Sous une nuit orage, un car dérape et se fracasse contre un pylône électrique. Dan McCormick (Lon Chaney Jr.), le seul survivant, est emmené à l’hôpital. Il ne montre aucun signe de l’électrocution qui a tué tous les autres passagers. Dan est un artiste de cirque connu sous le nom de Dynamo. Il joue avec des piles et fait jaillir des étincelles entre ses mains. Son cas intéresse particulièrement le Dr. Rigas (Lionel Atwill)…
Initialement prévu pour Boris Karloff et Bela Lugosi, L’Échappé de la chaise électrique était une sorte de suite au Rayon invisible, mais le succès mitigé du film retarda sa mise en chantier. Quand Universal décida de mettre en chantier le film avec un budget moins important, elle essaya Lon Chaney Jr. dans le rôle prévu pour Karloff et Lionel Atwill dans celui destiné à Bela Lugosi. Le film est important dans la carrière des deux acteurs. Le succès est au rendez-vous, Universal signe un contrat de longue durée à Lon Chaney Jr. et Lionel Atwill. Ils vont se consacrer quasi exclusivement au cinéma fantastique (et ses sous-genres).
Lionel Atwill, avant de devenir un des grands noms du cinéma fantastique, est d’abord un grand de la scène londonienne. Le jeune Atwill abandonne à vingt ans ses études d’architecture pour les planches. Interprète exceptionnel, il devient un acteur réputé en quelques saisons, jouant autant de fougue et de talent William Shakespeare que George Bernard Shaw. Atwill joue pour la première fois à Broadway en 1915. Le succès et les demandes sont si importants qu’il s’installe à New York. Il tourne pour la première fois dans Eve’s Daughter en 1918. Atwill ne croit pas en l’avenir du cinéma, lui préférant la scène. Atwill est contacté en 1932 par la Fox, qui vient d’acquérir les droits de la pièce The Silent Witness, dans laquelle il a triomphé. L’essai son concluant, Atwill est engagé. Ce film marque les véritables débuts de sa carrière cinématographique. Lionel Atwill en une quinzaine d’années va tourner plus de 70 films !
A 47 ans, Lionel Atwill est un acteur d’expérience, familier des plus grands auteurs. Son jeu, solide et tout en finesse va lui permettre d’abord nombres de personnages, trouble et ambiguë. Il incarne à la perfection les militaires et les savants fous. Il est la vedette de deux films d’horreur chez Warner Bros. Le docteur X (1932) et Masque de cire (Mystery of the Wax Museum, 1933) deux magnifiques réalisations de Michael Curtiz en Technicolor bi-chrome. S’il tourne dans beaucoup de séries B, Atwill est aussi dans des productions de plus importantes, Nana (1934) de Dorothy Arzner, La femme et le pantin (The Devil is a Woman, 1935) de Josef von Stenberg, Capitain Blood (1935) de Michael Curtiz, Trois camarades (Three Comrades, 1938) de Frank Borzage, Toute la ville danse (The Great Waltz, 1938) de Julien Duvivier…
En 1941, le succès de L’Échappé de la chaise électrique, Lionel Atwill est définitivement un des grands noms du cinéma fantastique et d’épouvante. La même année Atwill incarne un officier nazi dans To Be or not To Be, chef-d’œuvre d’Ernest Lubitsch. Atwill devient un pilier des films de Frankenstein, des policiers et des serials des studios Universal. Il décède prématurément en 1946, à 61 ans, d’une défaillance cardiaque à la suite d’une pneumonie.
Lon Chaney Jr. est le fils de l’homme aux mille visages : Lon Chaney, star incontournable du cinéma d’épouvante des années 20. De son vrai nom Creighton Chaney, il est vite rebaptisé Lon Chaney Jr. (et parfois Lon Chaney, tout simplement) par opportunisme commercial. Avant L’Échappée de la chaise électrique, Lon Chaney Jr., avait déjà une longue carrière de petites apparitions et de seconds rôles. Acteur pas très expressif, mais athlétique, il est un acteur récurrent des sérials, genre prisé du public des années 30. Des souris et des hommes, est la chance de sa vie. Lon Chaney Jr. incarne sur scène Lennie Small, l’attardé mental de la pièce adapté du roman de John Steinbeck. C’est un triomphe. Lewis Milestone adapte le roman pour l’écran et fait tout naturellement confiance à Chaney. Le film est un succès nominé pour quatre Oscars.
