L’ouverture est majestueuse avec d’impressionnants plans sur le grand canyon. Dans ce décor exceptionnel, vont s’affronter des hommes dans leur quête de l’or dans un duel à mort. Motivés par une légende apache, ils cherchent une vallée, où l’or abonde. Le shérif Mackenna (Gregory Peck) est à la cible d’un vieil indien, qu’il blesse mortellement. Dans sa sacoche, il a une carte à laquelle l’indien accorde une grande importance, car elle indique l’emplacement de la vallée d’or, mais Mackenna connaît le lieu et jette la carte au feu. Le vieil indien succombe à sa blessure… Mackenna ne sait pas encore qu’il va faire partie de la légende apache…
L’Or de Mackenna est un western spectaculaire. Pour son premier western, J. Lee Thompson enchaîne les morceaux de bravoure : passage d’un pont suspendu, descente en radeau d’un rapide, tremblement de terre, etc. Le scénario de Carl Foreman est l’adaptation d’un roman de Will Henry nom de plume d’Heck Allen, scénariste de l’un des génies du cinéma d’animation, Tex Avery. Les rebondissements abondent au fil d’une intrigue, qui évoque les romans populaires du début du XXe siècle avec leurs grandes épopées d’aventuriers à la recherche de cités d’or dans des vallées perdues.
Aux grandes épopées, les personnages sont haut en couleurs, et L’or de Mackenna n’en manque pas. A commencer par le shérif Mackenna, personnage certes positif mais au passé moins lisse qu’il n’y paraît. Cet ex-chercheur d’or est encore un joueur invétéré et a connu quelques problèmes avec l’alcool. Le jeu tout en finesse de Gregory Peck est impeccable, il est dans une position d’observateur de ce petit monde des dérives humaines. Le choix d’Omar Sharif est plus surprenant. L’acteur égyptien accède à une reconnaissance internationale avec le film de David Lean, Lawrence d’Arabie (Lawrence of Arabia, 1962). L’adaptation du roman de Boris Pasternak, Le docteur Jivago (Doctor Zhivago, 1965), toujours par David Lean, en fait une star. Colorado est un Mexicain, sans foi ni loi, personnage proche de la caricature, il est la face sombre et délirante de Mackenna. Et c’est en poussant au maximum le jeu de Peck, tout en retenue, et celui de Sharif, tout en excès, que J. Lee Thompson obtint une alchimie qui fonctionne parfaitement.
Autour de ces deux stars, une brochette d’acteurs de premier plan. Au premier rang, on trouve Edward G. Robinson. L’acteur du Petit César (Little Caesar, 1931) a droit à une scène mémorable où il évoque la cause de sa cécité. Son discours a pour effet immédiat d’exalter encore plus la soif de l’or au sein des recherches. Ce n’est pas la première fois que Robinson pousse les hommes à l’adoration de l’or, il était déjà à l’origine de leur dépravation autour du veau d’or dans Les Dix Commandants (The Ten Commandments, 1956). Il y a surement là une sorte de malice de la part de J. Lee Thompson dans son utilisation d’Edward G. Robinson. Et c’est toujours avec le même plaisir que l’on retrouve Eli Wallach, l’immense Tuco du Bon, la Brute et le Truand (Il buono, il brutto, il cattivo, 1966), toujours aussi formidable dans la fourberie, et enfin, parmi d’autres, Telly Savalas, qui compose un officier yankee dont la crapulerie atteint des sommets. Dans cet univers à la masculinité exacerbée, deux femmes s’affrontent, une blanche, pure jeune fille typique du genre, et une indienne, sauvage, amoureuse, jalouse et sexy en diable.
La blanche, Inga Bergerman est incarnée par l’actrice suédoise Camilla Sparv ; l’astuce du scénario – la blanche colombe se métamorphose en une assoiffée de l’or. La superbe Julie Newmar incarne avec conviction l’indienne Hesh-ke, et J. Lee Thompson lui donne l’espace nécessaire pour qu’elle développe le caractère explosif de son personnage. Squaw à la forte personnalité, elle a une dent contre Mackenna mais est follement amoureuse de lui. Dans l’une des scènes les plus surprenantes du film, elle nage entièrement nue. Scène aquatique inimaginable dans une production de cette importance quelques années auparavant.
