Le Voyage fantastique de Sinbad est une date importante dans la carrière de Ray Harryhausen, cette belle aventure va permette à une nouvelle génération de spectateurs de découvrir le cinéma de ce génie des effets spéciaux. Après une série de déceptions au box-office, le duo Charles Schneer (producteur) et Ray Harryhausen reprennent la main – et de quelle manière! – avec cette féerique nouvelle aventure de Sinbad.
En pleine mer, le navire de Sinbad est survolé par un étrange oiseau, un homoncule (un minuscule homme chauve-souris). Un marin l’atteint avec une flèche et l’homoncule lâche une amulette en or. Sinbad décide contre l’avis de son équipage de la garder sur lui. La nuit est terrible, alors qu’une tempête sévie, Sinbad fait un horrible cauchemar… Au matin, le calme revenu, le bateau jette l’ancre dans un lagon du Royaume de Marabia…
Quinze années séparent Le 7e voyage de Sinbad du Voyage fantastique de Sinbad, le film marque le grand retour du héros des Mille et Une Nuits et du cinéma dédié au merveilleux. Le scénario est de la plume de Brian Clemens, grand artisan de la culture populaire. De son imagination débordante, a surgi nombre de scripts délirants, horrifiants, fantastiques, angoissants, mâtinés d’humour noir. Qui ne connaît John Steed et Emma Peel! Clemens a coproduit et écrit plusieurs épisodes, cette merveille pop de la série TV : Chapeau melon et bottes de cuir (The Avengers). Il est présent sur la série dès les origines et finit par imposer Diana Rigg comme partenaire de Patrick Macnee à la place d’Honor Blackman. Cheville ouvrière de nombreuses séries dont Amicalement vôtre avec Roger Moore et Tony Curtis, autre série culte à laquelle Clemens apporte tout son savoir-faire. La télévision ne l’empêche pas d’écrire pour le cinéma et plus particulièrement pour la Hammer. Il a l’idée de génie de transformer Mr Hyde en femme pour l’étonnant Dr. Jeckyll & Sister Hyde que réalise Roy Ward Baker avec Ralph Bates et Martine Beswick, à l’étrange ressemblance. Clemens ne réalise qu’un seul film Capitaine Kronos : Vampire Hunter (1974). Parmi ses scénarios, signalons Terreur aveugle (See No Evil, 1971), formidable polar réalisé par Richard Fleischer, l’histoire flippante d’une aveugle (Mia Farrow) aux prises avec un impitoyable tueur. Pour Le Voyage fantastique de Sinbad, il laisse libre cours à sa créativité, à partir d’un texte qu’il coécrit avec Ray Harryhausen, il développe une histoire aux multiples rebondissements dans laquelle il n’existe pas de temps mort. Clemens est un conteur avec les soucis constants de surprendre le spectateur, Le Voyage fantastique de Sinbad ne déroge pas à la règle.
Pour cette nouvelle aventure Schneer et Harryhausen font appel à Gordon Hessler, réalisateur anglais, jusque-là « spécialisé » dans le film d’horreur. Hessler est né en Allemagne d’un père Anglais et d’une mère danoise. Il passe son enfance en Angleterre avant d’atterrir aux Etats-Unis. Alfred Hitchcock le prend sous contrat et Hessler réalise pour lui un téléfilm dans la série Alfred Hitchcock présente. Son efficacité dans le suspense et la terreur, le mène naturellement à diriger des pointures dans le genre, Christophe Lee, Vincent Price, Peter Cushing et même Bette Davis, dans des films aux titres des plus évocateurs, Catacombs (1965), Le cercueil vivant (The Oblong Box, 1969) Lachez les monstres (Scream and Scream Again, 1970), etc.
Avec Sinbad, Hessler opte pour une mise en scène dynamique avec des personnages toujours en mouvement au sein de cadres toujours harmonieux. Hessler soigne particulièrement les costumes, remarquables, et ses décors intérieurs et extérieurs. La beauté de l’ensemble, la très belle photographie de Ted Moore et le rythme soutenu ne laissent aucun temps mort subsister. Ce rythme permet une intégration impeccable des effets spéciaux, et là, c’est un festival, de l’homoncule au Centaure-cyclope en passant par un combat avec la déesse Kali époustouflant.
Le Voyage fantastique de Sinbad bénéficie d’une splendide musique de Miklos Rozsa, il succède à un autre géant, Bernard Herrmann. Rozsa, compositeur d’origine hongroise, s’installe à la fin des années 30 à Hollywood. Sa virtuosité fait merveille dans le film noir: Assurance sur la mort, Le poison, Pour toi, j’ai tué, etc. Il décroche le premier de ses trois Oscar avec La Maison du Docteur Edwardes (Spellbound, 1945) d’Alfred Hitchcock. Son œuvre pour le cinéma ne saurait être réduite aux films noirs, il compose de magnifiques partitions dans tous les genres. L’une de ses plus populaires est celle de Ben-Hur de William Wyler (son dernier Oscar). Il travaille pour les plus grands d’Hollywood: Billy Wilder (une longue collaboration), Fritz Lang, Nicholas Ray, John Huston, Anthony Mann, Mervyn LeRoy, Joseph L. Mankiewicz, Robert Aldrich, Douglas Sirk, Vincent Minnelli etc. En 1976, Rozsa compose une splendeur pour le lovecraftien Providence d’Alain Resnais, récompensé par le César de la meilleure musique.
