Juillet 1977, un violent orage éclate au-dessus de New York, plusieurs lignes d’acheminement de l’électricité sont rompues, la grande ville plonge dans le noir. Aussitôt des pillages et des émeutes éclatent. C’est le début d’une nuit de chaos dans les rues de New York. A partir de se faits-divers, Eddy Matalon développe un thriller de série B, nerveux et ultra-efficace.
Dan Evans est un flic comme tant d’autres. Il effectue sa tournée dans les rues de New York. Dans la cour de l’asile psychiatrique Donovan, un fourgon attend pour le transfert d’un dangereux psychopathe, Christie, auteur de plusieurs attentats. A l’intérieur du fourgon, trois criminels patientent. Durant le voyage éclate un orage. Le fourgon arrivé en ville, l’électricité est coupée, et New York plonge dans le noir. Les prisonniers en profitent pour s’évader et investissent un gratte-ciel. Dan Evans sur les lieux les prend en chasse… une nuit de terreur commence…
Après une rapide mise en place des protagonistes, le film utilise très habilement un gratte-ciel comme lieu unique de son intrigue. Le gratte-ciel comme microcosme de la société, procédé très en vogue dans les années soixante, soixante-dix aussi bien dans la littérature de science-fiction, Les Monades Urbaines (Robert Silverberg, 1971) ou IGH de (JG Ballard, 1975), que dans le cinéma d’épouvante Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968), de catastrophe La Tour infernale (John Guillermin, 1974), d’horreur Frissons (David Cronenberg, 1975), ou de dénonciation sociale La dernière femme (Marco Ferreri, 1976) en sont quelques exemples parmi d’autres. New York blackout réunit la majorité de ces thèmes dans le cadre d’un thriller.
Cette île de béton, verticalité ultra protégée, habitée presque exclusivement par des personnes âgées aisées, est plantée dans l’horizontalité d’un monde de ténèbres où règne le désordre. Personnage de chien fou, Christie (Robert Carradine), véhicule un nihilisme politique extrême. Présenté comme un activiste politique responsable d’actes terroristes, Christie est clairement en marge d’une société, qu’il rejette. Dès son introduction dans le film, il formule une vision politique à ses codétenues et associés d’un soir, qui n’en ont cure et se retrouvent aussitôt instrumentalisés à des fins subversifs. C’est en quelque sorte un rejeton d’Alex deLarge d’Orange Mécanique (Stanley Kubrick, 1971). Christie est le personnage moteur autour duquel toute la structure dramatique du film s’articule, il est la face obscure de Dan Evans (Jim Mitchum), flic intègre au service de l’ordre social. L’adage d’Alfred Hitchcock selon lequel « Meilleur est le méchant, meilleur est le film » se révèle parfaitement exact dans le cas présent. Confronté à cet être démoniaque, ses différentes victimes révèlent leurs plus bas instincts. A cet égard, la composition de Ray Milland, le vieil homme amateur d’art est remarquable de cynisme et de veulerie. A l’autre bout du spectre chromatique des sentiments, Jean-Pierre Aumont attire la sympathie des spectateurs, en vieux cabot, oublié et abandonné, au crépuscule d’une vie loin des sunlights.
New York Blackout fonctionne en deux mouvements. Un premier ascensionnel, suit la progression de Christie d’étage en étage. Cette première partie peut être vue comme une sorte d’ascension sociale au sein d’un monde de privilèges, mais Christie ne poursuit qu’un seul et obsessionnel but de la destruction de cette classe bourgeoise. Il n’exprime aucune compassion. Un deuxième descendant, la deuxième partie, la chute de Christie. Cette course-poursuite d’étage en étage, qui mène le brave policier Dan Evans et Christie, jusqu’aux entrailles de l’immeuble, de la société. Le combat final voit s’affronter deux visions du monde, celle de l’ordre établi contre le dérèglement anarchiste. Ainsi à l’écart de la loi et des regards, une sorte de justice sauvage est rendue par Dan Evans. Le film brouille alors les notions primaires de bien et de mal du cinéma classique hollywoodien. Rien n’est simple et rien n’est réglé, le policier n’étant qu’un pion au service d’un système et de gens en fin de compte tout aussi détestables que le barbare Christie.
La mise en scène d’Eddy Matalon est sèche et directe sans fioritures. Les meilleures séquences restent celles de confrontations brutales entre les différents protagonistes. New York Blackout est un condensé d’humanité pervertie, une œuvre noire sur un monde, où le chaos règne.
August Tino
New York Blackout (…Et la terreur commence !) un film de Eddy Matalon avec Jim Mitchum (Dan Evans), Robert Carradine (Christie), Belinda J. Montgomery (Annie Gallo), June Allyson (Mme Grant), Victor B. Tyler (Marcus Morgan), Jean-Pierre Aumont (Henri), Don Granberry (Chico), Terry Haig (Eddy). Scénario : Eddy Matalon, John C.W. Saxton & John Dunning. Photo : Jean-Jacques Tarbès. Direction Artistique : Jocelyn Joly. Montage : Debra Karen. Musique : Didier Vasseur. Producteurs exécutifs : André Link, Ivan Reitman & John Vidette. Producteurs : Nicole M. Boisvert, Eddy Matalon & John Dunning. Production : DAL – Maki Films – Agora Production – Somerville House Film. Canada-France. 1977-78. Format image : 1,85 :1. Couleur. 89 mn. Tous publics.