Début du XVIe siècle, Michelangelo Buonarroti (Alberto Testone) travaille depuis 5 ans sur la voûte de la chapelle Sixtine. Les autorités de l’Inquisition se rendent au chantier et sonnent la fin des travaux. Ils reprochent à Michelangelo certaines fresques dont Péché originel / Adam et Eve chassés du Paradis où le visage d’Eve est à la hauteur du sexe d’Adam, position qu’ils jugent immorale. Secrètement, les inquisiteurs espèrent une répudiation de Michelangelo par le pape Jules II (Massimo De Francovich), membre et chef de la famille Della Rovere. Espoir rapidement réduit à néant, Jules II est ébloui par la beauté des créations de Michelangelo pour la chapelle Sixtine. Il propose à Michelangelo de concevoir son tombeau. Il accepte. Epuisé et fatigué par l’âge, le pape Jules II décède. Le pape Léon X (Simone Toffanin), de la famille rivale des Médicis, lui succède. Il ordonne à Michelangelo d’abandonner le tombeau, de renier sa parole, pour réaliser la façade de la basilique San Lorenzo. Commence alors une tumultueuse relation entre Michelangelo et les exécuteurs testamentaires de Jules II…
Michel-Ange est une fresque éclatante qui frappe immédiatement par son cadre 1,33 et sa composition digne des peintres de la Renaissance. « Ne vois-tu pas le nombre et la variété des actions que les hommes peuvent accomplir ? Ne vois-tu pas combien il y a d’animaux d’arbres différents, d’herbes, de fleurs, la diversité des sites montagneux et des plaines, des fleuves, des villes, des édifices publics et privés, des instruments à l’usage de l’homme, la quantité de vêtements, d’ornements et d’objets d’art ? Celui qui veut être considéré comme un bon peintre doit s’appliquer à représenter ces choses aussi bien avec son habileté technique qu’avec son intelligence», Leonardo da Vinci (Codex A, vers 1492). Rejoignant da Vinci, Andreï Kontchalovsky, petit-fils du peintre Piotr Kontchalovsky, s’empare de Michelangelo pour en dresser un portrait inspiré.
Michel-Ange est un film de mouvement, de sueur, de folie, de sang, rien de figé ou d’académique dans ce portrait de l’artiste et de son époque. Kontchalovsky insuffle de la vie dans chaque scène, dans son dispositif tout participe d’une même volonté, rendre le plus honnêtement possible la réalité d’un homme dans son époque. Kontchalovsky retrouve cette manière de filmer si caractéristique de cinéma russe, caméra à l’épaule, longs plans-séquences. Le travail du chef opérateur Aleksander Simonov s’inscrit dans cette école. Le film est une véritable leçon de mise en scène.
Michelangelo est un homme anxieux, arrogant, prétentieux (il n’a que peu de considération pour Raphaël, entre autres), cupide, paranoïaque. Son attitude, ses manières, font de lui un être monstrueux aux yeux de ses contemporains, mais que ce soient les Della Rovere, les Médicis ou les simples ouvriers, ils lui pardonnent beaucoup car ils sont conscients d’être en présence d’un génie.
Michelangelo tiraillé entre les Della Rovere et les Médicis, liés par des contrats astreignants, sa vie devient un enfer. Kontchalovsky s’attache à décrire son quotidien sur une courte période (7 années). Au milieu de ses créations, Michelangelo se débat avec toutes sortes de problèmes, ses mécènes, sa famille parasitaire qu’il soutient financièrement, les propriétaires de carrières de marbre, etc. Pour survivre, Michelangelo élabore des stratagèmes afin de mettre de l’argent de côté, détournant les fonds de ses commanditaires pour des placements et achats qu’il met au nom de son père. Mais il y a trop de corruption et de délation autour de lui. Trahi par ses proches, Michelangelo est sous une surveillance permanente. Le moindre de ses faits et gestes est aussitôt communiqué à l’un ou l’autre des clans. Michelangelo doit composer avec la violence et la pauvreté qui l’entourent. Il avance seul sur un chemin à la recherche de l’absolu. Il trouve dans Dante (1265-1321), auteur dont il admire La Divine Comédie et en particulier L’Enfer, matière à canaliser ses angoisses et à nourrir ses créations.
Michelangelo doit naviguer entre deux lignes politiques opposées. La situation n’est pas sans rappeler l’URSS et d’une certaine manière le système hollywoodien avec cette manière de les ficeler avec un contrat. Systèmes qu’Andreï Kontchalovsky, cinéaste russe et américain, a subis à diverses époques de sa carrière. De manière invisible, peut-être, Kontchalovsky tisse un portrait de son ami d’Andreï Tarkovski, un des génies du cinéma russe, avec qui il collabora dès l’école de cinéma. Ils écrivent Andrei Roublev (1966), un chef-d’œuvre, dont le sujet, par bien des aspects, n’est pas sans correspondance avec Michel-Ange.
La direction d’acteur d’Andreï Kontchalovsky est absolument remarquable. Il trouve en Italie des acteurs de premier ordre, à des encablures de l’idée que les Italiens ne sont que des sous Brad Pitt. La distribution est dominée par Alberto Teston qui crève l’écran dans le rôle-titre, fuyant la posture du grand artiste des biopics, il donne une interprétation de Michelangelo pleine de sève et d’énergie. Teston a ce visage dont la beauté aurait en son temps illuminé un film Pier Paolo Pasolini.
L’énorme bloc de marbre surnommé Le Monstre que Michelangelo doit descendre de la montagne est une parfaite métaphore de l’artiste, de sa volonté de confrontation avec la dimension mystique de la création. Mais l’intégrité artistique a son prix et il peut être terrible : isolement, dégradation physique, folie, misère. Qu’importe, la roue du temps emporte les êtres, mais reste l’œuvre… Andreï Kontchalovsky livre avec Michel-Ange une œuvre éclatante de beauté et de vie.
Fernand Garcia
Michel-Ange (Il peccato) un film d’Andreï Kontchalovsky avec Alberto Testone, Jakob Diehl, Francesco Gaudiello, Orso Maria Guerrini, Massimo De Francovich, Federico Vann, Glenn Blackhal, Anita Pititto, Antonio Gargiul, Simone Toffanin… Scénario : Andreï Kontchalovsky et Elena Kiseleva. Chef opérateur : Aleksander Simonov. Décors : Maurizio Sabatini. Costumes : Dmitry Andreev. Montage : Sergey Taraskin et Karolina Maciejewska. Musique : Edward Artemyev. Producteur délégué : Alisher Usmanov. Producteurs : Andreï Kontchalovsky et Elda Ferri. Producteur : Andreï Konchalovsky Studios – Jean Vigo Italie – Rai Cinema – Alisher Usmanov. Distribution (France) : UFO Distribution (Sortie le 21 octobre 2020). Russie – Italie. 2019. 136 minutes. Couleur. Format image : 1,33 :1. Son : 5.1. Tous Publics.