Dimanche matin. Laura Wynan (Olivia de Havilland) sort de sa demeure pour une promenade en calèche dans son immense parc. Sa première depuis son retour, après une longue convalescence à la suite de la mort de son mari. Elle a la jouissance de son immense domaine sur lequel son fils, poussé par sa femme, espère revendre en partie à un promoteur immobilier. Lors de sa promenade, elle aperçoit un petit chien qui creuse. Intriguée, elle le rejoint et entend les cris d’une femme venant de sous terre. Atteinte d’arthrose aux doigts, Laura ne peut lui venir en aide. Sous le choc, elle se précipite à la maison, mais ni son fils, Howard (Charles Knox Robinson), ni sa belle-fille Caroline (Laraine Stephens), ni son médecin de famille, le Dr Tresvant (Joseph Cotten, ne la prennent pas au sérieux…
Olivia de Havilland avait la réputation d’avoir un caractère bien trempé. Née en 1916 à Tokyo de parents britanniques, elle est la sœur aînée de Joan Fontaine, née l’année suivante. Après le divorce de ses parents, elle déménage avec sa mère et sa sœur à Saratoga, en Californie. Sous contrat avec la Warner Bros. Olivia de Havilland est la partenaire de choix pour Errol Flynn pour huit films dont les formidables : Les aventures de Robin des Bois (The Adventures of Robin Hood, 1938), Les Conquérants (Dodge City, 1939), La vie privée d’Elisabeth d’Angleterre (The Private Lives of Elizabeth and Essex) de Michael Curtiz et La Charge fantastique (They Died with Their Boots On, 1941) de Raoul Walsh. La Warner la prête à David O. Selznick pour Autant en emporte le vent (Gone with the Wind, 1939) de Victor Fleming (Sam Wood, George Cukor). Production légendaire au succès inouï, véritable monument de l’histoire du cinéma. Olivia de Havilland reçoit sa première nomination à l’Oscar dans un second rôle pour ce film, mais l’académie lui préfère sa partenaire Hattie McDaniel (première actrice noire à recevoir un Oscar).
De retour à la Warner Bros. Elle est « prêtée » cette fois-ci à la Paramount pour Par la porte d’or (Hold Back the Dawn, 1941) de Mitchell Leisen, pour lequel, elle décroche sa deuxième nomination, mais cette fois-ci pour le rôle principal. Elle perd face à sa sœur Joan Fontaine dans Soupçons (Suspicion, 1941) d’Alfred Hitchcock. Il n’en fallait pas moins pour attiser une rivalité acharnée entre les deux sœurs, nourrit de rumeurs et de cancans dans le petit monde hollywoodien. Les deux sœurs s’éloignent l’une de l’autre, ce que confirmera Joan Fontaine à son biographe, Charles Higham, avant de se dédire, brouille qu’Olivia de Havilland, démentira à plusieurs reprises. Ce qui est certain, c’est qu’Olivia de Havilland exige de la Warner de meilleurs rôles de la trempe de ceux de Bette Davis, sa « concurrente » au sein du studio.
Les affaires s’enveniment, en 1943, Olivia de Havilland dénonce son contrat d’exclusivité, où elle est pieds et mains liés avec la Warner, devant les tribunaux. Et contre toute attente, elle remporte la partie. Jugement qui fera date, libérant les acteurs de contrat aux clauses léonines.
Après deux années de mise à l’index, mais le public ne s’en rend pas vraiment compte, puisque les films tournés avant son procès sortent au fur et à mesure dans l’année qui suit. Elle décroche la statuette tant convoitée avec A chacun son destin (To Each His Own, 1946) de Mitchell Leitsen. Elle choisit ses scénarios et préfère attendre de bons scripts, ce qui lui permet d’enchainait quatre grands films : La double énigme (The Dark Mirror, 1946) de Robert Siodmak, La fosse aux serpents (The Snake Pit, 1948) d’Anatole Litvak, L’héritière (The Heiress, 1949) de William Wyler pour lequel, elle décroche son deuxième oscar et Ma cousine Rachel (My Cousin Rachel, 1952) d’Henry Koster avec Richard Burton.
Sa carrière marque un temps d’arrêt dans les années 60. Olivia de Havilland se retrouve face à sa grande rivale Bette Davis dans Chut… chut… chère Charlotte (Hush… Hush, Sweet Charlotte, 1964) de Robert Aldrich. Dans les années 70, elle fait des apparitions dans des grosses productions de films catastrophes à stars : Les Naufragés du 747 (Airport ’77) de Jerry Jameson où elle retrouve Joseph Cotten, et L’inévitable catastrophe (The Swarm, 1978) d’Irwin Allen ou dans des mini-séries prestigieuses : Racines II (1979) Nord et Sud II (1986). Installée de longue date à Paris (elle était naturalisée française), Olivia de Havilland décède le 26 juillet 2020 à 104 ans.
