Victor, la quarantaine, professeur de lettres en vacances et prévisionniste amateur à Météo-France, est un feu-follet, un dilettante sympathique, qui se laisse vivre au gré du vent, aux côtés de sa compagne, Anne, qui commence à s’en fatiguer. Dans ce road-movie en forme de chronique sentimentale à la fois burlesque et mélancolique, il va faire le tour des lieux de son passé. Il retrouvera « ce que sont devenus » ses amies et amis. Il croisera surtout ses anciennes compagnes. Toutes semblent le regretter mais toutes ont aussi quelque chose à lui reprocher : peut-être parce qu’elles ont trop aimé cet être si aimable, ce rêveur insouciant, imprévisible, mais surtout insaisissable… Allez savoir.
« Je défends des valeurs, mais toujours sur le ton de la plaisanterie. Mes films ne sont pas des sujets, ce sont des anecdotes, des relations, des personnages. Et je ne peux pas m’empêcher de désirer divertir, faire rire. Sans doute un vieux souvenir de classe où je faisais le couillon pour amuser mes coreligionnaires. » Pascal Thomas.
Né le 2 avril 1944, Pascal Thomas est réalisateur, scénariste, producteur et acteur. D’abord journaliste, il réalise une série de reportages dont l’un des premiers films sur les Black Panthers. Alors qu’il connait des difficultés à terminer un roman autobiographique, c’est Claude Berri qui lui suggèrera d’écrire un scénario adapté d’un épisode de son roman qu’il n’achèvera jamais et de passer à la mise en scène. Ce scénario deviendra le court-métrage, Le poème de l’élève Mikovsky (1971), qui sera prolongé par le long métrage Les Zozos en 1972, une comédie sur l’adolescence tourné en province avec des comédiens amateurs, que Pascal Thomas écrit avec Roland Duval, son ancien professeur de français à qui Le Voyage en Pyjama est dédié, et dont l’énorme succès fera entrer le terme « zozo » dans le langage courant.
« L’ensemble de mes films est tourné vers le passé. Pas vers un passé nostalgique, mais vers un style de relations qui est en train de disparaître, du fait de l’individualisation, de la disparition de la vie des quartiers ; autrefois il y avait une entraide, une familiarité, une connaissance de l’autre. Maintenant, les gens ne se connaissent plus, ne se mélangent plus. Ils vivent virtuellement. Mon cinéma raconte un état antérieur. » Pascal Thomas.
Dès son premier film, le gout du cinéaste pour ce qui est désuet et suranné est présent, et les bases de son cinéma sont posées : l’adolescence, les dérobades du cœur, la campagne et le portrait d’une France qui n’existe plus. Auteur de comédies brillantes, Pascal Thomas compte parmi les plus dignes représentants de notre patrimoine. Comme il le déclare lui-même, avec son cinéma, Pascal Thomas cherche à « dépeindre les instants heureux, cocasses, inattendus, secrets, du début des amours et de prémisses du désamour, bref dépeindre les moments surprenants et bouleversants où se décident les vies… se déroulant dans une France moqueuse, départementale, et bien sûr, sentimentale. ».
Co-écrit par Pascal Thomas et Nathalie Lafaurie sur un ton résolument ludique et sans aucune concession à la pensée ambiante, Le Voyage en Pyjama nous raconte l’histoire d’un professeur de lettres plutôt fantasque qui, profitant d’un congé sabbatique, décide de faire une promenade dans son passé amoureux, pour revoir celles qui ont partagé sa vie à différents moments. Comme souvent dans la vie, et dans le cinéma de Pascal Thomas, Le Voyage en Pyjama est une histoire où tout commence par le hasard, une histoire où les évènements qui s’enchainent sont toujours imprévus.
Les Zozos (1972), Pleure pas la bouche pleine (1973), Le Chaud Lapin (1974), Les Maris, les femmes, les amants (1988), La Dilettante (1998) ou encore Mon petit doigt m’a dit (2004), si Pascal Thomas est habitué aux titres qui intriguent et amusent, Le Voyage en Pyjama est une comédie provinciale dont le titre nous annonce une fois encore toute la fantaisie de son auteur. Témoins de son éclectisme, on lui doit aussi, entre autres, les films suivants : La Surprise du chef (1976), Un oursin dans la poche (1977), Confidences pour confidences (1978), Celles qu’on n’a pas eues (1980), La Pagaille (1990), Mercredi, folle journée ! (2000), Le Grand appartement (2006), L’heure zéro (2007), Le Crime est notre affaire (2008) ou Associés contre le crime… (2012).
