Dans les derniers jours de la guerre entre les États-Unis et le Mexique, une escouade de l’armée américaine sous les ordres du Capitaine Angus Clyde McKane (Jim Davis) prend d’assaut l’hacienda de Santa Ana. Tous les Mexicains sont tués à l’exception du Commandant Sebastián, mais celui-ci est déclaré mort par McKane. Quelques années plus tard, McKane, revenu à la vie civile, dirige une vaste contrée conquise lors de la guerre… c’est sur ses terres que le Juge Ward (Louis Jean Heydt) et son fils, jeune Marshal (Faron Young), arrivent afin d’enquêter sur d’étranges expropriations…
L’Ultime chevauchée est un western intéressant car il aborde une période peu visitée, la guerre entre les Américains et les Mexicains pour la possession de la Californie. Le titre original évoque « la vieille Californie » comme si avant cette annexion rien de bon n’existait sur ces terres. Mais, il ne s’agit là que d’un point de départ, ce qui motive Albert C. Gannaway n’est pas l’Histoire, – son film est une véritable mine d’anachronismes – mais de mettre en avant son poulain Faron Young. Jeune premier dynamique, Faron Young, est avant tout une vedette de la Country. Dans L’Ultime chevauchée, il incarne un Marshal incorruptible. Il donne de sa personne dans plusieurs scènes d’action, mais il se fait ravir, facilement, la vedette par des acteurs plus professionnels.
Jim Davis incarne avec une autorité évidente un Capitaine de l’armée américaine assoiffé de pouvoir. Son jeu solide en fait un second rôle de choix pour les westerns des séries. Sa dense carrière se positionne entre films pour double programme de Joseph Kane ou William Witney à des séries A signées par Howard Hawks ou Robert Aldrich. Jim Davis apparaît dans un nombre considérable de séries TV dès le milieu des années 50 jusqu’à la fin de sa carrière (Rawhide, Bonanza, Perry Mason, Kung-Fu, Les rues de San Francisco, etc.). Dans les années 80, sa notoriété auprès du public monte d’un cran en incarnant le patriarche de la famille Ewing dans la série Dallas.
Mais, c’est un autre acteur qui pour nous, spectateurs du XXIe siècle, emporte le morceau : Lee van Cleef. Les anciens cinéphiles l’ont découvert adossé à un rocher dans le magnifique premier plan du Train sifflera trois fois. Sa dégaine, son profil de rapace, le sadisme au fond enfoui de son regard frappe durablement la rétine des spectateurs.
Lee Van Cleef, repéré au théâtre par Fred Zinnemann, entame à la suite du triomphe du film une carrière sur le grand écran où il va enchaîner les rôles de tueur psychopathe et sadique à mille lieues de sa nature profonde. Il est une figure récurrente des films de série B, westerns et polars, des années 50. Des problèmes d’alcoolisme et un accident de voiture l’éloignent quelque temps des plateaux hollywoodiens. A la fin des années 50, son visage s’estompe petit à petit des écrans américains. La résurrection vient d’Europe. D’instinct, Sergio Leone lui fait endosser le costume d’un père brisé dans Et pour quelques dollars de plus. Lee Van Cleef retrouve sa splendeur. Il s’accorde parfaitement à la nouvelle mythologie des hommes de l’Ouest. Lee Van Cleef délaisse sa peau de tueur bestial pour aristocrate cynique du gunfight. Il hante le western européen pendant une décennie, puis le cinéma Bis. Les spectateurs des salles populaires, en périphérie des grandes métropoles, ne s’y trompent pas, et en font une Star. Jamais son étoile ne pâlira. Son nom est gravé à jamais sur l’Eastmancolor d’Almeria. Dans L’Ultime chevauchée, il incarne Pardee, le bras armé du méchant de service, un véritable bloc de violence, un sauvage. Il donne un formidable relief particulier à chacune des séquences où il apparaît, de purs moments de cinéma. Il s’exprime principalement par le mouvement du corps, par ses déplacements dans l’espace, et non pas le dialogue. Jeu qu’il affinera au fur et à mesure de ses rôles, pour l’instant il est tout en bestialité, un régal pour le spectateur.
L’Ultime chevauchée, comme beaucoup de séries B, à son corps défendant, montre le fonctionnement du capitalisme, l’enrichissement par l’expropriation des plus faibles par la brutalité et la loi du plus fort. Albert C. Gannaway n’est pas un gauchiste; en bon américain, il croit aux vertus de la loi et de la justice. L’un des thèmes sous-jacent du film c’est l’intégration des paysans mexicains comme cheville ouvrière de l’Amérique. Gannaway n’a strictement aucune visée politique, il raconte simplement une histoire. Il n’est certes pas un virtuose de la mise en scène, certaines séquences, comme celle du duel entre Van Cleef et Faron Young, sont bricolées tant bien que mal au montage.
L’Ultime chevauchée est un bel exemple des westerns de série B qui nourrissait l’appétit des spectateurs de l’Amérique profonde.
Fernand Garcia
L’Ultime Chevauchée est édité pour la première fois en DVD par Artus Films dans la collection Les grands classiques du western. En complément Les chasseurs de la Californie par Georges Ramaïoli. Une intervention éclairante où Ramaïoli pointe tous les anachronismes du film de Gannaway: époque, costumes, lieux, etc. Il fait aussi avec un bref retour sur l’histoire de la guerre entre les États-Unis et le Mexique et évoque bien évidemment la carrière de Gannaway et des acteurs de L’Ultime chevauchée (19 mn). Enfin, un diaporama d’affiches et de photos d’exploitation du film ainsi que les bandes annonces de la collection (L’Ultime Chevauchée, La Vallée du solitaire, Fort invincible, Le Fer rebelle, L’Attaque de Fort Douglas) complète la section.
L’Ultime Chevauchée (Raiders of Old California) un film d’Albert C. Gannaway avec Jim Davis, Arleen Whelan, Faron Young, Lee Van Cleef, Marty Robbins, Louis Jean Heydt… Scénario : Samuel Roeca et Thomas G. Hubbard. Photographie : Charles Straumer. Montage : Carl Pingitore. Musique : Hugo Friedhofer. Producteur : Albert C. Gannaway. Production : Gavel, Inc. – Republic Pictures. États-Unis. 1957. 69 mn. Noir et blanc. Format 1.37 original respecté 16/9ème compatible 4/3. VOSTF. Tous Publics.