Le Teckel – Todd Solondz

Le Teckel attendait son « maître » à la SPA. L’homme qui va l’adopter est riche. Mais le Teckel s’en fout de l’argent, du statut social, de tout ce qui donne de l’importance à l’homme dans la société. Il devient le jouet à quatre pattes d’un enfant atteint d’un cancer. Il trouve le môme sympathique, ce qui n’est pas le cas de la mère de famille: une française, plus américaine que les américaines. Le Teckel chie partout dans la maison aseptisée de la famille et se retrouve illico chez le veto pour être euthanasier… mais ses aventures sont loin d’être terminés…

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Le héros à quatre pattes du nouveau film de Todd Solondz est dans le paysage urbain dans lequel il va évoluer un véritable punk, un être asocial, un marginal, un subversif. Il faut dire que l’animal va avoir droit à toute une série de rencontres, toutes plus désespérantes les unes que les autres. Des gens laminés par la solitude, l’isolement, le ressentiment, des vies finies avant l’heure. Une jeune femme introvertie (Greta Gerwig) sauve le Teckel pour avoir un peu d’humanité à sa domicile. Elle rencontre dans une épicerie un ex camarade de classe, junkie, et décide de le suivre. La pauvre fille en mal d’amour, lâche tout et part avec ce paumé… Le Teckel n’est pas au bout de ses surprises… jusqu’à un scénariste oublié dans une université (formidable Danny DeVito) qui voit sa vie passer sans que sa grande œuvre intéresse qui que se soit à Hollywood.

Danny DeVito Le Teckel

Comme si le monde s’était ligué contre lui, il doit participer au recrutement des nouveaux élèves. Il assiste à l’entretien avec un jeune arriviste, pure produit du système éducatif et de la pipolisation des médias, dont le but est de devenir réalisateur et qui se trouve incapable de citer le moindre film ! Ce n’est rien en comparaison du réalisateur, ex étudiant de l’école, venu pour une master class. Là, c’est la suffisance crade de celui qui a réussi à faire de l’argent. De quoi faire plonger notre scénariste dans des abimes d’amertume, dans sa solitude et dans sa misère sexuelle. Le système, quoique extrêmement poli, est impitoyable. Système qui tel un aspirateur tente de récupérer le Teckel. Ainsi, il devient le protagoniste d’un intermède du film à la gloire de l’Amérique !

De maître en maître tout est toujours aussi pitoyable. L’art n’est même plus un espace de liberté, mais juste du négoce. La visite de la fille d’une vieille artiste est un autre moment de déshumanisation. Le but de la visite de la fille, après des années de silence, est de pomper du fric à sa mère afin de subvenir aux besoins de son amant black et artiste en devenir. La vieille dame malade (Ellen Burstyn) n’est pas dupe, elle cède… et reste seule avec ses rêves kitchs de pureté, bouée de sauvetage qui la maintient en vie… Décidément, la vie des hommes est vraiment pitoyable.

Découvert il y a un peu plus de 20 ans avec Bienvenue dans l’âge ingrat, Todd Solondz est resté fidèle à lui-même, avec un cinéma singulier, en marge des normes américaines de l’entertainment. Le Teckel est une réussite avec ses bribes d’histoires qui dessinent un paysage effroyable de la société américaine. Une société piégée où tout le monde est réduit au silence et à la soumission aux règles. Solondz n’épargne personne. Magnifique photo et cadre d’Edward Lachman, deuxième collaboration avec Solondz après Life During Wartime (2009).

De film en film, le constat de Solondz est de plus en plus amer. Pour une vie de chien rien ne vaut l’Amérique…

Fernand Garcia

le-teckel-afficheLe Teckel (Wiener-Dog) un film de Todd Solondz avec Julie Delpy, Greta Gerwig, Danny DeVito, Ellen Burstyn, Keaton Nigel Cooke, Tracy Letts, Kieran Culkin… Scénario : Todd Solondz. Directeur de la photographie : Edward Lachman. Décors : Akin McKenzie. Montage Kevin Messman. Musique : James Lavino. Producteurs : Megan Ellison, Christine Vachon. Production : Annapurna Pictures – Killer Films. Distribution (France) : ARP Sélection (sortie le 19 septembre 2016). Etats-Unis. 88 mn. Couleur. DCP. Tous Publics. Prix du jury et Prix de la Révélation au Festival du film Américain de Deauville, 2016.