En 1970, Olivia de Havilland est une ancienne gloire de l’âge d’or du cinéma américain. Son nom est encore dans toutes les mémoires, ses films sont régulièrement diffusés à la télévision. Rien d’étonnant à ce qu’Universal lui confie le rôle principal de L’Enterrée vive. Elle partage l’affiche avec deux « guests » de choix, Joseph Cotten et Walter Pidgeon, tous deux impeccables, dans des rôles de médecins. Petite concession de luxe de la part du studio, Edith Head est aux costumes, elle avait obtenu un Oscar pour ceux de l’actrice dans L’héritière. Un autre élément à mettre au crédit du film : la musique obsessionnelle de John Williams qui traduit parfaitement le sentiment de désarroi du personnage principal et surtout de terreur. Williams n’est pas encore le musicien attitré des Spielberg et des blockbusters (Star Wars, Superman…), mais sent déjà le compositeur de talent.
L’Enterrée vive, téléfilm de terreur et de prestige, est au style classique est moins radicale que Duel, chef-d’œuvre de Steven Spielberg, autre téléfilm produit à la même époque par Universal. On retrouve la qualité d’image liée aux productions du studio pour le petit écran, un technicolor contrasté, et une typo pour le générique caractéristique des années 70 que l’on retrouve, entre autres, dans les Colombo.
Jack Smight est à partir du début des années 70, un réalisateur Universal. Il va alterner pendant une vingtaine d’années films pour le grand écran et production TV. Il y démarre la dernière partie de sa carrière par Poids mort (Dead Weight, 1971) un Colombo. L’Enterrée vive est sa seconde adaptation d’un récit de Ray Bradbury, après l’étrange Homme tatoué (The Illustrated Man, 1969) avec Rod Steiger et Claire Bloom. Jack Smight reviendra au cinéma durant cette période avec 747 en péril (Airport 1975, 1974), gros succès pour ce film catastrophe avec Charlton Heston, puis il enchaîne avec autre très gros succès, toujours avec Heston, en Sensurround, La bataille de Midway (Midway, 1976).
L’histoire à suspense de L’Enterrée vive est traditionnelle. Smight ne joue pas sur l’aspect paranoïaque de la vieille dame, puisque le spectateur sait immédiatement que sous terre se trouve une femme, mais sur un parallèle inversé entre deux couples. D’un côté un homme, violent, qui tente de tuer sa femme avec une maîtresse sur le dos, de l’autre, un homme veule (le fils de la vieille dame) totalement soumis aux désirs de sa femme qui a une liaison extraconjugale. Les deux seront défaits par la vieille dame. C’est jouissif et le cheminement de l’histoire réserve quelques bonnes surprises jusqu’à un dénouement plus ambigu qu’il n’y paraît.
Fernand Garcia
L’Enterrée vive, une pépite réalisée pour la télévision américaine inédite en France, édité pour la première fois par Éléphant Films (master restauré en HD). En complément : une présentation par Jean-Pierre Dionnet. En très grande forme, l’enfant du Rock et de Métal Hurlant, évoque ses souvenirs de « l’incroyable et survivante » Olivia De Havilland, sa voisine du dessus, pendant cinq, six ans, rue de la faisanderie à Paris. Un portrait d’une grande drôlerie de l’actrice et une sympathique évocation de Ray Bradbury et de Jack Smight « un metteur en scène formidable, passionnant (.) un jour, on réalisera qu’il y a (dans ses films) une espèce de sophistication visuelle liée aussi à une certaine cruauté » (14 minutes). La bande-annonce (1’11) et de celles des autres films de la collection : Massacre au dortoir, Le Village des damnés, La ferme de la terreur, En plein cauchemar, Shock Wave (Le commando des morts-vivants) et Videodrome.
L’Enterrée vive (The Screaming Woman) un film de Jack Smight avec Olivia de Havilland, Joseph Cotten, Walter Pidgeon , Ed Nelson, Laraine Stephens, Charles Knox Robinson, Alexandra Hay, Lonny Chapman… Scénario : Merwin Gerard d’après une nouvelle de Ray Bradbury. Directeur de la photographie : Sam Leavitt. Décors : John E. Chilberg. Costumes : Edith Head. Montage : Robert F. Shugrue. Musique : John Williams. Producteur : William Frye. Production : Universal City Studios. Etats-Unis. 1972. 73 minutes. Technicolor. Format image : 1,33 :1. Audio : Français, Anglais DTS HD Dual Mono 2.0. Sous-titres : Français et Anglais. Tous Publics.