Marleen Gorris – Festival de la Cinémathèque, 2025

La Section « Marleen Gorris », propose trois restaurations récentes de films rageurs et féministes et sombres de l’une des grandes signatures du cinéma européen.

Section « MARLEEN GORRIS » :

Marleen Gorris est surtout connue pour son film Antonia et ses filles (Antonia’s Line, 1996), le portrait de quatre générations de femmes dans la campagne hollandaise, qui a remporté l’Oscar du meilleur film étranger en 1996. C’est pourtant lors de la décennie précédente qu’elle a construit une œuvre singulière et forte, autour d’une trilogie sur la violence d’une société dominée par les hommes.

Puissante voix féminine du cinéma mondial, Marleen Gorris est une cinéaste néerlandaise dont l’œuvre a profondément marqué le paysage du cinéma international. À la fois audacieuse et provocante, elle s’est imposée comme une figure essentielle du cinéma féministe et de l’exploration des questions sociales et politiques. Caractérisé par une grande sensibilité et une approche réaliste, son style singulier a fait d’elle une voix incontournable pour aborder des sujets aussi variés que la condition féminine, la lutte pour les droits, l’identité et l’émancipation.

Cinéaste engagée, Marleen Gorris est née en 1948 à Ruremonde, aux Pays-Bas. Après avoir étudié l’anglais à Groningen et effectué un cursus théâtral à Amsterdam, puis à Birmingham, elle se lance dans la réalisation avec un regard singulier, axé sur les problématiques sociales, mais toujours en mettant en lumière des personnages, souvent féminins, qui font face à des défis et à des conflits intérieurs. Profondément humains, Gorris place ses personnages dans des situations qui les obligent à se confronter à la société, à leurs valeurs et à leur propre identité. À travers ses films, audacieuse, Marleen Gorris n’hésite pas à aborder des sujets tabous pour explorer les contraintes sociales, en particulier celles qui touchent les femmes, tout en mettant en avant leurs combats pour se libérer des carcans « traditionnels ».

Si l’œuvre de Marleen Gorris est indissociable de son engagement féministe, et ce, dès son premier film, la cinéaste a acquis une renommée internationale avec son film Antonia et ses filles en 1996. Ce film raconte l’histoire d’Antonia, une femme qui revient dans son village natal et crée une communauté de femmes fortes et indépendantes. À travers ce récit, Gorris dresse un portrait vibrant de l’émancipation féminine, de la sororité et de la résistance face aux oppressions sociales. Profondément humaniste, Antonia et ses filles est un film qui célèbre la vie, les femmes et la famille sous toutes ses formes, tout en abordant des questions politiques et sociales avec humour et sensibilité.

Singulier, le style de Marleen Gorris est marqué par la subtilité de la narration et une approche psychologique réaliste des personnages. Cette dernière n’hésite pas à mélanger des éléments de comédie et de drame, créant une atmosphère unique où l’émotion et l’humour s’entrelacent. Empreints d’une lumière douce, de couleurs chaleureuses et d’un rythme apaisé, ses films contrastent avec les thèmes profonds qu’elle aborde. Cette fusion de légèreté et de gravité est une marque de fabrique du cinéma de Gorris, qui parvient ainsi à émouvoir le spectateur tout en l’invitant à réfléchir.

L’un des éléments les plus remarquables de son œuvre est son talent pour créer des personnages féminins complexes, ni héroïques ni victimes, juste humaines avec leurs défauts, leurs rêves et leurs contradictions, et de mettre ainsi en lumière la diversité des expériences féminines, que ce soit en matière de sexualité, de maternité ou de carrière, tout en interrogeant les « rôles » qui la société leur attribue.

Marleen Gorris a non seulement marqué l’histoire du cinéma par sa vision féministe et sa capacité à traiter des sujets complexes, comme le genre et l’identité, avec intelligence et sensibilité, mais elle a également ouvert la voie à une meilleure représentation des femmes aux cinéma. Son engagement a incontestablement inspiré de nombreuses réalisatrices contemporaines. Le cinéma de Gorris démontre qu’il est possible de parler de la condition féminine sans tomber dans le manichéisme, tout en apportant une réflexion critique sur les rapports sociaux et les inégalités.

À travers ses films, Marleen Gorris a offert au monde un cinéma à la fois engagé, humaniste et profondément émouvant. Sa capacité à traiter de sujets universels tout en mettant en avant des personnages féminins forts et nuancés fait d’elle une cinéaste incontournable. Son œuvre continue d’inspirer et de questionner, en portant une voix essentielle dans le cinéma contemporain, une voix qui défend la liberté, l’autonomisation et l’égalité.

Le Silence autour de Christine M. (De Stilte rond Christine M., 1982) de Marleen Gorris – 92 min – Avec Edda Barends, Nelly Frijda, Henriëtte Tol, Cox Habbema…

Un après-midi, trois femmes assassinent le gérant d’une boutique de vêtements. Une femme psychiatre est amenée à leur parler, et cherche à comprendre leur geste. Peu à peu, elle se rend compte que cet acte est le symbole d’un malaise social entre hommes et femmes. Elle même finit par se questionner sur ses rapports avec les hommes.

