gâteau, des vrais gueules de cinéma comme il n’en existe plus : Klaus Kinski, Ernest Borgnine et Lee Van Cleef.
L’histoire est simple. Un riche homme d’affaires de Hong-Kong engage un commando de mercenaires. Ils ont pour mission de détruire un entrepôt d’un important trafiquant de drogues en plein cœur du triangle d’or. La mission est périlleuse et elle réserve bien des surprises.
Nom de code : Oies sauvages est structuré comme un James Bond. Séquence d’ouverture spectaculaire, mission secrète, poursuites en voiture, trahison et élimination du méchant dans une séquence finale d’anthologie. Antonio Margheriti s’inscrit dans le sillage des Oies sauvages (The Wild Geese), qui marque en 1978 le retour gagnant du film de commando. L’énorme succès de ce film réalisé par Andrew V. McLaglen avec une distribution cinq étoiles – Richard Burton, Roger Moore, Richard Harris, Hardy Krüger, Stewart Granger – ne pouvait qu’entraîner une nouvelle vague de films de guerre. Erwin C. Dietrich coproduteur du film de McLaglen va prendre de vitesse son associé sur Les Oies sauvages Euan Lloyd. Tandis que Lloyd tente de mettre sur pieds une suite, Dietrich le grille avec Nom de code : Oies Sauvages. Et pour comble de malchance pour Lloyd, Richard Burton décède avant les premières prises de vues des Oies Sauvages 2.
Antonio Margheriti fait une nouvelle fois preuve d’un savoir-faire de tout premier ordre. Il réussit de formidables séquences d’action en combinant maquettes et prises de vues réelles. Le côté James Bond de la partie Hong Kong laisse vite la place à une re-visitation du film de guerre une fois le commando dans la jungle. Son aventure dans le triangle d’or évoque tout autant Le pont de la rivière Kwai, Apocalypse Now que Rambo 2.
Nom de code : Oies sauvages est un festival d’explosions et de scènes d’action, dès la première à la dernière séquence, qui est réellement hallucinante – Klaus Kinski dans les flammes de l’enfer. Citons d’autres grands moments comme la découverte de l’église en ruine dans la jungle ou l’attaque du train. La mise en scène de Margheriti est excellente, et il utilise au maximum les moyens mis à sa disposition.
Dans cet univers à la masculinité exacerbée, Margheriti introduit un personnage féminin. Une junkie doublement prisonnière de sa dépendance et des trafiquants, rôle secondaire que Mimsy Farmer réussit à faire exister et à le rendre particulièrement touchant. L’univers cinématographique de la drogue ne lui est pas inconnu puisque Mimsy Farmer avait connu le succès avec More (1969), plongée dans la drogue sous le soleil d’Ibiza. Mais l’action virile prime.
A la tête du commando, Lewis Collins a le charme et l’autorité nécessaire au rôle. Solide acteur anglais Collins avait été envisagé pour reprendre le personnage de James Bond après Roger Moore mais Albert Broccoli, le producteur, le trouve « trop agressif » et lui préfère Timothy Dalton. C’est le producteur des Oies Sauvages, Euan Lloyd, qui lui offre le premier rôle dans le film d’action Who Dares Wins (1982). Collins incarne un SAS, qui doit libérer une ambassade de terroristes. Le film est dirigé par Ian Sharp, et Lewis Collins partage l’affiche avec la star hollywoodienne Richard Widmark. Collins va poursuivre dans le film d’action, et le succès de Nom de code : Oies Sauvages l’entraîne vers deux autres missions : Kommando Leopard (1985) et Der Commander (1988), toujours sous la direction d’Antonio Margheriti.
Margheriti retrouve l’immense Kinski, qu’il avait déjà dirigé au début des années 70, dans le formidable Et le vent apporta la violence (E Dio disse a Caino, 1970) l’un des meilleurs westerns européens et dans le gothique Les fantômes de Hurlevent (Nelle stretta morsa del ragno, 1971). Kinski fait partie de ces rares acteurs où, dès qu’il entre dans le plan, tout devient possible. Il y a quelque chose d’imprévisible et de sauvage dans son jeu.
Ernest Borgnine est un acteur à la carrière impressionnante. Habitué aux rôles de brute violente, son interprétation d’un sergent sadique dans Tant qu’il y aura des hommes (From Here to Eternity, 1953) en fait une vedette. Le jeu de Borgnine est bien plus subtil qu’il n’y paraît. Il peut donner à ses personnages une émotion et une fragilité, qui fait tout le charme d’un film comme dans Marty (1955) de Delbert Mann, l’interprétation remarquable qui lui vaudra un Oscar et une Palme d’Or. Il est l’un des acteurs récurrents de Richard Fleischer (Les Inconnus dans la ville, Les Vikings, Barabbas, Le prince et le pauvre), de Robert Aldrich (Vera Cruz, Les Douze salopards, Le Démon des femmes, L’Empereur du Nord, La Cité des dangers) ou encore de Sam Peckinpah (La Horde Sauvage, Le Convoi).
Lee Van Cleef était en état de quasi-clochardisation quand Sergio Leone fait appel à lui pour Et pour quelques dollars de plus (Per qualche dollaro in più, 1965). C’est le début d’une magnifique carrière en Europe. Le Bon, La Brute et le Truand (Il buono, il brutto, il cattivo, 1966) fait de lui une véritable star. Antonio Margheriti dirige pour la première fois l’acteur au profil d’aigle dans La Brute, le colt et le karaté (El Karate, el colt y el impostor) en 1974. L’entente entre l’acteur et le réalisateur est si bonne que pas moins de six films les réuniront.
Avec une telle distribution, on en vient à regretter que les dialogues de Nom de Code : Oies Sauvages ne soient pas au niveau des acteurs, purement fonctionnels, ils manquent singulièrement d’humour et de cynisme. Heureusement que les scènes d’action emportent le morceau. Nom de code : Oies Sauvages, c’est le cinéma pour le cinéma.
Fernand Garcia
Nom de code : Oies sauvages est édité pour la première fois en DVD par Artus Films avec en compléments : Une poignée de mercenaires, le genre et le film d’Antonio Margheriti par Curt Ridel, un diaporama d’affiches et de photos du film et enfin les films-annonces de la collection Guerre de l’éditeur (Nom de code : Oies sauvages, Cinq pour l’enfer et Deux salopards en enfer)
Nom de code : Oies sauvages (Codename Wildgeese/Geheimcode Wildgänse) Un film d’Anthony M. Dawson (Antonio Margheriti) avec Lewis Collins, Lee Van Cleef, Klaus Kinski, Ernest Borgnine, Mimsy Farmer, Manfred Lehmann, Thomas Danneberg, Frank Glaubrecht… Scénario : Michael Lester. Directeur de la photographie : Peter Baumgartner. Décors : Ugo Pericoli. Musique : Jan Nemec. Producteur : Erwin C. Dietrich. Production : Ascot Film/ Gico Cinematografica S.r.l. Allemagne-Italie. 1984. 97 mn. Couleurs. Versions : français, allemand. Sous titres : français. Techniscope. Format 2.35 original respecté. 16/9ème compatible 4/3. Tous publics.