Le train militaire n°9 s’arrête dans la petite bourgade de Myrtle afin de réapprovisionner en eau la locomotive. Le convoi sous le commandement du Major Claremont (Ed Lauter) doit se rendre au Fort Humboldt. Le voyage est encore long. A bord, le Gouverneur Fairchild (Richard Crenna), sa future épouse Marica (Jill Ireland), la fille du commandant du Fort Humboldt, le Révérand Peabody (Bill McKinney), O’Brien (Charles Durning) et le Docteur Moyneux (David Huddleston). Dans l’attente, ils se retrouvent dans une baraque saloon. Le Commandant est entrepris par shérif adjoint (Ben Johnson) qui tende de le convaincre de le prendre à bord du train. A une table, John Deakins (Charles Bronson) gagne gros au poker, en trichant…
Tom Gries ne se rattache à rien. Découvert en 1967 avec Will Penny, le solitaire, magnifique western réaliste avec Charlton Heston, Tom Gries semble surgir de nulle part, estampiller auteur, il désarçonne par la suite avec Les 100 fusils (100 Rifles, 1969), western épique qui bouscule la morale avec ses scènes de sexe interracial entre Jim Brown et Raquel Welch (à l’époque la plus belle femme du monde). Gries n’est pas du nouvel Hollywood, pas plus qu’il n’est identifié parmi la génération qui apparaît au début des années 60, John Frankenheimer, Arthur Penn, William Friedkin, et tant d’autres formés aux dramatiques TV. Pourtant, Gries, en 1967, n’est plus un novice, il a 45 ans et une longue expérience derrière lui de réalisateur de séries TV.
Tom Gries débute pourtant au cinéma par deux bandes plus ou moins fauchées de série B : Serpent Island (1954), un film d’aventures et Hell’s Horizon (1955), un film de guerre. 80 minutes estimables, mais c’est la télévision en plein boom qui va l’accaparer. Gries enchaîne les épisodes dans tous les genres : science-fiction, western, mystère… Un intermède cinéma avec Girl in the Woods en 1958, l’histoire d’un géant, n’attire pas plus l’attention sur lui que ses deux premiers essais. Il n’arrête plus la TV, Des agents très spéciaux, Batman, Mission Impossible… Il écrit patiemment un western réaliste sur un cow-boy, le fameux Will Penny, qu’il décide de porter à l’écran. Heston aime son scénario, mais pense à William Wyler ou George Stevens pour le porter à l’écran. Gries refuse. Heston se laisse convaincre.
Tom Gries et Charlton Heston s’entendent à merveille et se retrouvent sur deux autres films : Number One (1969) et Le maître des îles (The Hawaiians, 1970). La carrière de Gries est des plus curieuses. Il oscille entre unitaires TV de standing dans les années 70 et films d’auteur sans retrouver l’aura de Will Penny. Il faudrait les revoir pour se faire une réelle opinion.
Gries termine sa carrière en 1977 avec Le Plus Grand (The Greatest) un biopic sur et avec Mohammad Ali (Cassius Clay) adaptation de sa propre autobiographie. Tom Gries décède d’un arrêt cardiaque à 54 ans durant la post-production du film. Dans sa carrière, il tourne, coup sur coup, en 1975, deux films avec Charles Bronson : L’Evadé (Breakout) et Le Solitaire de Fort Humblodt, deux succès populaires. Gries retrouve à ses côtés des fidèles : Lucien Ballard à la photo, Byron « Buzz » Brandt au montage, et Jerry Goldsmith à la musique. Les deux films se déroulent à des époques différentes, L’Evadé à l’époque contemporaine et Le Solitaire de Fort Humblodt au 1870, tout en restant dans le registre du polar. Gries avait dirigé Charles Bronson, qui n’était pas encore une vedette, en 1961, dans un épisode de Caïn’s Hundred.
