Les voitures tuent dans le petit village rural de Paris, en Australie. Après un étrange accident de voiture, un homme dont le frère a été tué, est retenu prisonnier dans une petite ville australienne et découvre la noirceur de l’Outback.
Série B à petit budget imaginée comme une métaphore de l’Australie, Les Voitures qui ont mangé Paris est le premier long métrage de Peter Weir. Violent et noir, le film est dans la lignée du précédent film du cinéaste, le moyen métrage Homesdale (1971) qui le fait connaitre alors que le cinéma australien commence sa renaissance avec le mouvement de l’Ozploitation.
À la fin des années 60, l’Australie ne produit plus de longs métrages depuis quinze ans, et la possibilité même de l’existence d’un cinéma national ne suscite aucun intérêt auprès d’un public qui se contente des productions anglaises et américaines qui monopolisent les écrans. Débarque alors une génération de cinéastes, formés pour la plupart à l’étranger, qui ne souhaite pas se limiter aux courts métrages, aux documentaires ou à travailler pour la télévision, et qui va profiter d’une série de lois favorables à la création artistique pour donner naissance à ce qui deviendra la Nouvelle Vague du cinéma australien.
De la comédie à l’horreur sanglante, en passant par des films d’action bien souvent teintés de science-fiction ou de fantastique, ou œuvres inclassables, ce sont des centaines de films qui vont, durant près de deux décennies, former la majorité du mouvement de ce que l’on nomme aujourd’hui l’Ozploitation. Parmi les œuvres les plus représentatives de ce mouvement, aux côtés de celles de Peter Weir, on retrouve entre autres, Wake in Fright (1970) de Ted Kotcheff, La Randonnée (1970) de Nicolas Roeg, ces deux premiers films ayant la particularité d’avoir été réalisés par des cinéastes Canadien et Anglais, Alvin Purple (1973) de Tim Burstall, Inn of the Damned (1975) de Terry Bourke, Mad Dog Morgan (1976) de Philippe Mora, Oz (1976) de Chris Löfvén, Journey Among Women (1977) de Tom Cowan, The FJ Holden (1977) de Michael Thornhill, Mad Max (1977) de George Miller, Patrick (1978) de Richard Franklin, Réaction en chaîne (1980) de Ian Barry, Goodbye Paradise (1981) de Carl Schultz, Road Games (1981) de Richard Franklin, Next of Kin (1982) de Tony Williams, Razorback (1984) de Russell Mulcahy, ou encore Fair Game (1986) de Mario Andreacchio.
Comme le raconte le cinéaste, l’idée du scénario du film lui est venue lors d’un voyage en Europe avec sa compagne au cours duquel, un jour qu’il traversait une route française dans une brume qui envahissait le paysage, il fut poussé à faire demi-tour par deux individus à l’allure inquiétante lui signalant des travaux qui semblaient ne pas exister. Une anecdote qui préfigure les atmosphères singulières et étranges des débuts du réalisateur.
Si l’intrigue du film est située dans un petit village de fiction appelé Paris, celui-ci a été tourné à Sofala, un village d’environ 200 habitants situé en Nouvelle-Galles du Sud, au sud-est de l’Australie.
Derrière une façade de petite bourgade paisible et respectable se cache une cité de pirates de la route, dont le système économique repose essentiellement sur le pillage et le meurtre. Les Voitures qui ont mangé Paris plonge le spectateur dans un mystérieux village rural et lance donc la première partie (australienne) de la carrière de Peter Weir. Comme le confirmeront ses films suivants, Pique-nique à Hanging Rock (Picnic at Hanging Rock, 1975) et La Dernière Vague (The Last Wave, 1977), dès Les Voitures qui ont mangé Paris, le cinéma de Peter Weir tend vers le mystérieux et le fantastique, tout en évoquant dans le même temps les différentes cultures aborigènes de son pays. En écho à la manière dont l’Australie s’est construite, l’inquiétante étrangeté qu’instaure le cinéaste et la violence sourde qui menace à chaque instant happe le spectateur. L’immensité des territoires reculés de l’Outback et ses habitants rappellent immanquablement l’Amérique profonde des Rednecks. Comment ne pas penser à l’immense Délivrance (Deliverance, 1972) de John Boorman ?
La photographie du film est signée John R. McLean. La bande originale atmosphérique du film est l’œuvre du compositeur australien Bruce Smeaton qui retrouvera le cinéaste l’année suivante pour Pique-nique à Hanging Rock. De même pour David Copping, le chef décorateur du film. Le comédien Terry Camilleri qui interprète le personnage d’Arthur Waldo retrouvera lui aussi Peter Weir pour un petit rôle dans The Truman Show (1998).
Sorti aux Etats-Unis sous le titre The Cars that eat people, Les Voitures qui ont mangé Paris a connu un sévère remontage provoquant l’effacement du côté allégorique pour ne mettre en lumière que la violence de l’histoire hors de son contexte. Avec dix-sept minutes de moins que la version originale, la version américaine du film n’a pas manqué de provoquer la colère du réalisateur.
Ruraux renfrognés à la nature monstrueuse sous-jacente et toute-puissance de l’automobile, unique connexion de ces régions reculées à la « civilisation » et ici, presque humanisée… les caractéristiques d’un genre sont données. A travers une satire volontiers loufoque et innovante et les ingrédients d’un genre qui inspireront évidemment Mad Max, la grande saga australienne de George Miller, Les Voitures qui ont mangé Paris pose les bases du cinéma de Peter Weir et marque les débuts de l’Ozploitation. Envoûtant.
Steve Le Nedelec
Les Voitures qui ont mangé Paris, une édition combo (2 Blu-ray + DVD) d’ESC Editions – BAC Films avec en compléments : une présentation du film par Bernard Borie (4 minutes). Entretien autour du film avec Yves Alion, critique à L’Avant-scène Cinéma. Le court métrage : Three to Go : Michael de Peter Weir (1969, 30 minutes). Et la bande-annonce originale des Voitures qui ont mangé Paris. L’éditeur ajoute à cette édition un deuxième Blu-ray avec Le Plombier, un très bon thriller de Peter Weir (1979 – 75 minutes.) En suppléments : avec une présentation du film par Bernard Borie (3’). Un entretien à propos du film avec Yves Alion (18 minutes) et enfin, la bande-annonce originale.
Les Voitures qui ont mangé Paris (The Cars That Ate Paris) un film de Peter Weir avec John Meillon, Terry Camilleri, Kevin Miles, Rick Sculy, Bruce Spence, Max Gillies… Scénario : Peter Weir d’après une histoire de Peter Weir, Keith Gow et Piers Davies. Directeur de la photographie : John R. McLean. Décors : David Copping. Costumes : Ron Williams. Montage : Wayne LeClos. Musique : Bruce Smeaton. Producteurs : Hal McElroy et Jim McElroy. Production : Royce Smeal Film Productions – Salt-Pan – The Australian Film Development Corporation. Australie. 1974. 88 minutes. Eastmancolor. Panavision. Format image : 2.39:1. Son : Version originale avec sous-titres français et Version française. DTS-HD 2.0. Sélection Festival de la Cinémathèque – Toute la Mémoire du Monde, 2024