Tourné presque entièrement en décors naturels et en 70 mm, L’Or de Mackenna est un plaisir pour les yeux. La photographie de Joseph MacDonald, du plein soleil des extérieurs à la pénombre des intérieurs, est riche et variée. Le cadre est harmonieux, délimitant parfaitement, dans l’espace de l’écran large, les éléments que l’œil doit prendre en compte. Des plans impressionnants comme le survol du grand canyon à la caméra embarquée au ras du sol dans une folle chevauchée sont de toute beauté. Quant aux effets spéciaux, ils tiennent encore la route, une mention pour les mattes-painting, décor peint sur verre, absolument magnifiques. La séquence finale, sans la dévoiler, est digne des meilleurs films catastrophes.
A la production et au scénario on trouve Carl Foreman. Celui-ci n’est pas un inconnu. Il avait déjà adapté pour J. Lee Thompson, Les cannons de Navarone (1961), énorme succès. Victime de la chasse aux sorcières, il est inscrit sur la sinistre liste noire. Accusé d’activité antiaméricaine, l’auteur du Champion (1949) et Train sifflera trois fois (High Noon, 1952) il doit signer pendant plusieurs années sous couvert d’anonymat. Ainsi, en 1958, c’est l’écrivain français, Pierre Boulle, reçoit l’Oscar de la meilleure adaptation pour Le Pont de la rivière Kwai (The Bridge on the River Kwai, 1957), alors que celle-ci est l’œuvre de Carl Foreman et Michael Wilson. Ce n’est qu’en 1984, qu’ils se verront remettre officiellement l’Oscar, hélas à titre posthume pour Michael Wilson.
Cette superproduction de la Columbia explosera son planning de tournage. J. Lee Thompson, du fait des dépassements, se verra contraint d’abandonner la réalisation de La Planète des singes, dont il détenait les droits du roman avec le producteur Arthur P. Jacobs. C’est Franklin J. Schaffner qui réalisera le film en utilisant quelques décors similaires comme le grand canyon. Cela ne sera que partie remise puisque J. Lee Thompson se chargera des deux derniers volets de la série avec La Conquête et La Bataille de la planète des singes en 1972 et 1973.
J. Lee Thompson est un solide artisan du 7e Art, dont la longue filmographie regorge de films assez étonnants dans les genres les plus variés. Il a réussi, entre autres, de formidables thrillers, sombres et violents, de Nerfs à vif (Cape Fear, 1962) au Justicier de minuit (10 to Midnight, 1983), des films de guerre, Les Canons de Navarone (The Guns of Navarone, 1961) ou Passeur d’hommes (The Passage, 1979), mais aussi de sympathiques films d’aventures comme Taras Bulba (1962) où son Allan Quatermain et les mines du roi Salomon (King Solomon’s Mines, 1985). L’or de Mackenna n’est pas son unique western puisqu’il reviendra au genre de manière fort originale avec Le Bison Blanc (White Buffalo) en 1977, transposition de Moby Dick dans l’univers du Far West, avec son acteur fétiche des années 70/80, Charles Bronson. Pour la petite histoire, le futur réalisateur de Star Wars, George Lucas fut stagiaire sur L’or de Mackenna. On retrouve un peu de l’esprit « serial » du film de J. Lee Thompson dans sa production Les aventuriers de l’arche perdue (Raiders of the Lost Ark, 1981) et dirigé par Steven Spielberg. Et pour conclure, dans la version française, c’est Johnny Hallyday qui interprète la chanson qui ponctue l’introduction du film sur une musique de Quincy Jones.
L’or de Makenna fait partie de ces grands spectacles que l’on aime voir et revoir car il procure un vrai plaisir de spectateurs.
Fernand Garcia
L’or de Mackenna est édité pour la première fois en DVD et Blu-ray par Sidonis/Calysta dans une superbe copie (image et son restaurés). En complément de programme Patrick Brion replace L’or de Mackenna dans l’histoire du western et l’année 1969, date de sa sortie sur les écrans (13 mn).
L’or de Mackenna (Mackenna’s Gold) un film de J. Lee Thompson avec Gregory Peck, Omar Sharif, Telly Savalas, Camilla Sparv, Keenan Wynn, Julie Newmar, Ted Cassidy, Lee J. Cobb, Raymond Massey, Burgess Meredith, Anthony Quayle, Edward G. Robinson, Eli Wallach, Eduardo Ciannelli. Scénario : Carl Foreman d’après le roman de Will Henry (Heck Allen). Directeur de la photographie : Joseph MacDonald. Décors : Geoffrey Drake. Montage : Bill Lenny. Musique : Quincy Jones. Producteurs : Carl Foreman – Dimitri Tiomkin. Production : Columbia Pictures Corporation – Highroad Productions. Etats-Unis. 1968-69. Couleurs (Technicolor). 123 mn. Super Panavision 70. Format image : 2.35 :1. VOST. VF.