Dans un pays d’Amérique du Sud sous une dictature, des prisonnières sont détenues dans un camp perdu dans la jungle amazonienne. Elles sont exploitées dans d’épouvantables conditions dans une mine d’émeraudes à ciel ouvert. Condamnées sans espoir d’une quelconque liberté, elles sont les esclaves de Jordan (Luciano Rossi) le directeur du camp, et de sa maîtresse Margot (Gota Gobert), une ex-prisonnière. Le filon d’émeraude se tarit tandis que les prisonnières meurent d’épuisement. Jordan redoute que ses commanditaires l’abandonnent. De nouvelles condamnées remontent le fleuve sous la surveillance d’Orinoco (Stelio Candelli) et de ses hommes. A son bord, Maria (Cristina Lay), condamnée pour avoir coupé les couilles d’un patron trop entreprenant. Dans la jungle, un groupe de révolutionnaires sous les ordres de Juan Laredo (Anthony Steffen) attend les prisonnières afin de les utiliser pour prendre le camp. Ils espèrent ainsi mettre de la main sur les émeraudes pour financer la révolution. Mais pour cela, ils doivent se débarrasser des gardiens. Une embuscade est mise en place…
Les tortionnaires du camp d’amour, est un pur produit du cinéma bis italien. Il ne faut pas prendre en compte le titre français pour son exploitation en salles, Les tortionnaires du camp d’amour n° 2, le film n’est pas une suite. En revanche, il a été tourné en même temps que Les évadées du camp d’amour, même équipe avec quasiment les mêmes acteurs et dans les mêmes décors. Il s’agit simplement pour la production d’une économie d’échelle, deux films pour le prix d’un.
Les tortionnaires du camp d’amour, s’inscrit dans la liste des films de camp de femmes, un sous-genre du film de prison de femmes (Women in Prison), lui-même un sous-genre du film de prison ! Les tortionnaires du camp d’amour est avant tout une mise en scène de l’érotisme, une petite machine à fantasmes, mais contrairement aux Evadées du camp d’amour, il bénéficie d’un scénario un peu plus élaboré. Les révolutionnaires s’associent avec les prisonnières pour vaincre les gardiens de la prison et atteindre à un idéal politique. Le contexte révolutionnaire donne du piment au film, auquel s’ajoute une petite dimension surnaturelle avec le personnage de Muriel (Ajita Wilson) doté de dons divinatoires. Edoardo Mulargia semble plus « concerner » par Les Tortionnaires… et lui donne un petit air de western dans le combat final pour la prise du camp.
Les prisonnières sont maltraitées, humiliées, violées, nues sous leurs robes déchirées. Le programme minimum pour un film d’exploitation. Elles sont le moteur de l’histoire et la justification de l’existence du film. Contrairement aux Evadées du camp d’amour, les personnages féminins sont plus importants et bien mieux définis. Deux actrices surnagent : Cristina Lai ou Lay suivant les crédits sur les affiches et les génériques et l’actrice américaine trans Ajita Wilson.
Cristina Lay, incarne Maria, la jeune femme rebelle éprise de liberté au destin tragique. Elle est la Liberté guidant le peuple, les seins à l’air en permanence durant la prise du camp par les détenues et les révolutionnaires. Cristina Lay donne de sa personne dans des scènes à l’engagement physique total, jetée à terre, rouée de coups, pieds nus dans la forêt et vêtue uniquement des lambeaux d’une robe en toile de Jute.
Cristina Lay n’hésite pas à dévoiler son intimité dans deux scènes de sexy, l’une brutale où elle est violée par deux gardiens, l’autre saphique avec Ajita Wilson, à laquelle, elle se soumet. La belle Cristina Lay disparaît des radars après ses deux films, elle avait joué précédemment dans deux comédies espagnoles : La familia, bien, gracias (1979) de Pedro Maso coécrit par Rafael Azcona (Rêve de singe, La dernière femme, La grande bouffe, Anna et les loups, etc.) et Los energéticos (1979) de Mariano Ozores. Quatre films en l’espace de deux petites années et puis plus rien. Dommage, Cristina Lay avait une réelle présence à l’écran.
Ajita Wilson est né homme, avant de devenir femme. Elle devient une vedette du cinéma érotique. A l’époque, mis en avant pour sa superbe plastique, sa peau d’ébène, sans jamais faire état de son changement de sexe. Les maquilleuses s’efforçent de masquer les différentes cicatrices sur son corps. Les implants mammaires restent visibles sous certains angles, les seins tombant parfois sur le côté. Dans les compléments du film, Maurizio Centini, en fait un portrait touchant, évoquant sa tristesse hors plateau. Ajita Wilson est découverte en Europe dans Parties déchaînées / La princesse noire (La principessa nuda, 1976) de Cesare Canevari, érotique soft où elle partage l’affiche avec Tina Aumont. Le succès du film, la propulsé aussitôt en tête d’affiche. Elle est la beauté sexy noire des années 70 du cinéma d’exploitation en Europe.
