Love Lies Bleeding – Rose Glass

Une grotte sans fond, un ciel étoilé, une étoile filante… Daisy (Anna Baryshnikov), comme tous les soirs, se rend au Crater Gym. L’endroit est crasseux aux fortes effluves de transpiration masculine. Pas de place pour les loosers sous les néons. Daisy, n’est pas une sportive, plutôt ronde, elle tente désespérément de susciter l’intérêt de Lou (Kristen Stewart), qui s’en fout complètement. Lou d’autres chats à fouetter et avant tout, déboucher les chiottes…

Love Lies Bleeding débute en 1989 quelques jours avant la chute du mur de Berlin. Cette précision n’apporte pas grand-chose au film. Rose Glass raconte l’histoire de deux filles, l’une, Lou coincé dans ce coin paumé du Nevada, l’autre, Jackie a osé plaquer sa famille pour vivre son rêve américain.

Lou est une rebelle, elle fume, éclate le pédicule des plats industriels avec ses ongles, qu’elle a court et sale. Elle s’assoit dans une position « tu me fais chier » au desk du boulot. Son père est, évidemment, « un tas de merde » et un manipulateur. Sa mère a disparu depuis belle lurette. Après le travail, elle rentre dans son appartement, qu’elle gagne à la sueur de la merde qu’elle retire des chiottes, il est forcément grand et en désordre, nous sommes au pays de ce naze d’Oncle Sam. Bien sûr, elle vit seule avec son chat, elle n’a que sa main pour se donner du bonheur, une rebelle quoi. Et le principal, Lou est une « gouine de catégorie A ».

Et puis un soir, l’incroyable ce produit, une femme différente entre au Crater Gym. En un regard, les sens de Lou explosent. Jackie, macadam cow-girl, entre dans le cloaque-gymnase. Elle est culturiste, femme musclée comme un homme. L’idéal sexuel tant attendu pour Lou. Jackie déboule en auto-stop de son Oklahoma natal. Chez elle, tout le monde est agriculteur et va à l’église deux fois par semaine. Fille adoptée et obèse à l’origine, à force de volonté, elle a transformé son corps. Jackie est bisexuelle, mais elle a une préférence pour les femmes. Les hommes, c’est mécanique, des coups d’un soir, avec parfois la promesse d’un taf. Elle s’est arrêtée là, le temps de quelques semaines, se faire de l’argent comme serveuse dans un stand de tir que dirige Lou Sr (Ed Harris), le père de Lou ; et pour quelques séances de musculation au Crater Gym. Jackie a un but, participer à une compétition de musculation à Las Vegas.

Le scénario est une véritable enfilade de clichés, chaque ligne est surjouée. Tout est tellement schématique que tout est facilement prévisible dans la première partie du film. Les hommes sont des abrutis et/ou super méchants, forcément des crapules hétéros ; la femme mariée, une pondeuse soumise (et battue) ou grosse bêta aux dents jaunies par la cigarette. Le film égrené religieusement son chapelet de lieu commun, sans la moindre nuance. La mise en scène de Rose Glass est plan-plan, caméra épaule pour faire illusion, plan d’ensemble, travelling latéral et champ contrechamp.

La photo suit un cahier des charges des plus conventionnels, éclairage au néon, dominant verdâtre crasse-pouille pour le Crater Gym, rouge pour les scènes « torrides » de sexe. Tout reste bien dans les limites. A ce plan sur le petit déjeuner après l’amour ! Échantillonnage d’un érotisme réduit à de petites vignettes d’une telle pauvreté, la mixture énergisante qui coule le long du cou de Jackie, un orteil dans la bouche, des doigts mouillés et les petits flous. Aucun basculement des sens, les vertiges de l’amour sont bien sous le contrôle de la pudibonderie. L’image proposée est bien chaste, à l’opposé d’une passion dévorante et charnelle. Passons…

Love Lies Bleeding, n’est pas qu’un film sur un amour lesbien, Rose Glass abat aussi la carte du néo-polar, avec une intrigue à James Hadley Chase, mais ne l’assume pas totalement dans son développement, résultat une impression de bâclage. Rose Glass tente des bifurcations sporadiques vers le trash (vomi et sang au programme), et en rajoute, un peu, dans la violence de manière purement arbitraire. Cherchant à tout prix à faire originale, elle sombre dans le ridicule, ou dans le symbolisme de bazar, c’est au choix, avec la transformation de Jackie en She-Hulk ou Queen Kong. C’est bête.

Kristen Stewart incarne Lou. L’actrice surinterprétant toutes les intentions du scénario, la colère, l’horreur, la haine, l’amour, etc. Aucune surprise. Katy O’Brian, une nouvelle venue, s’en sort mieux. Culturiste, visage et coupe à la Maria Schneider, O’Brian réussit à être un peu plus nuancée dans son jeu. Elle a quelques scènes pour le moins convenues, comme celle du coup de fil à la famille, qu’elle réussit à rendre émouvante.

Ed Harris tire facilement son épingle du jeu, même s’il n’a pas grand-chose à jouer. Sa dégaine, lui donne une consistance tout droit échappé d’un brouillon de Quentin Tarantino. Faiblesse d’un personnage que l’acteur arrive à rendre crédible.

Love Lies Blending s’imagine certainement être autre chose que ce qu’il est au final, un simple petit film fleur bleue pour adolescents.

Fernand Garcia

Love Lies Bleeding, un film de Ross Glass avec Kristen Stewart, Katy O’Brian, Jena Malone, Dave Franco, Ed Harris, Anna Baryshnikov, Eldon Jones, Orion Carrington, Catherine Haun… Scénario : Rose Glass et Weronika Tofilska. Directeur de la photographie : Ben Foroesman. Décors : Katie Hickman. Costumes : Olga Mill. Son Design : Paul Davies. Montage : Mark Towns. Musique : Clint Mansell. Producteurs : Andrea Cornwell et Olivier Kassman. Production : A24 – Film4 – Escape Plan Productions – Lobo Films. Distribution (France) : Metropolitain Filmexport (sortie le 12 juin 2024). Etats-Unis – Royaume-Uni. 2023. 104 minutes. Couleur. Panavision. Format image : 2,35:1. Dolby Atmos. Interdit aux moins de 12 ans.