Will Lockhart est convoyeur de marchandises en provenance de Fort Laramie, il doit les livrer à l’épicerie dans la petite ville de Coronado. En chemin, il s’arrête à l’endroit où son frère et ses camarades d’un régiment de cavalerie sont tombés dans une embuscade tendue par les Indiens. Pour Lockhart, les marchandises ne sont qu’un prétexte pour arpenter la région, il poursuit un but – retrouver les responsables de la mort de son frère. A Coronado, il découvre que la ville, ainsi que la région, est aux mains d’un riche propriétaire, Alec Waggoman…
L’homme de la plaine est une somme des westerns d’Anthony Mann avec James Stewart. C’est une tragédie antique forte et puissante sur des destins brisés. Tous les personnages sont d’une manière ou d’une autre liés. Will Lockhart (James Stewart) n’est pas le héros traditionnel du western. C’est un homme ordinaire hanté par son passé. Dans la vengeance de son frère, il cherche une rédemption, l’apaisement de ses souffrances silencieuses. Sa vie est aussi aride que le paysage. Dans cet environnement, tous les personnages semblent en fin de vie. Le vieux Waggoman réalise que son domaine s’effondrera avec sa disparition. Son fils Dave (Alex Nicol), instable et capricieux, est incapable de prendre sa succession. Son futur gendre Vic (Arthur Kennedy) est un calculateur qui attend de tout reprendre à son compte. Seule sa fille Barbara rêve d’autres espaces. Le rêve peut aussi être source de cauchemar. Ainsi le vieux Waggoman, au cours d’une des plus belles séquences, fait-il état à Lockhart du rêve d’homme qui viendra abattre son fils. Des vies ratées que le vide va absorber définitivement. Impression renforcée par l’admirable utilisation du CinémaScope par Anthony Mann.
L’homme de la plaine est un western progressiste. Alors que dans n’importe quel autre western, Lockhart serait en chasse des Indiens. Mann prend une autre option. Les responsables de la mort du frère de Lockhart ne sont pas ceux qui ont porté les coups, mais ceux qui ont vendu les armes. Ce sont ceux qui tirent profit du malheur des autres et qui s’enrichissent, qui sont tenus pour responsables. C’est une prise de position politique de la part d’Anthony Mann pour le moins courageuse.
L’homme de la plaine est le dernier western de l’association Mann/Stewart. James Stewart est pendant cinq brèves mais intenses années l’acteur fétiche d’Anthony Mann. Entre 1950 et 1955, huit films les réunissent dont cinq westerns majeurs du cinéma américain. C’est James Stewart qui contacte Anthony Mann, son ancien compagnon de théâtre, impressionné par ses réalisations. Mann lui confie un premier rôle dans Winchester 73 (1950), premier western des deux compères et véritable coup de maître, suivent Les Affameurs (Bend of the River, 1952), L’Appât (The Naked Spur, 1953), Je suis un aventurier (The Far Country, 1954) et L’homme de la plaine. En parallèle de ses admirables westerns, Mann et Stewart se retrouvent sur Le Port des passions (Thunder Bay, 1953), The Glenn Miller Story (Romance inachevée, 1954) et enfin dans le film de guerre Strategic Air Command (1950), leur dernière collaboration. Les causes de leur séparation restent floues, on évoque parfois des orientations politiques divergentes, Stewart étant plutôt conservateur alors que Mann était progressiste. Les deux hommes seront à l’affiche d’autres westerns. Anthony Mann en réalisera d’autres tout aussi remarquables: La charge des Tuniques bleues (The Last Frontier, 1955) avec Victor Mature, Du Sang dans le désert (The Tin Star, 1957) avec Henry Fonda, L’Homme de l’Ouest (Man of the West, 1958) avec Gary Cooper et La Ruée vers l’Ouest (Cimarron, 1960) avec Glenn Ford.
Précision pour conclure que L’homme de la plaine est un pur chef-d’œuvre.
Fernand Garcia
L’homme de la plaine est édité pour la première fois en Blu-ray (disponible aussi en DVD) dans une somptueuse copie restaurée en 4K par Sidonis/Calyste dans la collection Western de légende, édition spéciale. En complément de programme, une double présentation, la première par Bertrand Tavernier qui revient longuement sur le film, la mise en scène d’Anthony Mann, le scénario et les rapports entre le cinéaste et James Stewart (26 mn), et la seconde par Patrick Brion, grand spécialiste du western, qui replace le film dans l’histoire du western et dans son époque, 1955, une année exceptionnelle pour le genre (13 mn). Enfin, la bande-annonce et une galerie de photos et d’affiches de L’homme de la plaine.
L’homme de la plaine (The Man From Laramie) un film de Anthony Mann avec James Stewart, Arthur Kennedy, Donald Crisp, Cathy O’Donnell, Alex Nicol, Aline MacMahon, Jack Elam… Scénario : Philip Yordan, Frank Burt d’après le feuilleton paru dans le Saturday Evening Post histoire de Thomas T. Flynn. Directeur de la photographie : Charles Lang. Consultant couleur : Henri Jaffa. Décors : Cary Odell. Montage : William A. Lyon. Musique : George Duning et Lester Lee. Producteur : William Goetz. Production : Columbia Pictures. Etats-Unis. 1955. 104 mn. Couleur. Technicolor. CinémaScope. Format image : 2.35 : 1. Image et son restaurés, version VOST et VF. Son : 2.0/5.1. DTS HD. Tous Publics.