Les débuts fracassants de la cinéaste néerlandaise, avec l’histoire de trois femmes ordinaires, qui assassinent le propriétaire d’une boutique de prêt-à-porter. Pendant le procès, la psychiatre cherche à comprendre leur geste et s’identifie peu à peu à elles. Un thriller féministe d’une froideur clinique, qui explore la rage silencieuse des femmes, alimentée par des années d’offenses et d’humiliations quotidiennes. Restauration 2K par Cult Epics.

Miroirs brisés (Gebroken spiegels, 1984) de Marleen Gorris – 110 min – Avec Lineke Rijxman, Henriëtte Tol, Edda Barends, Coby Stunnenberg…

Diane, épouse d’un toxicomane, n’a d’autre recours que la prostitution pour subvenir à ses besoins. Bea, pour sa part, mène une existence normale, jusqu’au jour où elle est kidnappée par un psychopathe. Le film suit le calvaire de ces deux femmes.

Une plongée sans concession dans la violence systémique infligée aux femmes. À travers deux intrigues parallèles – l’une dans un bordel d’Amsterdam, l’autre qui suit le calvaire d’une femme au foyer –, Marleen Gorris dénonce l’oppression masculine dans un thriller enragé, implacable, qui confirme qu’elle est l’une des cinéastes les plus audacieuses et les plus engagées de sa génération. Restauration 4K par Cult Epics.

The Last Island (1990) de Marleen Gorris – 101 min – Avec Paul Freeman, Shelagh McLeod, Patricia Hayes, Kenneth Colley …

Cinq hommes et deux femmes, seuls rescapés d’un accident d’avion, se retrouvent perdus dans le désert. La survie en communauté va se révéler difficile…

Sur une île déserte, sept victimes d’un crash aérien, peut-être les derniers survivants d’une catastrophe planétaire, tentent de recréer un paradis terrestre. Un récit d’une noirceur effroyable, où les hommes, assoiffés de pouvoir, se révèlent incapables de cohabiter pacifiquement, et finissent par s’entretuer sauvagement. Restauration 2K par Cult Epics.

Cinq jours durant, dans 9 cinémas (La Cinémathèque française, La Filmothèque du Quartier Latin, Le Christine Cinéma Club, L’Ecole Cinéma Club, La Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, L’Archipel, L’Alcazar, Le Vincennes et Le Centre Wallonie-Bruxelles) le Festival de la Cinémathèque propose cette année encore, près d’une centaine de séances de films rares et/ou restaurés présentés par de nombreux invités et répartis en différentes sections pour célébrer le cinéma de patrimoine et fêter en beauté son douzième anniversaire.

Le Festival de la Cinémathèque (ex « Toute la mémoire du monde »), le Festival international du film restauré fête ses 12 ans avec une riche sélection de restaurations prestigieuses accompagnées d’un impressionnant programme de rencontres, de ciné-concerts et de conférences.

Moment privilégié de réflexion, d’échange et de partage qui met l’accent sur les grandes questions techniques et éthiques qui préoccupent cinémathèques, archives et laboratoires techniques mais aussi, bien évidemment (on l’espère encore !), éditeurs, distributeurs, exploitants et cinéphiles, le Festival de la Cinémathèque, né dans le contexte de basculement du cinéma dans l’ère du numérique, propose une fois de plus, cette année encore, une programmation exceptionnelle en donnant à voir aux spectateurs les chefs d’œuvre comme les œuvres moins connues (curiosités, raretés et autres incunables) du patrimoine du cinéma. Avec toujours un élargissement « Hors les murs » dans différentes salles partenaires de la manifestation à Paris et banlieue parisienne, puis, dans la continuité du festival francilien, en partenariat avec l’ADRC (Agence nationale pour le développement du cinéma en régions), plusieurs films qui tourneront après le festival dans des cinémas en régions, pour sa douzième édition, le Festival International du film restauré, renommé depuis l’année dernière « Festival de la Cinémathèque », s’affirme comme étant l’immanquable rendez-vous dédié à la célébration et à la découverte du patrimoine cinématographique mondial.

Créé par La Cinémathèque française en partenariat avec le Fonds Culturel Franco-Américain et Kodak, et avec le soutien de ses partenaires institutionnels et les ayants droit essentiels aux questions de patrimoine, ce festival est incontournable pour les cinéphiles passionnés, les amoureux du patrimoine cinématographique, les archivistes, les historiens, les chercheurs et autres curieux. Riche et foisonnante, la programmation du festival nous propose un panorama très éclectique des plus belles restaurations réalisées à travers le monde et salue ainsi non seulement le travail quotidien des équipes des différentes institutions, mais nous fait également prendre toute la mesure de la richesse incommensurable de cet Art qui n’a de cesse de témoigner tout en se réinventant tout le temps.

Afin de ne rien manquer de cet évènement, rendez-vous à La Cinémathèque française et dans les salles partenaires du festival du 5 au 9 mars.

Steve Le Nedelec

Festival de la Cinémathèque : Sans la connaissance de notre passé, notre futur n’a aucun avenir. C’est pourquoi le passé est un présent pour demain.

Festival de la Cinémathèque – 12ème édition – Festival International du Film Restauré – Du 5 au 9 mars 2025 à La Cinémathèque Française et « Hors les murs ».