Le Pentagone annonce durant une conférence de presse, une expédition dans une région mystérieuse de l’Antarctique. Trois militaires sont désignés pour cette mission, le commandant Alan Roberts (Jock Mahoney), le lieutenant Jack Carmen (William Reynolds) et le pilote Steve Miller (Phil Harvey). La journaliste Margaret « Maggie » Hathaway (Shawn Smith/Shirley Patterson), la seule civile, les accompagne dans ce voyage. Arrivé à quelques kilomètres de leur destination, l’équipage quitte le navire en hélicoptère. Le temps est changeant et ils sont pris dans une tempête qui les contraint à atterrir en catastrophe dans un cratère…
Jack Arnold devait réaliser L’Oasis des tempêtes en couleurs et avec un budget A, c’est-à-dire conséquent. Mais le studio Universal doute de pouvoir rentabiliser un film avec des monstres préhistoriques. Il est décidé de réduire drastiquement le budget du film, d’abandonné le Technicolor pour le noir et blanc (moins onéreux), mais de conservé le CinemaScope. Evidemment, le studio opte pour des acteurs financièrement plus en phase avec la nouvelle donne. Jack Arnold, qui devait avoir de plus grandes ambitions pour L’Oasis des tempêtes, quitte le projet et laisse sa place à un vieux routier des productions Universal, Virgil W. Vogel.
Virgil W. Vogel a gravi les échelons à l’Universal. Il débute en 1940, au département montage du studio, en tant qu’assistant-monteur sur La femme invisible (The Invisible Woman) de A. Edward Sutherland. Après quelques années, il accède en 1950 au statut de chef monteur avec Le sous-marin mystérieux (Mystery Submarine) de Douglas Sirk. Il se spécialise dans le western avec des films de Budd Boetticher et de Joseph Pevney. Il termine sa carrière de monteur avec trois œuvres importantes : L’homme qui n’a pas d’étoile (Man Without a Star, 1955) de King Vidor, Les Survivants de l’infini (This Island Earth, 1958) de Joseph Newman (et Jack Arnold) et, chef-d’œuvre sidérant, La Soif du mal (Touch of Evil, 1958) d’Orson Welles.
Génie tout court, et du montage en particulier, Orson Welles avait apprécié le travail avec Virgil Vogel avant que le studio ne se lance dans d’aberrantes « corrections » sur La Soif du mal. Edward Muhl, patron de la production d’Universal, pousse Vogel vers la réalisation et lui confie la direction d’une petite série B fantastique, Le Peuple de l’enfer (The Mole People, 1956) avec John Agar et Cynthia Patrick. Le scénario est signé par László Görög, auteur aussi de L’Oasis des tempêtes. Vogel va rapidement abandonner le cinéma pour se consacrer à la télévision, après L’Oasis des tempêtes, il ne signera que deux films pour le grand écran : Terror in the Midnight Sun (1959) et Les exploits d’Ali Baba (The Sword of Ali Baba, 1965). Une belle longévité pour Virgil Vogel sur le petit écran, épisodes et téléfilms, adoptant au fil des ans, l’esthétique télévisuelle de l’époque passant sans problème de Bonanza (1965-1966) à Deux flics à Miami (1987-1988). Il signe son dernier épisode pour Waikiki Ouest en 1996.
Le scénariste de L’Oasis des tempêtes, László Görög est né en 1903 en Hongrie. Görög débute en 1930 comme journaliste à Budapest. En parallèle de son activité pour la presse, il écrit des dizaines de romans policiers. La situation politique le pousse à émigrer tout d’abord en Palestine avant de s’embarquer pour les Etats-Unis en 1939. Comme toutes les belles plumes de l’époque, il est attiré à Hollywood. Il débute ainsi en 1942 sur le film à sketches du français Julien Duvivier, Six destins (Tales of Manhattan). Son scénario pour Les Caprices de Suzanne (The Affairs of Susan) comédie romantique réalisée par William A. Seiter avec Joan Fontaine et George Brent, est nommé à l’Oscar en 1946. Il écrit dès le début des années 50 pour la télévision. László Görög adapte son style de roman populaire de ses jeunes années en Hongrie au style américain. Il prend sa retraite du cinéma en 1963 et disparaît des radars. László Görög décède en 1997 à Los Angeles.
