Il n’est pas difficile d’imaginer le phénoménal choc que produisit Massacre à la tronçonneuse sur les spectateurs de la Quinzaine des réalisateurs en 1975. L’effet de sidération s’empare d’une critique totalement désorientée. Un exemple parmi d’autres, Alain Schlockoff note à l’époque « Ce genre de film est condamnable dans la mesure où il participe d’un esprit proche d’un documentaire sur Dachau ou Auschwitz, sans aucune justification d’aucune sorte (scénario, photo ou mise en scène) » (in Cinéma d’aujourd’hui – L’écran Fantastique, n°3 – Eté 1975), avant de le programmer quelques années plus tard en grande pompe dans son mythique Festival International de Paris de film fantastique et de Science-fiction au Grand Rex.
Le film de Tobe Hooper est une date dans l’histoire du cinéma. Il va redéfinir les contours et l’esthétique du cinéma d’horreur, le faire sortir du gothique, des vampires, et autres loups-garous et le faire « brutalement » entrer dans son époque. Massacre à la tronçonneuse, c’est la boucherie de la guerre du Vietnam, la crise économique, la corruption politique, un horizon de douleur et de souffrance. Tobe Hooper vient du documentaire quand il entreprend Massacre à la tronçonneuse, il tourne en 16 mm avec le grain des documents pris sur le vif (hélas disparu avec le numérique). La puissance du film réside aussi dans son aspect conte macabre, jusqu’à atteindre une forme de poésie barbare.
Le choc est rude pour la société de consommation, en France, le film est classé X pour incitation à la violence le 29 décembre 1976, subtilité qui correspond à une interdiction totale dans les salles françaises. Le titre est entre-temps entré dans la légende du cinéma. L’explosion de la VHS, permet à René Château détenteur des droits du film de le sortir en 1979 dans la mythique collection des « films que vous ne verrez jamais à la télévision ». A 500 francs, il faut casser sa tirelire ou être financièrement à l’aise pour en acquérir un exemplaire. Le film est toutefois un énorme succès de la vidéo domestique.
Finalement, Massacre à la tronçonneuse est libéré de l’infamant X violence, le 23 novembre 1981.
Mardi 20 juin 2023, Massacre à la tronçonneuse, remonte en commission plénière à la suite de la demande d’abaissement de l’interdiction aux moins de 16 ans. Les illustres membres de la commission connaissaient le film d’autres le découvraient pour la première fois. Si depuis les cris et les jugements à l’emporte-pièce se sont éteints dans la nuit des temps. Massacre à la tronçonneuse, reste un joyeux, que de multiples remakes n’ont en rien écorné.
Confronter à ce qui est désormais un classique, « la commission propose une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans pour ce film qui reste un film d’épouvante avec des moments éprouvants, dont une scène très longue de poursuite sanglante suivie d’une scène de torture difficilement supportable malgré sa mise en scène et une part de second degré. ». Vouloir réduire Massacre à la tronçonneuse à un simple film d’épouvante, c’est avouer que le miroir qu’il tend à la société n’a rien perdu de sa puissance de subversion. Un chef-d’œuvre.
August Tino
Massacre à la tronçonneuse (The Texas Chain Saw Massacre) un film de Tobe Hooper avec Marilyn Burns, Teri McMinn, Gunnar Hansen… Etats-Unis – 1974.