Ajita Wilson aurait tourné avant cette escapade sur le vieux continent, plusieurs pornos aux Etats-Unis, encore mal identifiés. Elle est l’élément vendeur de quelques bandes pornos réalisées en Italie. Ajita est décédée d’une hémorragie cérébrale à la suite d’un accident de voiture en Italie. Elle avait 35 ans. Ajita Wilson bénéficie d’une petite dévotion chez les amateurs de cinéma Bis. Curieusement, elle n’est pas encore identifiée et reconnue comme l’une des premières actrices trans. Peut-être que son itinéraire embarrasse au sein des obsédés des identités sexuelles.
Les Tortionnaires du camp d’amour, égrène le chapelet des scènes incontournables du Women in Prison : douches collectives, lesbianisme plus ou moins explicite, érotisme à la limite du porno, humiliations et tortures. On distingue même un certain soin esthétique dans la composition de quelques cadres.
Les Américains compileront les deux films pour en obtenir un troisième, Sauvage Island (1985), avec l’ajout de 10 minutes de scène avec Linda Blair (L’Exorciste), réalisé par Ted Nicolaou. Un métrage final au demeurant assez court avec 79 minutes au compteur. Tripatouillage assez classique au pays de l’Oncle Sam des films en provenance d’autres contrées. Linda Blair récoltera le Razzie de la pire actrice, ce qui n’est pas franchement sympathique.
Edoardo Mulargia réalise avec Les Evadées et Les Tortionnaires du camp d’amour, ses deux derniers films. Il a 54 ans. Mulargia débute en tant que scénariste en 1957. Il passe rapidement à la réalisation avec Le due leggi en 1962. Il trouve véritablement sa voie lors de l’explosion du western. Il réalise son premier gunfight avec Perché uccidi ancora (1965) dans le rôle pricipal Anthony Steffen, qui va devenir son acteur de prédilection. Il signe sous le pseudonyme d’Edward G. Muller.
Son meilleur western est peut-être son dernier, Viva Django ! (W Django, 1971). Il coréalise avec Giampaolo Lomi, un curieux giallo, Tropique du cancer (Al tropico del cancro), rien à voir avec le roman d’Henry Miller. Une réussite tournée en Haïti avec, toujours, Anthony Steffen et Gabriele Tinti et Anita Strindberg. Petite curiosité, la paternité du film est revendiquée par les deux cosignataires ! Edoardo Mulargia décède en 2005 à 79 ans. Une petite carrière d’artisan avec 17 films.
Allez compañeros en route vers l’enfer du cinéma Bis italien !
Fernand Garcia
A lire : Les Evadées du camp d’amour http://www.kinoscript.com/les-evadees-du-camp-damour-edoardo-mulargia/
Les tortionnaires du camp d’amour, une édition combo (DVD + Blu-ray), d’Artus Films, dans un master 2K restauré, présenté en version intégrale. En complément de programme : Du Sang, de la sueur et des larmes, « Bienvenue dans l’univers impitoyable du cinéma Bis italien« , présentation du film par Christophe Bier (33 minutes). La Grande évasion, entretien avec Maurizio Centini, chef opérateur, mais à l’époque du tournage, assistant opérateur. « Nous faisions deux films à la fois en 5 ou 6 semaines maximum« , Centini revient sur le tournage des deux films d’Edoardo Mulargie, riche en anecdotes sur le tournage et portraits croustillants. La première partie de l’entretien est en complément des Evadées du camp d’amour (18 minutes). Artus ajoute dans cette section un diaporama d’affiches et de photos du film.
Les tortionnaires du camp d’amour / Les tortionnaires du camp d’amour n°2 (Orinoco : Prigioniere del Sesso), un film de Tony Moore (Edoardo Mulargia) avec Antony Steffen, Cristina Lai, Ajita Wilson, Stelio Candelli, Luciano Rossi, Aldo Minardi, Franco Daddi, Gobertina Agota, Zaira Zoccheddu, Adelaide Cendre, Valeria Magrini, Maite Nicott, Serafino Profumo, Maristella Greco (Santambrogio)… Scénario : Sergio Chiusi et Roberto Estevez d’après un sujet de Sergio Chiusi. Directeur de la photographie : Valverde Mateos Manuel. Décors : Gumersindo Andrea Lopez. Montage : Gianfranco Amicucci. Musique : Marcello Giombini. Producteurs : Mario Alabiso et Arturo Gonzales. Production : S.N.P.C. (Rome) – Arturo Gonzales (Madrid). Italie – Espagne. 1980. 90 minutes. Telecolor. Format image : 1.85. 16/9e 1920x1080p. Son : Version originale italienne avec sous-titres français et Version française. Dolby Digital. Interdit aux moins de 16 ans.
Une réflexion au sujet de « Les tortionnaires du camp d’amour – Edoardo Mulargia »
Les commentaires sont fermés