20 juillet 1976. Une sonde atterrie sur Mars. Elle doit apporter la réponse à une question qui taraude l’humanité : « Y a-t-il de la vie sur la planète rouge ? » Les premières constatations donnent l’impression qu’il s’agit d’un immense désert. Mais si le vaisseau s’était posé quelques kilomètres plus loin, les choses auraient pu être différentes. Janvier 1999, 23 ans plus tard, les préparatifs du premier vol habité pour Mars s’achèvent. Une première fusée est lancée et mise en orbite stationnaire dans l’attente de l’équipage. Lors de la conférence de presse, le colonel Wilder (Rock Hudson) précise que cette première mission « n’est que le début d’un effort d’envergure de l’OTAN envers l’exploration d’autres planètes ». Deux astronautes, le Capitaine York (Richard Oldfield) et le Capitaine Conover (Richard Heffer), à bord de la navette Zeus 1, rejoignent la fusée en orbite…
Rimini Editions a la bonne idée d’exhumer des méandres du passé la mini-série Les Chroniques Martiennes et sa version pour le cinéma. Les Chroniques Martiennes, est l’un des fleurons de la littérature de science-fiction, même si son auteur, Ray Bradbury, trouvait que cet étiquetage convenait fort mal à son œuvre. Dans le livre, un seul texte, Viendront des douces pluies, correspond réellement à de la science-fiction classique. Le roman est composé de récits de différentes longueurs, parus pour la plupart, dans diverses revues entre 1946 et 1950. Chroniques Martiennes est une œuvre hybride, pas vraiment des nouvelles, ni des récits, ni des poèmes, mais un peu de tout cela à la fois. Du texte émane une sorte de nostalgie mâtinée d’une profonde mélancolie pour les temps anciens. L’ensemble raconte la colonisation de Mars par les Terriens. Mais sous le vernis poétique, se cache la condamnation sans appel d’une civilisation occidentale, intolérante, raciste, qui condamne à la destruction toute autre forme de culture ou de civilisation. Ray Bradbury réussit par de petites touches, à décrire notre monde occidental reproduit sur Mars. Il en résulte un constat d’échec, celui de l’American Way of Live.
Le travail d’adaptation d’une œuvre aussi simple et complexe à la fois, n’est pas chose simple. Richard Matheson, ami de Bradbury, se charge de l’affaire. Il crée des liens et des transitions entre les différents segments du roman, modifie le caractère et l’aspect physique de quelques personnages et enrichit son adaptation d’un texte de Bradbury issu d’un autre recueil. Ray Bradbury, qui supervise l’adaptation de Matheson, finira par introduire ce récit dans l’édition du quarantième anniversaire. Dans cette édition, le premier récit démarre en janvier 2036 et l’aventure se termine en octobre 2057. L’adaptation de Matheson débute en juillet 1976 et se conclut en novembre 2007, mais cette histoire de datation, n’a pas une importance fondamentale.
Les Chroniques martiennes est un projet que le producteur Milton Subotsky espérait porter au cinéma depuis de nombreuses années. C’est auprès du producteur de télévision Charles M. Fried que le budget est finalement réuni. Le succès de La Guerre des étoiles, de Rencontres du troisième type, entre autres, enclenche la mise en production d’un grand nombre de films de SF. Le scénario des Chroniques Martiennes est beaucoup trop long pour le cinéma, mais dans le cadre d’une minisérie trouve immédiatement preneur. NBC pour les Etats-Unis et la BBC pour le Royaume-Uni apporte une partie du financement.
A la réalisation le britannique Michael Anderson, qui venait de réaliser pour Subotsky, Dominique, variation autour des Diaboliques de H.G. Clouzot, avec Cliff Robertson, Jean Simmons et Jenny Agutter. Anderson s’est illustré par quelques superproductions dont Le tour du monde en 80 jours (Around the World in 80 Days, 1956) produit par Michael Todd afin de mettre, aussi, en valeur son procédé le Todd-AO 70. Le film lui vaut son unique nomination à l’Oscar du meilleur réalisateur, mais décroche celui du meilleur film. Honnête artisan du 7e art, Michael Anderson réalise dans tous les genres, avec une prédilection pour les films de guerre, d’espionnage et d’aventures d’excellentes factures. Il dirige Gary Cooper dans ses deux derniers films, Cargaison Dangereuse (The Wreck of the Mary Deare, 1959) avec Charlton Heston et La Lame nue (The Nacked Edge). Il réalise un très bon film post Dents de la mer, Orca (1977)pour Dino De Laurentiis avec Richard Harris et Charlotte Rampling. La science-fiction l’attire puisqu’il dirige la première adaptation de 1984 de George Orwell en 1956 avec Michael Redgrave, Edmond O’Brien et Jan Sterling, le plaisant Doc Savage arrive (Doc Savage : The Man of Bronze, 1975) et l’excellent L’Age de cristal (Logan’s Run, 1976) avec Michael York, Jenny Aguster et Peter Ustinov, certainement son chef-d’œuvre. Une carrière pour le moins éclectique qui mériterait d’être redécouverte.