L’Oasis des tempêtes renferme dans son cratère toutes les caractéristiques des productions de science-fiction des années 50. Il va de soi que le film joue la carte du spectaculaire avec l’arrivée de l’hélicoptère dans ce lieu à la végétation tropicale où rôdent des animaux préhistoriques. Evidemment, l’apparition du T-Rex et autres bestioles se fait attendre, mais le film ménage ses effets et bénéficier d’un sous-texte « érotique » des plus réjouissants. Certains échanges sont particulièrement savoureux. Maggie n’est pas une oie blanche, elle avoue d’ailleurs en connaître un rayon sur les hommes et pas seulement par le biais de la littérature, mais sur le terrain.
Elle doit répondre, tout au long du film, à de nombreuses sollicitations dont la finalité ne fait aucun doute, profité de son corps. La progression de l’aventure dans cet univers hostile, va la voir perdre des lambeaux de vêtements au fur et à mesure. Au Commandant de l’expédition qui la drague ouvertement avec toute sorte de sous-entendu, répond la sauvagerie d’un survivant d’une précédente expédition, qui la veut comme pur objet sexuel. Maggie est prise dans un filet de désir humain, il en va ainsi jusqu’à une plante carnivore dont les suggestifs « tentacules » tentent de la soustraire aux mains des hommes afin d’en faire son repas. L’appétit sexuel n’est finalement pas si éloigné de l’appétit tout court.
Le scénario de L’Oasis des tempêtes est un petit bijou dans l’esprit des couvertures pulp de l’époque, jouant sur l’érotisme et l’aventure exotique dans un contexte de science-fiction. Cette liberté de ton, gentiment sulfureux, vient certainement de la réduction du budget. Pour l’aspect spectaculaire de L’Oasis des tempêtes, Vogel fait comme il peut avec ce qu’il a sous la main, et s’en tire avec les honneurs. Ainsi, il utilise de vrais lézards pour un combat « préhistorique » assez impressionnant. Il manie avec plus ou moins de bonheur des maquettes entre autres pour le fameux l’hélicoptère. Quant au T-Rex, il annonce le futur Godzilla. Pour la petite histoire, le rugissement du T-Rex, particulièrement réussi, à intégrer la sonothèque d’Universal. Il a été utilisé dans le mixage de la chute finale du camion de Duel (1971) de Steven Spielberg, et selon certaines sources pour le King Kong (1977) de John Guillermin.
L’Oasis des tempêtes a le charme des films de science-fiction des années 50, sans prétention, mais avec le désir de faire rêver le spectateur.
Fernand Garcia
L’Oasis des tempêtes, une édition combo (Blu-ray + DVD) d’Eléphant Films, nouveau master restauré en haute définition, en supplément : Le film par Fabien Mauro, spécialiste du cinéma asiatique, critique pour Mad Movies (entre autres) et auteur de « Ishiro Honda : Humanisme Monstre » et « Kaiju, envahisseur & apocalypse ». Présentation sympathique et documentée sur le film, le genre et les liens avec certaines productions comme Jurassic Park III (22 minutes). La bande-annonce du film (2 minutes) et des autres films de la collection.
L’Oasis des tempêtes (The Land Unknown), un film de Virgil W. Vogel avec Jock Mahoney, Shawn Smith (Shirley Patterson), William Reynolds, Henry Brandon, Douglas Kennedy, Phil Harvey… Scénario : László Görög. Adaptation : William N. Robson. Histoire : Charles Palmer. Directeur de la photographie : Ellis W. Carter. Décors : Alexander Golitzen et Richard H. Riedel. FX : Orien Ernest, Jack Kevan et Fred Knoth. Effets visuels : Roswell A. Hoffmann. Montage : Fred MacDowell. Musique non créditée : Henry Mancini, Heinz Roemheld, Hans J. Salter et Herman Stein. Producteur : William Alland. Production : Universal International Pictures. Etats-Unis. 1957. 78 minutes. Noir et blanc. CinemaScope. Format image : 2.35 :1. 16/9e. Son : Version originale anglaise avec ou sans sous-titrage (Blanc ou jaune) et Version française. DTS-HD / Dolby Audio Dual mono 2.0. Tous Publics.