Côté distribution John Phillip Law succède à Kerwin Mathews, pour un Sinbad des plus convaincants. Law a le charme, la beauté et l’élégance du héros du conte. Tom Baker est un magicien tout ce qu’il y a de plus diabolique. Enfin, Caroline Munro, Margiana, l‘esclave libre, est un plaisir permanent pour les yeux dans ses déshabillés orientaux particulièrement sexy et aux décolletés vertigineux, son éclatante beauté a de quoi terrasser le plus excité des centaures-cyclopes.
Caroline Munro est née en 1949 à Windsor (Berkshire), elle passe son enfance dans la petite ville de Rottingdean. Elle reçoit une éducation religieuse dans une école catholique. La jeune Munro songe à des études sur l’histoire de l’Art, mais son premier prix à un concours du plus beau visage de l’année lui ouvre les portes du mannequinat. A 17 ans, elle pose pour les magazines et pour des publicités. Au bout de huit années de régime publicitaire, Munro fait une entrée discrète dans le cinéma avec Casino Royale dans le segment réalisé par Val Guest. Son premier rôle « important » est dans le western A Talent for Loving (1969) où elle joue la fille de Richard Widmark. Puis, la femme morte de Vincent Price dans L’Abominable Docteur Phibes ! (The Abominable Dr. Phibes, 1971) ! Frappé par son extraordinaire plastique, Michael Carreras lui signe un contrat d’exclusivité à la Hammer. Elle est une victime de choix pour Dracula dans Dracula 73 (Dracula A.D. 1972). Brian Clemens la dirige dans son unique film Captain Kronos : Vampire Hunter en 1974. Le succès du Voyage fantastique de Sinbad en fait une déesse du cinéma fantastique, ce que confirme Centre Terre, 7ème Continent (At the Earth’s Core, 1976) où elle est d’une beauté renversante. Munro devient une des actrices les plus populaires de cinéma d’horreur avec l’éprouvant Maniac (1980). Sa création de Stella Star, héroïne en bikini de cuir noir, dans le cultissime Star Crash, le choc des étoiles (1978),est à jamais dans l’imaginaire des amateurs de cinéma Bis. Caroline Munro refusera toujours d’apparaître totalement nue à l’écran préférant des tenues et des poses sexy. Autre particularité, quel que soit le film, ses dialogues seront toujours réduits au minimum. La belle se fera exploser en plein ciel par James Bond dans une séquence mythique de L’Espion qui m’aimait (The Spy Who Loved Me, 1977). Caroline Munro est l’objet d’un véritable culte de la part de ses nombreux fans à travers le monde.
Le Voyage fantastique de Sinbad est une réussite que Marvel adapte pour son comic book Worlds Unknown, anthologie de classiques de la littérature de science-fiction en BD où l’on retrouve les signatures de L. Spague de Camp, Fredric Brown, Theodore Sturgeon, etc. Rien d’étonnant, Le Voyage fantastique de Sinbad est une œuvre idéale pour enrichir l’imaginaire des enfants, de quoi rêver d’aventure palpitante et de monstres à combattre, le plaisir du spectacle populaire.
Fernand Garcia
Le Voyage fantastique de Sinbad est édité par Sidonis Calysta dans un magnifique coffret comprenant Le 7e Voyage de Sinbad et Sinbad et l’œil du tigre, la copie HD est somptueuse, en bonus, la bande-annonce du film. Le film est aussi disponible en édition simple (Blu-ray et DVD).
Le Voyage fantastique de Sinbad (The Golden Voyage of Sinbad) un film de Gordon Hessler avec John Phillip Law, Caroline Munro, Tom Baker, Douglas Wilmer, Martin Shaw, Gregoire Aslan, Kurt Christian, Takis Emmanuel… Scénario : Brian Clemens d’après une histoire de Brian Clemens et Ray Harryhausen. Création des effets spéciaux : Ray Harryhausen. Directeur de la photographie : Ted Moore. Décors : John Stoll. Costumes : Verena Coleman & Gabriella Falk. Montage : Roy Watts. Musique : Miklós Rózsa. Producteurs : Charles H. Schneer & Ray Harryhausen. Production : Columbia Pictures – Morningside Productions Inc. – Ameran Films. Grande-Bretagne – Etats-Unis. 1973. 105 minutes. Eastmancolor. Dynarama. Format Image : 1.85:1. Son : 5.1. et 2.0. VOSTF et VF. DTS-HD. Tous Publics.