Sicile 1900. La jeune et pure Eugenia di Maqueda doit se marier au jeune et virile Raimondo Corrao. Le soir de noces dans la chambre, Eugenie est prête à satisfaire son époux de plaisirs alors qu’elle ignore leur nature. Le couple reçoit un télégramme qui leur annonce qu’ils sont frère et sœur. Devant l’impossibilité de consommer ce mariage, le frère décide de ne rien dire et, avec l’aide du curé de la famille, de faire croire à des vœux de chasteté. Un véritable calvaire débute alors pour la jeune femme en bute à des désirs inavouables.
Œuvre mineure dans la carrière de Luigi Comencini (l’Incompris, L’Argent de la vieille), Mon dieu comment suis-je tombée si bas ? n’en est pas moins un film tout à fait réjouissant. Ecrit par le cinéaste avec la collaboration d’Ivo Perilli, le film met en valeur Laura Antonelli au sommet de sa beauté que le film va mettre en évidence tout au long du périple de la jeune héroïne. Découverte avec deux énormes succès Ma femme est un violon de Pasquale Festa Campanile (1971) et Malicia de Salvatore Samperi (1973), Laura Antonelli est utilisée avec grande malice par Luigi Comencini. Jouant avec les attentes du public de scènes érotiques, le réalisateur positionne d’emblée son personnage féminin dans l’impossibilité de tout rapport sexuel dans le cadre du mariage.
Dénonciation à peine voilée des traditions siciliennes et de l’enfermement de la femme dans une société patriarcale. Très habilement, Comencini met alors la jeune mariée en présence d’un séducteur français, le Baron Henri de Sarcey (Jean Rochefort), supposé être le nec-plus-ultra du raffinement érotique. Tout un stratagème est mis en place par le séducteur français. La jeune mariée enfermée dans un compartiment d’un train de nuit doit se donner corps et âme, quand le beau parleur français refuse en apprenant que la belle sicilienne est vierge ! Nouvelle déception pour la belle et frustration pour le public de ne pouvoir admirer la plastique de Laura Antonelli. Le film, structuré comme un roman à épisodes de l’époque, emprunte alors à un sous Amant de Lady Chatterley la progression de son intrigue. De retour au pays, la jeune femme s’adonne à des œuvres caritatives auprès de familles nombreuses vivant, – comme presque tout le peuple -, dans la misère. Très vite, Eugenia tombe sous le charme du beau chauffeur. Ce rustre, fils de paysans sans grande éducation, va enfin permettre à la belle patronne de connaitre le plaisir « bestial » de l’acte. Ne perdant pas de vue son analyse critique de l’époque et l’attente des spectateurs, dans une séquence d’anthologie, Comencini va « dépuceler » son héroïne. Enfermé dans une remise surplombant la Méditerrané, le jeune homme se jette sur Eugenia, mais la belle est « enfermée » dans tout une série de vêtements et sous-vêtements, que le jeune n’arrive pas à enlever. Avant de reprendre l’effeuillage de la belle au couteau, Comencini manie avec une rare habileté satire sociale et grotesque dans une même séquence.
Devenue « femme », la belle sicilienne va poursuivre son chemin vers son émancipation et l’acceptation de son corps et de ses désirs, à ce titre, il n’est pas inutile de rappeler que le film prend la forme d’un récit autobiographique à la première personne. Procédé courant dans la littérature érotique mais quasi exclusivement sous la plume d’écrivain. Pendant ce temps, le mari plonge dans une vision « épique » du monde aboutissant à la première guerre mondiale et prémices du fascisme.
Mon Dieu comment suis-je tombée si bas ? est tourné par Luigi Comencini entre Un vrai crime d’amour et La Femme du dimanche. Cette œuvre, méconnue et sous-estimée lors de sa sortie, mérite amplement d’être redécouverte, signalons pour terminer les remarquables costumes et décors de Dante Ferretti.
Fernand Garcia
Mon Dieu comment suis-je tombée bas ? (Mio Dio, come sono caduta in basso!) Un film italien de Luigi Comencini avec Laura Antonelli, Alberto Lionello, Michele Placido, Jean Rochefort, Karin Schubert, Ugo Pagliai, Rosemary Dexter, Michele Abruzzo. Photo : Tonino Delli Colli. Montage : Nino Baragli. Décors & Costumes : Dante Ferretti. Musique : Fiorenzo Carpi. Producteurs : Pio Angeletti & Adriano De Micheli. Production : Dean Film. Technicolor. Durée : 110 mn. 1974. Distribution : Les Acacias. Edition DVD : SND.