La première fois de cinq jeunes femmes totalement différentes les unes des autres. Marie-Claude est courtisée par deux jeunes hommes, mais c’est à un inconnu rencontré dans une fête foraine qu’elle se donne. Geneviève, jeune fille réservée de bonne famille, connaît une nuit de noces ratée. Christine trompe son petit ami, un noble stupide, avec un sculpteur qu’elle aime. Sophie et Mickey sont éperdus d’amour. Les deux tourtereaux cherchent un endroit où faire l’amour. Nora est amoureuse du directeur du laboratoire dans lequel elle travaille. Mais celui-ci est marié et ne veut coucher avec elle qu’après son divorce et leur mariage. Imaginant que sa virginité est un obstacle à leur relation, Nora se donne à un autre homme…
Après le succès des Dragueurs, plus d’un million et demi d’entrées sur la France, Jean-Pierre Mocky a connu deux échecs injustes : Un Couple et Les Snobs. Il entreprend un retour sur la jeunesse française de ce début des années 60. Les Vierges est en quelque sorte le pendant des Dragueurs. C’est à partir de témoignages recueillis auprès des lectrices d’un magazine que Mocky va bâtir son scénario.
Pour Les vierges, Jean-Pierre Mocky adopte le point de vue inverse des Dragueurs. Ici, c’est celui des jeunes femmes, à un moment précis de leur existence, juste avant la perte de leur virginité. Cinq histoires s’entremêlent, cinq « destins » de jeunes femmes face à leurs désirs et confrontées aux carcans d’une société conservatrice.
Dans Les vierges, la ligne de partage entre les hommes et les femmes est particulièrement claire : d’un côté les hommes, jouisseurs, profiteurs, menteurs et finalement assez lâches. De l’autre – les femmes, plus sensibles, lucides, rêveuses et calculatrices. Ce sont elles qui prennent l’initiative, bonne ou mauvaise, mais qui décident de quand et comment. Seul, le petit couple de jeunes prolétaires est sur un même pied d’égalité. Leur relation est saine et sincère. Toutes les autres sont condamnées à long terme.
Mocky dirige à nouveau Charles Aznavour, qui incarne ici un quasi-prolongement de son personnage de Joseph, le jeune homme en quête d’amour des Dragueurs. Il est un homme installé, qui a eu des maîtresses et qu’une jeune fille pure va faire chavirer. Ce rapport d’un homme d’âge mur et d’une jeune vierge se retrouve dans la dernière partie du Mari de Léon. Mais dans Les vierges, la relation est de part et d’autre sincère, alors qu’elle n’est que cynisme dans Le Mari de Léon. Autres temps autres mœurs.
Les vierges est la première collaboration entre Jean Poiret et Mocky. Il interprète avec une incroyable sûreté, un banquier imbu de lui-même et assez infâme, mais presque sympathique comparé au jeune noble, son subalterne, qu’incarne avec tout le cynisme requis le jeune Gérard Blain.
Francis Blanche se délecte visiblement de son personnage de noble, troisième des huit collaborations avec Mocky. Ce génie de la répartie comique fera sa dernière apparition à l’écran dans Un linceul n’a pas de poche, en 1974.
Les vierges étant une coproduction avec l’Italie, on retrouve au générique une toute jeune actrice italienne Stefania Sandrelli. C’est son premier film hors d’Italie et son cinquième. A tout juste 17 ans, elle venait de connaître un énorme succès avec Divorce à l’Italienne de Pietro Germi avec Marcello Mastroianni. On la retrouvera par la suite au générique de bon nombre de coproductions franco-italiennes et elle connaîtra une consécration internationale avec le film de Bernardo Bertolucci, Le conformiste (1970).
Les Vierges est mal accueilli par une presse défendant un code moral issue de l’après-guerre. Comme pour Les Dragueurs, Jean-Pierre Mocky montre des jeunes, ici des jeunes femmes, qui étouffent sous le poids des conventions et des traditions, les enfermant dans un simple rôle de mère au foyer. Irrespirable ! L’aboutissement de tout cela sera mai 68, qui fera voler en éclats une société patriarcale où la jeunesse n’avait d’autre possibilité que de se soumettre. Film après film, avec ses petites études de mœurs, Mocky anticipe ces bouleversements alors en gestation au sein d’une jeunesse avide de liberté. Le public ne s’y trompera pas et fera un triomphe au film avec plus de 3 millions de spectateurs.
Fernand Garcia
Les Dragueurs, est édité par ESC distribution avec en complément une interview de Jean-Pierre Mocky autour du film.
Les vierges, un film de Jean-Pierre Mocky avec Charles Aznavour, Gérard Blain, Francis Blanche, Jean Poiret, Charles Belmont, Stefania Sandrelli, Catherine Diamant, Josiane Rivarolla, Catherine Derlac, Anne-Marie Sauty, Jean-Pierre Honoré, Patrice Laffont, Johnny Monteilhet, Paul Mercey, Paola Falohi, Jean Tissier, Claude Mansard, Viviane Gosset… Scénario : Jean-Pierre Mocky. Adaptation & Dialogues : Alain Moury, Catherine Claude, Geneviève Dormann & Monique Lange. Directeur de la photographie : Eugen Shuftan. Décors : Pierre Tyberghein. Montage : Marguerite Renoir. Musique : Raymond Lefévre & Paul Mauriat. Producteur : Jean-Pierre Mocky. Production : Boréal – Balzac Films (Paris) – Stella Film (Milan). France – Italie. 1962. 92 minutes. Tous Publics.