A la fois riche et varié avec ses multiples personnages et ses comédiens intergénérationnels, ses dialogues, ses lieux ou encore ses différents modes de déplacements (vélo, TER, Vespa, péniche…), le cinéaste crée de nombreux contrastes qui donnent au film un rythme aussi soutenu qu’inattendu. Coutumière du réalisateur, la poésie burlesque qui habite ce road-movie insolite, participe, elle aussi, à l’atmosphère singulière du film.
« Je recherche l’accident même au montage. Il est vrai que c’est symptomatique de ce type de tournage, un quelconque accident arrive et cela devient positif. On s’adapte à la pluie, au vent. On ne cherche jamais à masquer les choses. C’est la différence entre le cinéma Lumière et le cinéma Méliès. C’est la leçon de Renoir et de Rozier que de prendre la richesse de l’instant, essayer de l’intégrer. Cela crée des moments de vérité fantastiques. » Pascal Thomas.
Dès ses débuts, Pascal Thomas s’est démarqué du « cinéma parisien » en célébrant et en filmant la campagne française. Presque toutes ses comédies ont été tournées dans le Poitou où il est né. Tourné dans la Sarthe, la nature et la campagne tiennent donc un rôle important dans le film comme dans l’œuvre toute entière du réalisateur. Afin de mieux raconter la vie qui passe, ce dernier n’hésite pas à confronter les vicissitudes de la vie et les passions qui animent ses personnages, aux aléas du temps et de la nature.
Contemplatif, paisible et courtois, Paul-Emile, dit Victor, est un dilettante qui se laisse vivre et qui s’assume. Le personnage principal de ce voyage inattendu, est interprété par le comédien Alexandre Lafaurie qui, bien que non professionnel, est un habitué de l’univers du cinéaste pour lequel il a déjà joué divers petits rôles dans plusieurs de ses films. A ses côtés, de Barbara Schultz à Pierre Arditi, en passant par Hippolyte Girardot ou encore Louis-Do de Lencquesaing, on retrouve d’autres habitués des distributions toujours impeccables du réalisateur. Si on marivaude souvent dans ses films, le cinéaste reste fidèle à ses acteurs et ses actrices.
« L’écrit au cinéma, c’est la rêverie, tout reste à faire jusqu’au tournage et même pendant on se doit d’affiner les scènes et de les enrichir. Dans ces petites opérations, les acteurs ont leur mot à dire. » Pascal Thomas.
Avec un style toujours très attaché à la spontanéité, le regard que Pascal Thomas porte sur ses comédiens et la manière qu’il a de les filmer vient indubitablement traduire l’amour qu’il leur porte. Les structures chorales de ses films laissent toujours le temps d’exister à chacun des personnages. Alors que le personnage principal de son nouveau film est un homme, comme bien souvent dans les films de Pascal Thomas, les femmes occupent dans cette histoire une place prépondérante.
Nouveau film de Pascal Thomas dont on dit qu’il est le « cinéaste du bonheur », Le Voyage en Pyjama est une rêverie, une invitation à une balade hédoniste à la fois drôle et nostalgique, burlesque et poétique, qui exhale aussi bien le goût de vivre qu’elle met en lumière la beauté de la campagne française. Fuyant toujours les dogmes, Pascal Thomas réconcilie le film d’auteur et la comédie populaire. Cinéaste libre, avec Le Voyage en Pyjama, Pascal Thomas signe une fantaisie légère, une fable hors du temps dont le seul objectif est de procurer du bonheur à celles et ceux qui iront le voir.
Steve Le Nedelec
Le Voyage en Pyjama un film de Pascal Thomas avec Alexandre Lafaurie, Constance Labbé, Lolita Chammah, Barbara Schulz, Anouchka Delon, Emmanuelle Bouaziz, Marguerite Perrotte, Irène Jacob, Stella Trotonda, Louis-Do de Lencquesaing, Claude Perron, Philippe Lelièvre, Pierre Arditi, Anny Duperey, Hippolyte Girardot, Christian Vadim… Scénario : Natahlie Lafaurie et Pascal Thomas. Image : Jean-Marc Fabre. Décors : Hélène Dubreuil. Costumes : Ariane Viallet. Montage : Diane Logan. Musique : Reinhardt Wagner. Productrice : Nathalie Lafaurie. Production : Numéro 7 – Les Films Français avec la participation de Canal + et de Ciné + et le soutien de la Région des Pays-de-la-Loire. Distribution (France) : StudioCanal (Sortie le 17 janvier 2024). France. 2024. 89 minutes. Couleur. DCP. Tous Publics. Film d’ouverture de la rétrospective Pascal Thomas à la Cinémathèque Française.