Un vent violent souffle sur la plaine, un chien grogne et aboie en tirant sur sa chaîne. Trench (Aaron Saxon) et un complice, Charlie (Norman Fredric), viennent d’attaquer une petite ferme et de violenter sa propriétaire. Trench est un voleur de la pire espèce, il n’hésita pas à tuer, à massacrer à la moindre occasion. A l’extérieur, Simon, son fils, surveille, le cœur serré, le dégoût aux lèvres. Après avoir écoulé le butin, Trench et Charlie rejoignent Simon dans leur repaire; celui-ci, excédé par cette vie de violence, a pris la décision de les quitter définitivement… Il réussit à se défaire du poids de son père et devient chercheur d’or en compagnie d’un homme qui ignore tout de son passé, Luke (Mark Stevens)…
Le Sentier de la vengeance est une rareté, un western hors des radars, réalisé et interprété par Mark Stevens, un solide acteur de second plan. Le Sentier de la vengeance est sa troisième réalisation pour le grand écran, un western de série B au minuscule budget et tout laisse à penser que sa destination finale était les Drive-in.
L’histoire du Sentier de la vengeance est simple, de l’ordre d’un pulp de tourniquet de gare, rapidement lu durant le trajet et oublié à l’arrivée. Ce qui frappe dans ce récit – et c’est le cas de le dire – c’est la violence, brutale, physique et émotionnelle. Violence de la nature avec un vent puissant, sifflant, emportant tout sur son passage, mis en parallèle de la violence irraisonnée des hommes. Trench est une brute, un condensé de haine envers tous et animé par un esprit de revanche sur ses semblables. Son fils n’est pour lui qu’un assistant, un dédoublement de son être totalement à son service, une arme de plus pour ses funestes projets. Manipulateur, il entraîne dans son chemin de violence des guerriers indiens, les poussant aux pires exactions en leur promettant la libération de leur peuple. Trench n’est pas à une vilenie près. Aaron Saxon en fait des tonnes dans ce personnage taillé à la serpe, et il a bien raison. Rien en lui n’est dans la norme, tout est outré et démentiel dans son attitude. Mark Stevens, réalisateur, pousse le jeu des acteurs jusqu’à la caricature que nous ne sommes pas loin d’un effet comique involontaire.
Le Sentier de la vengeance fonctionne sur la relation fils/père. Simon, le fils de Trench, est né et a végété dans la violence, il sort de ce cauchemar comme un drogué d’un shoot. Il s’enfuit à la suite d’un coup de trop par une nuit de tempête. Pour la première fois, il sort son arme contre son père. Renaître ailleurs comme chercheur d’or et avec un autre homme qui ne connaît rien de son pitoyable passé. Gagner sa vie à la sueur de son front et non à la fumée du revolver, mais le passé resurgit tôt ou tard dans ces contrées sans loi. Simon est né de la violence et il ne peut que sillonner à ses côtés.
Le sentier de la vengeance n’est qu’un chemin vers la rédemption, c’est le périmètre auquel Mark Stevens se limite. Sa mise en scène va vers l’abstraction, éliminant tous les éléments figuratifs – certainement pour des questions de budget – mais cela donne une réelle puissance à son sujet. Ainsi, cette bagarre dans un saloon désert et ce règlement de comptes final dans des décors fantômes. Ce minimalisme, ses multiples imperfections et invraisemblances, le sifflement quasi-permanent du vent, font de ce western un objet assez curieux.
Fernand Garcia
Le Sentier de la vengeance est édité par Sidonis / Calysta dans sa prestigieuse collection Western de Légende. Dans les bonus, une présentation du film par Patrick Brion qui comme à son habitude revient sur les principaux westerns de 1958, une année de transition dans le genre. Brion trouve Gun Fever anormalement violent, peut-être en compensation des lacunes du scénario, et que l’interprétation est parfois des plus inégales (8 minutes). Enfin, la traditionnelle galerie de photos et d’affiches du film.
Le Sentier de la vengeance (Gun Fever) un film de et avec Mark Stevens et John Lupton, Larry Storch, Jana Davi, Aaron Saxon, Norman Fredric, Jerry Barclay, Clegg Hoyt… Scénario : Stanley H. Silverman & Mark Stevens d’après une histoire de Harry S. Franklin & Julius Evans. Directeur de la photographie : Charles Van Enger. Montage : Lee Gilbert. Musique : Paul Dunlap. Producteurs : Harry Jackson & Sam Weston. Production : Jackson-Weston Productions –United Artits. Etats-Unis. 1958. 79 minutes. Noir et blanc. Format image : 1,37 :1. 16/9e. Son VOSTF et image restaurés. Inédit en France. Tous publics.