Trois naufragés du Lady Vain dérivent depuis plusieurs jours. L’un des matelots meurt et finit à la mer. Alors que toute idée d’espoir semble se noyer dans les flots Andrew Braddock (Michael York) à bout de forces, voit apparaître une île. Ils accostent. Laissant son camarade d’infortune dans la jungle, Braddock part explorer l’île et tombe dans un piège aux pieds des fortifications du domaine du Dr. Moreau (Burt Lancaster)…
L’île du Docteur Moreau est une excellente adaptation du roman d’H.G. Welles. Elle diffère de la première version 1932 avec Charles Laughton par l’humanité avec laquelle cette version traité les « monstres ». L’approche du Dr. Moreau est aussi différente. Burt Lancaster (impérial), incarne un homme de science qui œuvre pour le bien de l’humanité. Ses expériences, aussi épouvantables soient-elles, ont un but précis : l’amélioration de l’être humain. Sur son île, il a construit un embryon de monde utopique avec ses lois et renouant avec une hiérarchie sociale primitive. Le Dr. Moreau n’est plus un scientifique fou, mais un savant en marge du corps scientifique. Mis à l’index par ses pairs, il s’est isolé sur une île afin de poursuivre ses recherches. Son but est de contrôler l’évolution génétique des cellules afin d’éviter des malformations à la naissance et d’autres problèmes. Au fil des manipulations et interventions chirurgicales, le Dr. Moreau a créé une population de créatures mi-animales mi-humaines. Les animaux ont acquis la parole et une intelligence qui les rapproche de l’homme, mais la transformation n’est pas complète. La mutation s’arrête en chemin, et même régresse. Ses êtres hybrides finissent dans la forêt autour du camp retranché du Dr. Moreau.
Les monstres sont soumis à des lois édictées par le Dr. Moreau qui maintienne le corps social, les enfreindre et c’est la mort. Condamnés à sorte d’esclavage et à des interventions douloureuses, les monstres survivent dans un entre-deux, physique et moral, entre pulsion sauvage et civilisation. Dans ce paradis à l’écart du monde, Braddock découvre une femme à la beauté magnifique, Maria (Barbara Carrera, renversante de beauté). L’ambiguïté perdurera jusqu’au bout, est-elle une femme ou une créature du Dr. Moreau ?
Don Taylor avant de devenir un petit-maître du cinéma fantastique avait débuté comme acteur. Il était le fiancé puis le mari d’Elizabeth Taylor dans Le Père de la mariée (Fathers of the Bride, 1950) et Allons donc papa ! (Fathers’s Little Dividend, 1951) deux succès de Vincent Minnelli avec Spencer Tracy et Joan Bennett. Deux films magnifiques dans sa carrière : La Cité sans voile (The Naked City, 1948) de Jules Dassin et dans Bastogne (Battleground, 1949) de William A. Wellman. Don Taylor fait partie du pool d’acteur sous contrat avec la MGM. Il passe à la télévision en 1956 et commence une carrière de réalisateur. Il enchaîne les épisodes de série dont sept pour l’anthologie des Alfred Hitchcock présente. Don Taylor a une sérieuse expérience de la direction d’acteurs et de la rapidité d’exécution quand en 1961, il dirige son premier film pour le grand écran. Everythins Ducky est une comédie avec Mickey Rooney et Buddy Hackett qui ne casse pas trois pattes à un canard. Il poursuit son activité à la télévision avant de revenir au grand écran avec Les dompteurs du Pacifique (Ride the Wild Surf, 1964), sur le surf. Il attire l’attention qu’avec le western 5 hommes armés (Un esercito di 5 uomini) coécrit par Dario Argento avec Peter Graves, James Daly, Bud Spencer et Nino Castelnuovo et Tetsurô Tanba. Taylor se laisse à nouveau tenté par le western avec Un cow-boy en colère (The Great Scout & Cathouse Thursday, 1976) avec Lee Marvin et Oliver Reed en 1975, tout en poursuivant une intense activité télévisuelle. Le cinéma fantastique va lui donner ses lettres de noblesse et une reconnaissance parfaitement méritée.
Don Taylor ordonne parfaitement toutes les nuances de l’histoire durant une imparable progression scénaristique. Encore une fois, Burt Lancaster est superbe. Le film se situe dans sa carrière entre deux autres films superbes et méconnus : L’ultimatum des trois mercenaires (Twilight’s Last Gleaming, 1976) de Robert Aldrich et Le Merdier (Go Tell the Spartans, 1978) de Ted Post. Michael York, autre très bon choix, pour incarner un homme tiraillé, impuissant face à l’horreur de la souffrance qu’il découvre sur l’île, et arrêté par le discours débité par le Dr. Moreau sur le bénéfice pour l’humanité de ses recherches.
Techniquement, Don Taylor a su s’entourer pour mener à bien son projet. La photographie de Gerry Fisher est remarquable, de la splendeur de mer infinie à la jungle, aux nuits oppressantes, c’est de toute beauté. Quelques mouvements d’appareils quasi-invisibles n’en demeurent pas moins d’une grande complexité. Gerry Fisher, chef op, attitré de Joseph Losey, venait de terminer Mr. Klein, en France, quand il arrive à Sainte-Croix aux Îles Vierges pour le tournage. Laurence Rosenthal, réussi une partition de premier ordre, variée, puissante et inquiétante, dans la droite ligne de Jerry Goldsmith (on pense parfois au score de La Planète des singes). Les maquillages impressionnants des créatures sont l’œuvre de John Chambers, un génie, à qui l’on doit la révolution technique avec ses prothèses pour la Planète des singes, mais aussi les oreilles pointues de M. Spock dans Star Trek.
Les évadés de la planète des singes (Escape from the Planet of the Apes, 1971 – troisième volet sur les cinq), L’île du Dr. Moreau, Damien, la Malédiction 2 (Damien : Omen II, 1978) et Nimitz, retour vers l’enfer (The Final Countdown, 1980), une poignée de films auront suffi à Dan Taylor pour entrée dans le panthéon du genre. Le final de L’île du Docteur Moreau dans un déchaînement apocalyptique de violence est époustouflant.
Fernand Garcia
L’île du Docteur Moreau, est disponible en Digipack (Blu-ray- DVD et livret) chez ESC Editions, dans un très beau report HD, avec en complément : L’ïle des Humanimaux, excellente présentation du film, de l’œuvre de H.G. Wells aux secrets de tournage du film de Don Taylor par Alexandre Jousse (26 minutes).
L’île du Docteur Moreau (The Island of Dr. Moreau) un film de Don Taylor avec Burt Lancaster, Michael York, Nigel Davenport, Nigel Davenport, Barbara Carrera, Richard Basehart, Nick Cravat, The Great John L., Bob Ozman, Fumio Deura… Scénario : John Herman Shaner et Al Ramrus d’après le roman d’H.G. Wells. Directeur de la photographie : Gerry Fisher. Décors : Philip M. Jefferies. Costumes : Richard La Motte. Effets spéciaux : Cliff Wenger. Maquillage : John Chambers, Tom Burman, Ed Butterworth. Montage : Marion Rothman. Producteurs exécutifs : Samuel Z. Arkoff et Sandy Howard. Producteurs : John Temple-Smith et Skip Steloff. Production : Major Production / Cinema 77 / AIP. 99 minutes. Couleur. Format image : 1,85 :1. Son : Version original sous-titrée en Français et Version Française. Tous Publics.