L’entrée en matière est rapide: alors que la petite ville s’éveille, le shérif Eli Saunders déboule au saloon. Au comptoir, un métis indien Chato (Charles Bronson) pose un dollar pour un whisky que le barman lui refuse et sert le shérif à la place. « Un saloon pour Blancs, avec de l’alcool pour Blancs » lui balance fièrement le shérif. Il ne laisse qu’une alternative à ce « nègre de peau rouge » – partir avant qu’il ne le tue. Sûr de lui, le shérif dégaine dans le dos de l’Indien, mais Chato est bien plus rapide et l’abat. Aussitôt s’organise un peloton avec à sa tête un ancien confédéré le capitaine Quincey Whitmore (Jack Palance). Autour de lui, il réunit une troupe des plus hétérogènes pour une chasse à l’homme en terre indienne. Il quitte la ville sous les hourras…
Les Collines de la terreur décrit la haine de l’autre jusque dans ses pires extrémités. On comprend dès l’ouverture que le comportement du shérif n’est pas un cas isolé mais la norme, une manière de se faire une place au sein de la communauté. Avec un début aussi direct, on pourrait craindre un film monocorde, sans nuances… il n’en sera rien! Le groupe de fermiers réuni autour du Capitaine Quincey est animé à des degrés divers par la haine des Indiens. Les Collines de la terreur est le portrait à la serpe de ses hommes par un Michael Winner en grande forme.
Le Capitaine Quince, dans son bel uniforme de confédéré, a la stature et l’autorité du militaire. Son sourire en coin révèle un homme malsain qui prend plaisir à voir la violence. La traque de Chaco est pour lui une sorte de revanche sur ses échecs passés, l’occasion de briller une dernière fois. Mais en cours de route, il s’avèrera être faible. Jack Palance incarne avec ce qu’il faut de subtilité un personnage ambigu, sadique, capable de sursaut d’humanité. Palance est l’acteur américain d’origine ukrainienne, Vladimir Ivanovich Palahnuik est né en 1920 à Lattimer Mines en Pennsylvanie. Il suit des études supérieures à l’Université de Caroline du Nord et de Sanford avant de s’engager en 1940 dans l’US Air Force. A la suite d’un grave accident, il doit subir une lourde intervention de chirurgie esthétique. Il débute au théâtre en 1947 et deux ans plus tard remplace sur scène Marlon Brando dans Un tramway nommé Désir. Elia Kazan fait à nouveau appel à Palance pour son film Panique dans la rue en 1950. C’est le début pour Jack Palance d’une longue carrière. Son visage si particulier s’inscrit immédiatement dans la mémoire des spectateurs. Il est l’un des méchants les plus impressionnants du cinéma hollywoodien. Il livre dans Les Collines de la terreur une très belle prestation.
Dans cette expédition le capitaine Quincey embarque les frères Hooker, de véritables dégénérés. Des charognards se comportent comme des bêtes, la haine des indiens est inscrite au plus profond de leurs êtres. Earl (Richard Jordan) est un vicieux qui dès son entrée en scène tente d’abuser d’une jeune femme dont nous ne saurons jamais si elle est sa cousine ou bien sa sœur. Chaque femme qu’il croise est aussitôt un objet de convoitise et c’est sans l’ombre d’un remords qu’il viole (en groupe) la femme de Chato, dans l’une des séquences les plus perturbantes du film. Mais l’être le plus détestable de la famille est Jubal (Simon Oakland), une ordure violente et sadique assoiffée de sang. C’est un mâle dominant, obtus, il fonctionne à l’instinct sans aucune logique et agit avec la plus extrême brutalité. Personne ne peut s’interposer entre lui et ses désirs, il va instaurer au sein du groupe une sorte de terreur froide.
