Meadowvale, Californie, 9 juin 1970. En ce jour d’éclipse, le vent souffle fort sur l’hôpital de la ville. Le docteur (José Ferrer) arrive pour trois accouchements. Au moment de l’éclipse totale, deux garçons et une fille viennent au monde. Le 1er juin 1980, la nuit est tombée sur le cimetière de Meadowvale. Anne Smith (Erica Hope) et Duke Benson (Ben Marley) se sont donné rendez-vous en amoureux. Le garçon propose de jouer à l’ambulance. Un jeu très simple, ses doigts se glisse là où tout est interdit, sans respecter les feux rouges comme une ambulance. Afin d’aller plus loin, les deux amoureux descendent dans une fosse fraîchement creusée. Le couple ignore qu’il est observé…
Les Tueurs de l’éclipse est une bonne surprise. Il s’agit d’un petit slasher qui débute comme un film de science-fiction puis vire au thriller. Le film est certainement plus terrorisant pour un membre d’un comité de censure (pardon, de classification) que pour un spectateur. D’une manière générale, un film présentant un enfant ou des enfants tueurs comme dans Les Tueurs de l’éclipse se retrouve quasi systématique lourdement sanctionné. Le film d’Ed Hunt n’échappe pas à la règle, interdit aux moins de 18 ans (ramené à moins de 16 ans après la réforme), comme le génial Les révoltés de l’an 2000. Les Tueurs de l’éclipse, loin d’être un film incitatif (on se demande bien à quoi) est un suspense fort bien mené teinté d’un humour noir particulièrement bienvenu.
Un jeune trio d’enfants entreprend de se débarrasser définitivement de tous ceux qui représentent l’autorité, parents, enseignants, policiers, voire de tous les adultes de leur petite ville. Ils sont nés tous les trois le jour d’une éclipse. L’une des bonnes idées du scénario concerne les moyens qu’utilisent les enfants pour tuer les adultes, corde à sauter, skateboard, arc et flèches, mais aussi du plus sérieux avec du poison et un revolver. Là aussi, le film est assez réjouissant dans sa mise en scène des difficultés que rencontrent les enfants dans la réalisation de leurs sinistres projets.
Le film reste à la hauteur des gamins. Dans leur itinéraire, le trio tombe sur un os, un autre gamin découvre leur sinistre projet et sa sœur, future prof et nurse pour arrondir ses fins de semaine. Classique pour un film de genre. Elément positif, les petits sont déjà atteints par une réelle perversité. La plus jeune n’hésite pas à faire payer ses camarades, garçons, 25 centimes, pour observer à travers un trou le mur de sa chambre, sa grande sœur, dans la pièce adjacente, se désaper.
Ed Hunt, son réalisateur, n’a connu, à ma connaissance qu’un autre film distribué dans les salles françaises, L’invasion des soucoupes volantes (Starship Invasions, 1977) avec Robert Vaughn et Christopher Lee, production assez fauchée sur une civilisation extra-terrestre adepte d’expériences sur les Terriens. Ed Hunt est un passionné des OVNI et y consacrera un documentaire UFO’s are Real (1979), inédit en France, mais qui a bonne presse.
Ed Hunt débute après avoir abandonné ses études de chimie à l’UCLA pour se lancer dans le cinéma. Dans une interview, il déclare que cette passion est née le jour où il a vu Louis Malle sortir d’une limousine au bras de Brigitte Bardot et Jeanne Moreau (pour la promo de Viva Maria !). A la suite de cette illumination, le jeune Ed Hunt se tourne définitivement vers le cinéma. Il apprend le métier sur le tas en exerçant à peu près tous les jobs. En 1969, il dirige The Freudian Thing, un moyen métrage érotique. Les temps sont durs. Ed Hunt retourne dans son Canada natal, il rame pas mal puisqu’il ne trouve de financement que quatre ans après pour son premier long Pleasure Palace (1973), il continue dans l’univers de l’érotisme et du voyeurisme.
Après un dernier film de charme, Diary of a Sinner (1974), Point of No Return (1976) est la première manifestation sur grand écran de sa passion pour les OVNI et autres Aliens. Ed Hunt tourne tant bien que mal jusqu’en 1988, 9 films et un unitaire TV consacrés aux héros de la bible (nous ne sommes pas loin des forces extraterrestre) ! Il s’arrête pour se consacrer à sa mère malade et au boursicotage. Il ne revient au cinéma que 26 ans après son dernier film, avec Halloween Hell (2014) série Z, au microscopique budget, où Eric Roberts incarne un dingue se prenant pour le comte Dracula. Depuis, Ed Hunt a disparu des radars. Est-il toujours vivant ou a-t-il été kidnappé par des extra-terrestres ? Mystère… Les Tueurs de l’éclipse, jusqu’à preuve du contraire, est son meilleur film.
Les Tueurs de l’éclipse est dans l’ensemble assez invraisemblable, en cours de route, on en vient à se demander : mais que fait la police ? Mais le rythme et les rebondissements, ainsi que la qualité du découpage, font passer la pilule. Ed Hunt réunit au casting deux vedettes, José Ferrer (pour quelques secondes) et Susan Strasberg, un rôle de prof pas vraiment commode, plus long. De quoi avoir deux têtes d’affiche. La jeune nurse n’a pas le charme de Jamie Lee Curtis, mais Lori Lethin tire son épingle du jeu. Quelques scènes distillent une réelle tension, comme celle du jeune garçon, victime du trio, enfermé dans un placard métallique perdu dans une décharge de ferraille. Ed Hunt ajoute une pointe d’érotisme dans la norme du genre des années 80. Le twist final, ouvert, est vraiment excellent et donne une idée d’une Amérique gangrenée par la violence, car au sein des familles germent les graines du mal, une fin amorale, digne d’un conte noir.
Fernand Garcia
Les Tueurs de l’éclipse, une édition Sidonis-Calysta disponible dans la collection Cauchemar, pour la 1er fois en DVD et Blu-ray, unitaire et combo, dans un excellent report HD, sans complément.
Les Tueurs de l’éclipse (Bloody Birthday), un film de Ed Hunt avec Lori Lethin, Melinda Cordell, Susan Strasberg, José Ferrer, Julie Brown, Joe Penny, Bert Kramer, K.C. Martel, Elizabeth Hoy, Billy Jacoby, Andy Freeman… Scénario : Ed Hunt et Barry Pearson. Directeur de la photographie : Stephen Posey. Décors : Lynda Burbank & J. Rae Fox. FX : Roger George. Montage : Ann E. Mills. Musique : Arlon Ober. Producteurs exécutifs : Steven R. McGlothen, Daniel H. Blatt et Max Rosenberg (non-crédités). Producteur : Gerald T. Olson. Production : Judica Productions. Etats-Unis. 1981. 85 minutes env. Metrocolor. Panavision. Format image : 1.66 :1. 16/9e Version Originale avec ou sans sous-titres français et Version française. Interdit aux moins de 16 ans.