Il accepte les longues séances de maquillage pour Le Loup-Garou (The Wolf Man). Réalisé par George Waggner, le film est un énorme succès, pour certains historiens le dernier classique de l’âge d’or. Lon Chaney Jr. se consacrera désormais au cinéma fantastique, cherchant peut-être à égaler son père. La Tombe de la Momie (The Mummy’s Tomb, 1942), Le spectre de Frankenstein (The Ghost of Frankenstein, 1942), Frankenstein rencontre le Loup-Garou (Frankenstein Meets The Wolf Man, 1943), Le Fils de Dracula (Son of Dracula, 1943), La maison de Frankenstein (House of Frankenstein, 1943), La malédiction de la momie (The Mummy’s Curse, 1944), quelques titres parmi d’autres que Lon Chaney Jr. enchaîne à Universal durant cette période. Son nom (parfois sans le Jr) est désormais un gage de frisson pour les spectateurs. Le genre fini par tomber dans la parodie avec 2 nigauds contre Frankenstein (Abbott and Costello meet Frankenstein, 1948), et Universal abandonne plus ou moins le film de genre des doubles programmes. Une page se tourne.
Durant les années 50, libéré de son contrat avec Universal, Lon Chaney Jr. alterne petites productions et grands films. Il élargit sa palette dans le western, le drame, le policier et la comédie. On retiendra de cette décennie trois productions de Stanley Kramer : Le train sifflera trois fois (High Noon, 1952) de Fred Zinnemann¸ Pour que vivent les hommes (Not As A Stranger, 1955) et La Chaîne (The Defiant Ones, 1958) deux films que réalise le producteur. Signalons aussi l’excellent A Lion in the Street (1953) de Raoul Walsh où il donne la réplique à James Cagney, qui incarnera son père dans le biopic (romancé) L’homme aux mille visages (Man of a Thousand Faces, 1957). Dans les années 60, Lon Chaney Jr. joue aussi bien dans des séries TV, dans des productions de Roger Corman, l’excellent La malédiction d’Arkham (The Haunted Palace, 1963) mixte d’Edgar Allan Poe et de H.P. Lovecraft, ainsi que dans de toutes petites productions.
Lon Chaney Jr. décède en 1973, ronger par la maladie. Son dernier film, à sortir sur les écrans américains est une série Z, House of the Black Death (Inédit en France) en 1971, dix ans après sa réalisation ! Sa carrière se termine réellement sous la « direction » mollassonne d’Al Adamson : Dracula versus Frankenstein (1969-1971) et Les Amazones du désir (The Female Bunch / A Time to Run, 1969-1971), dont l’idée du ranch isolé avec une communauté exclusivement féminine où un seul homme (Lon Chaney, Jr.), vendeur de drogue, est toléré, se retrouve (grandement amélioré) dans Il était une fois à Hollywood (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019) l’un des meilleurs Quentin Tarantino. Lon Chaney, Jr. n’aura pas démérité et nullement usurpé sa place dans l’histoire du cinéma fantastique.
Le scénario de L’Échappé de la chaise électrique est resté quelques années sur les étagères d’Universal avant de se voir porter à l’écran. Il est plein d’humour et le dialogue accumule, jeu de mots et blagues sur l’homme électrique, c’est spirituel et fort bien écrit. Ce second degré ajoute une fantaisie bien venue. Les effets spéciaux optiques sont dans la continuité de ceux du Rayon invisible, mais plus abouti, le visage se dessine mieux sous le halo électrique. La mise en scène de George Waggner a l’efficacité des films de monstres Universal, rapide sans fioritures, toujours dans l’essentiel. Le film se suit sur un rythme électrisant sans temps mort. George Waggner réalise à la suite, un chef-d’œuvre du genre, le fameux Loup-Garou, qui fera de Lon Chaney Jr. une star du genre.
L’Échappé de la chaise électrique, une B-picture, à redécouvrir.
Fernand Garcia
Article dédié à Pierre Gires, historien du cinéma fantastique, qui avait consacré deux formidables monographies à Lon Chaney Jr. et Lionel Atwill (in L’Ecran Fantastique n°7 et n°8).
L’Échappé de la chaise électrique, une édition Eléphant Films (combo DVD + Blu-ray, master restauré en HD) en compléments : une présentation du film par Gilles Gressard « L’Échappé de la chaise électrique est l’exploitation d’archétypes et de stéréotypes du cinéma fantastique dit gothique d’un âge d’or du film de monstre des années 30 » (14 minutes). La bande-annonce de L’Échappée de la chaise électrique (1’22) et des autres films disponibles dans la même collection : Alerte la nuit, La cité pétrifiée et Le Rayon invisible. Enfin, un livret signé par Alain Petit accompagne cette sympathique édition (16 pages).
L’Échappé de la chaise électrique (Man Made Monster) un film de George Waggner avec Lon Chaney Jr, Lionel Atwill, Anne Negal, Frank Albertson, Samuel S. Hinds, William Davidson, Ben Taggart, Connie Bergen… Scénario : Joseph West d’après The Electric Man de H.J. Essex, Sid Schwartz et Len Golos. Directeur de la photographie : Elwood Bredell. Décors : Jack Otterson. Direction musical : H.J. Salter. Montage : Arthur Hilton. Producteur associé : Jack Bernhard. Production : Universal Pictures. Etats-Unis. 1941. 60 minutes env. Noir et blanc. Son : Version originale avec ou sans sous-titres en français (blanc ou jaune) et en anglais. DTS-HD mono 2.0. Tous Publics.