C’est sur la terre de Chato (Le Chato’s Land, du titre original) que s’aventurent ses hommes imbus d’eux-mêmes, incapable d’en voir la beauté. Tout leur semble inutile, hostile, ils sont exacts opposés des Indiens. Le mode de fonctionnement de Chato restera jusqu’au bout une énigme pour eux. Chato va mettre à profit les faiblesses de ses adversaires pour les entraîner au bout d’eux-mêmes. Plongé dans la peur d’une menace invisible et insaisissable, nommé Chato, le groupe se fissure, des rancœurs et des haines des uns envers les autres remontent à la surface, ils finissent par s’entre-tuer… Les Collines de la terreur est un western qui ne cesse de surprendre, sa narration linéaire est un atout qui permet d’entrer dans la psychologie des personnages sans jamais s’appesantir. Le rôle de Chato est taillé sur mesure pour Charles Bronson. Peu présent à l’écran, son personnage hante tous les plans du film. Bronson n’a que quelques lignes de dialogue, l’essentiel est dans l’aura qu’il dégage. Il est physiquement impressionnant en Apache. Ce n’est certes pas son premier rôle d’Indien mais on le sent investi d’une véritable volonté de rendre justice par la justesse de son interprétation à un peuple méprisé. C’est aussi, en parallèle de l’action, le cheminement d’un homme vers son identité: ainsi Chato se débarrasse, au fur et à mesure de l’action, de ses vêtements d’« homme civilisé » pour remette ceux de son peuple. Les Collines de la terreur est, sans aucune ambiguïté, une métaphore de la Guerre du Vietnam.
Tourné entièrement en extérieur à Almería, en Espagne, comme la grande majorité des westerns de la fin des années 60 début 70. Michael Winner et Robert Paytner, son chef opérateur, tirent le meilleur parti du décor sans jamais donner l’impression du déjà-vu par des cadres élaborés extrêmement soignés. Au crédit du film, la superbe musique de Jerry Fielding accompagne parfaitement cette chevauchée de la violence. Fielding est surtout connu pour sa collaboration avec Sam Peckinpah pour lequel il composa d’admirables partitions dont La Horde sauvage et Les Chiens de paille. Il s’illustra aussi sur les films de Clint Eastwood. Il n’en demeure qu’il signa la bande originale de cinq Michael Winner.
Les Collines de la terreur est le premier film du tandem Bronson – Winner. L’entente sera si parfaite entre les deux hommes que cinq autres films suivront. Le Flingueur, Le Cercle noir, le controversé Un justicier dans la ville, Un justicier dans la ville 2 et Le justicier de New York, que des polars et pour les trois premiers de véritables réussites, tandis que les deux derniers se contenteront de surfer sur l’image vengeresse et commercialement gagnante de Bronson.
Les Collines de la terreur, unique western du tandem, est une réussite qui mérite amplement le détour.
Fernand Garcia
Les Collines de la terreur en édition limitée combo DVD-Blu-ray par Sidonis/Calysta dans la collection Western de légende la référence du genre. En complément de programme deux présentations complémentaires. François Guérif revient brièvement sur la carrière de Michael Winner avant d’aborder le film dans lequel il trouve Bronson d’une grande félinité (10 minutes). Patrick Brion resitue Les collines de la terreur dans l’année 1972, réévalue le film et évoque Michael Winner qu’il avait eu l’occasion de rencontrer à ses débuts (7 mn). La bande-annonce et une galerie d’affiches complètent cette section.
Les Collines de la terreur (Chato’s Land) un film de Michael Winner avec Charles Bronson, Jack Palance, James Whitmore, Richard Basehart, Simon Oakland, Ralph Waite, Richard Jordan, Victor French, Sonia Rangan, William Watson, Roddy McMillan… Scénario : Gerald Wilson. Directeur de la photographie : Robert Paynter. Décors : Manolo Mampaso. Montage : Freddie Wilson. Musique : Jerry Fielding. Producteur : Michael Winner. Production : Michael Winner Ldt – Scimitar Fims – United Artists. Etats-Unis. 1971. Couleurs (DeLuxe). 96 minutes. Format image : 1.85 :1. VOST. VF. Tous Publics.