La réalisation des Chroniques martiennes souffre d’un manque évident de moyens pour les effets spéciaux. Ils font vraiment pauvres, même pour une production TV de SF de l’époque. Cependant, il émane de la série un charme désuet qui gagne petit à petit en intérêt. Richard Matheson donne une cohésion dramatique au roman et découpe le roman en trois parties : Les Expéditions, Les Colons, et Les Martiens. L’ensemble s’avère toutefois inégal et certaines séquences sont parfois bavardes. Mais l’on retrouve la signature de Matheson dans la manière dont il met en place la solitude qui investit les êtres et les lieux, poussant ainsi le récit vers le fantastique. Matheson condense la durée, ce qui lui permet d’avoir un personnage principal, incarné par Rock Hudson, tout du long de l’histoire.
Dommage que la mise en scène de Michael Anderson ne soit pas plus inventive et un brin plus dynamique. Cependant, il dirige fort bien ses acteurs. Il n’arrive pas à entraîner le film vers des contrées métaphysiques. Il serait toutefois un peu déplacé de vouloir obtenir de Michael Anderson une œuvre comparable à celle de Stanley Kubrick ou d’Andreï Tarkovski. Ce qui n’empêche pas, sur la durée, le film d’exercer un certain charme, par le sentiment d’étrangeté qu’il distille. Il est surprenant que personne n’ait encore envisagé une nouvelle adaptation du roman de Ray Bradbury.
La version cinéma Des Chroniques martiennes est sortie dans les salles françaises en juillet 1980 avant la diffusion de la série aux Etats-Unis. Le report de sa diffusion avait été décidé après les propos de Ray Bradbury, lors d’une conférence de presse, où il s’avouait déçu par le résultat final. Il reviendra des années plus tard sur son avis reconnaissant la qualité du travail de Michael Anderson. La série fut diffusée en France par Antenne 2 en janvier 1982.
Les Chroniques Martiennes, une mini-série, au style hors du temps, à redécouvrir. Et n’oubliez pas que pour les habitants de la planète Mars, les extra-terrestres, c’est nous !
Fernand Garcia
Les Chroniques Martiennes, une édition digipack, avec sur deux Blu-rays les trois épisodes et un Blu-ray avec la version cinéma, chez Rimini Editions dans la collection SF (mention au superbe logo de la collection). En compléments : Retour aux Chroniques Martiennes par Alexandre Jousse, excellente présentation du film avec des animations de Jean-Manuel Costa, un beau document (29 minutes). La Bande-annonce (2 minutes), enfin, un livret Chroniques martiennes, par Pascal Montévill, entièrement consacré à ce monument littéraire signé par Ray Bradbury, accompagne cette édition (20 pages).
Chroniques Martiennes de Ray Bradbury est disponible chez Folio SF n°45.
Les Chroniques Martiennes (The Martian Chronicles) un film de Michael Anderson en trois parties : Les Expéditions (The Expeditions, 1 h 38 mn), Les Colons (The Settlers, 1 h 34 mn) et Les Martiens (The Martians, 1 h 33 mn). Avec Rock Hudson, Gayle Hunnicutt, Bernie Casey, Christopher Connelly, Nicholas Hammond, Roddy McDowall, Darren McGavin, Bernadette Peters, Maria Schell, Joyce Van Patten, Fritz Weaver, Linda Lou Allen, Michael Anderson Jr., Jon Finch, Barry Morse, Vadim Glowna… Scénario Richard Matheson d’après le roman de Ray Bradbury. Directeur de la photographie : Ted Moore. Décors : Assheton Gorton. FX et réalisateur 2e équipe : John Stears. Supervision du montage : John Jympson. Montage : Eunice Mountjoy. Musique : Stanley Myers. Producteurs exécutifs : Charles Fries et Dick Berg. Producteurs : Milton Subotsky et Andrew Donally. Production : Charles Fries Productions Inc. – Stonehenge Productions – Martian Chronicles Productions Limited – BBC – Polytel International. Etats-Unis – Royaume-Uni. 1980. Durée de la version cinéma : 1 h 53 mn. Couleur. Format image : 1,33 :1. 16/9e Son : Version originale avec sous-titres français et Version Française. DTS-HD MA 2.0 monophonique anglais, français. Tous Publics.