Le Solitaire de Fort Humblodt est l’adaptation par Alistair MacLean de son roman. Grand fournisseur de Best Sellers, MacLean a souvent été adapté au cinéma avec à la clé de grands succès : Les Canons de Navarone (The Guns of Navarone, 1961) de J. Lee Thompson, Quand les aigles attaquent (Where Eagles Dare, 1968) de Brian G. Hutton ou Destination : Zebra, station polaire (Ice Station Zebra, 1968) de John Sturges. Avec Le Solitaire de Fort Humblodt, on retrouve certes des soldats, mais nous ne sommes plus dans la Seconde Guerre mondiale ou en pleine guerre froide, mais au pays des cow-boys pour une intrigue à la Agatha Christie. C’est un peu Dix petits nègres dans le train du Crime de l’Orient Express, Hercule Poirot laissant sa place à un agent des services secrets (Charles Bronson). Le déroulement de l’action est efficace, les personnages meurent les uns après les autres, et bien évidemment tous les passagers sont suspects. Tout ce qui se déroule dans le train est formidable, dommage que la fin ne soit pas au même niveau.
Le film de Tom Gries est toutefois des plus plaisants. Charles Bronson surprend, en se présentant comme un non-violent. Le film joue habilement sur les attentes du public. Il ne fait aucun doute que Bronson prend du plaisir à incarner un faux bandit. Autour de la star, un casting solide de vraie gueule de cinéma : Ben Johnson, impeccable en shérif, et Charles Durning, Richard Crenna, Ed Lauter, Bill McKinney, Robert Tessier, David Huddleston et côté féminin (assez réduit) : Jill Ireland, dans de bonnes scènes où elle toise Bronson, et Sally Kirkland dans un petit rôle de prostituée.
Le Solitaire de Fort Humblodt est de dernier film de Yakima Canutt, véritable légende de la réalisation de seconde équipe et de la coordination des cascades. Cascadeur sur des centaines de films, il est victime d’une multitude d’accidents depuis ses débuts au cinéma dans les années 1915. A partir de La Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939) de John Ford, il devient un réalisateur de seconde équipe renommé. Canutt grand ami de John Wayne devient un familier des films avec l’acteur. Il déploie tout son talent dans les westerns, mais son plus grand exploit est le réglage de la séquence d’anthologie de la course de chars de Ben-Hur (1959). Yakima Canutt réalise quelques films sans convaincre dans les scènes de jeu, il est avant tout un homme d’action. Pour Le Solitaire du Fort Humboldt, il se charge, à 80 ans, des cascades, du déraillement d’une partie du train et de sa dernière attaque d’Indiens. Une carrière totalement au service du spectaculaire.
Le Solitaire de Fort Humblodt bénéficie d’une réalisation efficace de Tom Gries. Le cadre et la photo de Lucien Ballard tirent le meilleur de paysages grandioses, et certaines séquences comme la bagarre sur le train en marche sont de toutes beautés. Le tout est accompagné par une intelligente musique de Jerry Goldsmith. Western, film d’aventure, d’action, thriller, film criminel, Le Solitaire de Fort Humboldt c’est le charme bonifié du cinéma populaire.
Fernand Garcia
Le Solitaire de Fort Humblodt, une édition dans sa collection Western de Légende, pour la première en Blu-ray (disponible en combo). En complément l’éditeur nous propose : Une présentation par Jean-François Giré où il égrène les moments forts du film et s’arrête sur ses qualités et défauts (12 minutes). Une interview de Kim Newman, qui retrace toute une époque du cinéma des années 70, avec les grands classiques du cinéma américain. Il aborde l’aspect cinéma populaire du Solitaire de Fort Humboldt dans la continuation des gros succès des films catastrophes et d’actions (25 minutes). Enfin, trois bandes-annonces d’époque du film de Tom Gries (9 minutes env.).
Le Solitaire de Fort Humblodt (Breakheart Pass) un film de Tom Gries avec Charles Bronson, Ben Johnson, Jill Ireland, Charles Durning, Ed Lauter, Richard Crenna, Sally Kirkland, John Mitchum, Archie Moore… Scénario : Alistair MacLean d’après son roman. Réalisateur 2e équipe et coordination des cascades : Yakima Canutt. Directeur de la photographie : Lucien Ballard. Décors : Johannes (Tambi) Larsen. Montage : Byron « Buzz » Brandt. Musique : Jerry Godsmith. Producteur exécutif : Elliott Kastner. Producteur : Jerry Gershwin. Production : United Artists Corporation. Etats-Unis. 1975. Couleur. Format image : 1,85 :1. Son : Version originale avec ou sans sous-titres français et Version Française. DTS-HD 2.0. Tous Publics.