Le chef d’orchestre (Tinto Brass) tapote le pupitre, puis donne le signal à la petite fanfare. Sur la place du village, la jeune Lola (Anna Ammirati) circule à vélo entre les habitants. Sa petite jupe bleue à fleurs se soulève laissant voir ses belles fesses dans sa culotte blanche. Au passage, Lola « vole » le panama du chef d’orchestre sous le regard amusé du curé et des vieux villageois, mais désapprobateurs des femmes. Les rumeurs vont bon train sur sa mère Zaïra (Serena Grandi) et son présumé père, André (Patrick Mower). Lola s’en moque royalement de ses commérages. Elle est libre sur son vélo. A la boulangerie Zurli, Masetto (Mario Parodi), son fiancé, s’impatiente…
Tinto Brass est en vitesse de croisière, le tournant de La Clé est déjà à 10 ans dans le rétroviseur quand il tourne Lola, la frivole. Il laisse libre cours à son amour pour les femmes et surtout pour leur cul. Pas la moindre trace de lassitude à filmer le cul, de face, de profil, en reflet dans un miroir, en contre-plongée, en plongée, sous la pluie, dans la pénombre, etc. sous l’objectif de Tinto Brass, les possibilités de mettre en valeur cette si belle partie de l’anatomie semblent sans limites. Lola, la frivole est pendant une dizaine de minutes un hymne au cul féminin. Lola sur son vélo, donne à voir son charmant petit popotin. Geste d’une générosité et d’une innocence magnifiques dans ce petit coin d’Italie des années 50. La guerre est déjà loin, tout le monde aspire à la liberté. Elle passe par la liberté sexuelle, ainsi d’une manière ou d’une autre, tout le monde est tiraillé par le sexe.
Lola a une idée fixe : se faire culeter avant le mariage, de préférence par son petit copain, Masetto. Hélas, ce grand couillon, a un cerveau en miches de pain, il se durcit certes avec la chaleur, mais reste quand même les deux pieds dans le pétrin de l’époque. Pour Masetto, Lola doit être vierge, le jour du mariage afin de lui offrir sa fleur la nuit de noces. Ce qui ne l’empêche pas de répondre aux câlineries de Lola, de la tripoter un peu, mais… pas plus.
Lola, petit chaperon rouge moderne, est bien ennuyée, surtout qu’elle excite bien des loups. Et ils sont nombreux, des moines qui reniflent la selle de son vélo, au crétin voyeur du village qui s’adonne à son coupable plaisir dans la forêt, reluquer le ballet des échangistes, hétéros, homos et bis. Un autre tapi dans l’ombre, l’observe, la bave aux lèvres, il est représentant de commerce, bien émoustillé par Lola. Malin, il la raccompagne dans sa petite voiture, et ni une ni deux, tente de la culbuter. Mais Lola ne se donne pas comme ça, aux premiers venus. Elle finit sous la pluie, mais libre.
Déçue par Masetto, Lola se perd dans ses rêves, dans une séquence particulièrement réussie, elle se masturbe en se remémorant tous les instants sexy de sa journée. Lola, dans sa quête, se rapproche d’André, pornographe, amant de sa mère (peut-être son père) et grand ordonnateur de séances érotiques. Malgré ses tentatives de séduction, André la repousse. Tinto Brass dans son récit assez cartoonesque par instant, ajoute un zeste d’inceste, mais l’homme d’âge mûr, repousse la dévergondée. La recherche érotique n’est pas une plongée dans l’abject, mais une sexualité lumineuse. André, par bien des aspects, est double de Tinto Brass (qui tient le rôle du chef d’orchestre).
Si Lola se désespère d’être toujours vierge et de ne pas connaître le bâton avant son mariage avec Masetto. De son côté, Masetto, remonté comme une pendule, fréquente une ex-coucheuse, afin de se satisfaire, sans effleurer sa Lola. Wilma (Francesca Nunzi) aime son métier, mais elle ne peut plus exercer ses talents dans les maisons-closes, rendu illégale. Un grand malheur pour beaucoup d’Italiens que Tinto Brass évoque avec une pointe de nostalgie et beaucoup de compassion pour Wilma.
Tout finira bien, Lola arrivera à ses fins et vivra un grand amour. Lola la frivole est un film joyeux emporté par la jeune Anna Ammirati. Elle interprète sur la bande sonore Mona Monella, une chanson particulièrement entraînante écrite par Tinto Brass et Pino Donaggio. Sa rencontre avec le réalisateur de Salon Kitty mérite d’être racontée. Tinto Brass heurte accidentellement avec sa voiture une jeune femme à vélo. Ce qui dans la majorité des cas est un problème, va s’avérer être un heureux hasard. La jeune femme à vélo s’appelle Anna Ammirati, elle est actrice et profite de l’occasion pour exiger (sur le ton de la plaisanterie) un rôle dans son prochain film, sinon elle le dénoncera à la police. La petite a du caractère et ne manque pas de culot. Qualités qui ne sont pas pour déplaire à Tinto Brass.
Le scénario est écrit à partir des souvenirs de Carla Cipriani, épouse et principale collaboratrice de Tinto Brass, surnommée affectueusement sur les plateaux : « Tinta ». Elle cosigne « officiellement » avec Tinto, après Lola la frivole, Transgressing (2000), Fallo ! (2003) et Monamour (2005). Elle est sa scripte sur 11 films depuis Chi lavora è perduto (In capo al mondo) en 1963, le premier long-métrage de Tinto Brass. Tinto et Tinta, un couple de cinéma.
Fernand Garcia
Lola la frivole, une édition sexy de Sidonis – Calysta dans la non moins sexy collection Tinto Brass, master HD impeccable, avec en complément : Une présentation, toujours aussi éclairante et passionnante, de Jean-François Rauger sur « l’idéologue du sexe » comme le surnommait Alberto Moravia (15 minutes). La section se clôt sur la bande-annonce internationale, rythmée et osée, de Frivolous Lola (2 minutes).
Lola la frivole (Monella) un film de Tinto Brass avec Anna Ammirati, Patrick Mower, Mario Parodi, Susanna Martinkova, Francesca Nunzi, Laura Trotter, Serena Grandi, Antonio Salines, Tinto Brass… Scénario : Carla Cipriani, Tinto Brass et Barbara Alberti d’après une histoire de Carla Cipriani et Tinto Brass. Directeur de la photographie : Massimo Di Venanzo. Décors : Carlo De Marino. Costumes : Ivan Crnojevic. Montage : Tinto Brass. Musique : Pino Donaggio. Producteur : Giovanni Bertolucci pour Califrornia Films srl. Production : Cardinal Pictures srl – C.R.C. srl – Production Group srl – P.F.C. 2000 srl. Italie. 1998. 105 minutes. Fujicolor. Format image : 1.85 :1. Public Averti.